catastrophes naturelles
Question de :
M. Arnaud Montebourg
Saône-et-Loire (6e circonscription) - Socialiste
M. Arnaud Montebourg appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les critères retenus par son ministère pour sélectionner les communes reconnues en état de catastrophe naturelle. Le premier critère, de nature météorologique, a permis à certaines communes de l'arrondissement de Louhans d'être reconnues et d'autres pas, alors qu'elles sont parfois contiguës, voire même imbriquées, et de structures géologiques parfaitement identiques. S'agissant du second critère, de nature géologique, nombre de communes n'ont pu produire les études géologiques exigées par le ministère de l'intérieur pour des raisons de temps et de coûts. On peut dès lors s'interroger sur l'objectivité et la pertinence de ces critères. L'ampleur des dégâts impose un dispositif exceptionnel qui devrait être pris en charge par la Caisse centrale de réassurance qui réassure les compagnies d'assurances en cas de catastrophe naturelle. Il lui demande donc d'étudier les possibilités d'assouplissement des règles d'éligibilité en rapport avec la tradition républicaine de solidarité avec les sinistrés.
Réponse en séance, et publiée le 8 décembre 2004
RECONNAISSANCE DE L'ÉTAT DE CATASTROPHE NATURELLE DE COMMUNES DE SAÔNE-ET-LOIRE
M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour exposer sa question, n° 955.M. Arnaud Montebourg. J'ai destiné cette question à M. de Villepin, ministre de l'intérieur, car nous souhaitons que ce dossier soit l'occasion, pour les plus hautes autorités de l'État, d'être sensibilisées à un problème qui touche des dizaines de milliers de familles sur le territoire national.
La sécheresse de l'été 2003, en marge du drame humain de la canicule, a entraîné, vous le savez, madame la ministre, des dommages considérables sur des bâtiments publics et privés. 6 000 communes en France ont été touchées dans 85 départements. S'agissant de la Saône-et-Loire, 380 communes sur 573 ont demandé à être reconnues en état de catastrophe naturelle : seules 72 l'ont été dans le décret du 26 août dernier, laissant ainsi dans le désarroi moral et la détresse financière des centaines de familles - c'est-à-dire 80 % des sinistrés - qui ne peuvent obtenir, de ce fait, de dédommagement de leur compagnie d'assurance.
Les critères retenus sont des critères sui generis : inventés par l'administration en raison de ce phénomène nouveau qu'est la poussée caniculaire, ils ont donné lieu, dans leur application, à des situations tout à fait arbitraires.
Le premier critère, de nature météorologique, a permis à certaines communes de l'arrondissement de Louhans, dont je suis le député, d'être reconnues, contrairement à d'autres qui ne l'ont pas été alors qu'elles sont parfois contiguës, voire imbriquées, et de structure géologique parfaitement identique. S'agissant du second critère, de nature géologique, nombre de communes n'ont pu produire les études géologiques exigées par le ministère, pour des raisons soit de temps, soit de coût.
Nous nous interrogeons - et nous sommes nombreux sur tous ces bancs à questionner régulièrement le Gouvernement, depuis maintenant un an, sans cesse et sans relâche - sur l'objectivité et la pertinence de ces critères. Et nous nous interrogeons, comme le faisait à l'instant mon excellent collègue Jean Launay, sur les raisons curieuses qui semblent être liées à la volonté politique de limiter les indemnisations dans une affaire, qui, je dois le dire, est une véritable bombe financière à retardement pour votre gouvernement.
Le préfet de Saône-et-Loire a lui-même, comme d'autres de ses collègues dans d'autres départements limitrophes ou plus éloignés, demandé la révision des critères. J'ai moi-même soutenu cette proposition le 21 septembre, à la tête d'une délégation d'élus de gauche que je conduisais au ministère de l'intérieur. Reçus par M. le conseiller technique du ministre chargé de la prévention des risques, nous avons obtenu une non-réponse, la politesse ne me permettant pas d'user d'une autre formule.
D'après les informations que détient la direction du budget, le coût moyen par commune sinistrée - environ 6 000 à 6 500 communes - est de 830 000 euros. 6 500 communes sinistrées à raison de 830 000 euros chacune, cela fait 5,5 milliards d'euros qu'il va falloir sortir des caisses publiques afin de réassurer les compagnies d'assurance : en cas de catastrophe naturelle, ces dernières sont en effet réassurées auprès de la Caisse centrale de réassurance, dont le capital est détenu à 99 % par l'État. Ce sont donc les contribuables qui vont être sollicités pour porter secours, selon les règles de la tradition républicaine de solidarité nationale, aux sinistrés.
Mais permettez-moi de rappeler une chose : voilà plus d'un an que des milliers de familles colmatent des fissures dans les fondations de leur maison, de leur pavillon, dont le prix de réparation vaut généralement le prix d'acquisition ! Des dizaines de milliers de personnes sont dans ce cas en France. Et le Gouvernement, par des procédures dilatoires, refuse de répondre, alors que nous avons été reçus à plusieurs reprises et que nous contestons, avec les préfets, les décrets de déclaration de catastrophe naturelle. Aujourd'hui, nous souhaitons une réponse ferme, globale, complète, car nous ne savons pas quoi répondre à ces personnes qui n'ont pas les moyens de faire réparer leur habitation et qui ont perdu une partie considérable de leur patrimoine !
Le contraste entre la politique fiscale du Gouvernement, qui diminue les impôts des plus fortunés de manière continue depuis deux ans, et la course de lenteur engagée à l'égard des familles victimes de cette catastrophe naturelle, est tout à fait saisissant. Je ne peux qu'inciter le ministère de l'intérieur et le Premier ministre à revoir très rapidement les règles d'éligibilité et à assurer la solidarité nationale à l'égard de ces familles. Il ne reste plus qu'à trouver 5,5 milliards d'euros !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intérieur.
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le député, le Gouvernement a appréhendé l'ampleur des dommages subis par de nombreuses habitations à la suite de la sécheresse de l'été 2003 et il a renoncé, c'est vrai, aux critères traditionnels de la commission des catastrophes naturelles, qui - je viens de le dire à votre excellent collègue - n'auraient permis aucune reconnaissance pour aucune commune.
En concertation avec les experts de Météo-France, le Gouvernement a donc retenu une définition de la sécheresse reposant sur des critères objectifs qui permettent de déterminer des zones homogènes particulièrement affectées par la sécheresse.
Au mois d'août dernier, le Gouvernement a décidé d'élargir ces critères, pour permettre de reconnaître dans de nouvelles zones certaines communes particulièrement touchées.
Cette approche a déjà permis de reconnaître près de 1 400 communes. L'arrêté de reconnaissance est paru le 26 août dernier.
Votre département de Saône-et-Loire a été, c'est vrai, particulièrement touché puisque 374 communes ont introduit une demande. Il a aussi bénéficié des critères fixés par le Gouvernement : jusqu'à présent, 72 communes - seulement, dites-vous - ont pu être reconnues. La Saône-et-Loire est ainsi l'un des départements qui a le plus bénéficié des décisions du Gouvernement.
Ces critères, dont vous semblez remettre en cause l'objectivité, ont été appliqués sur un zonage géographique qui a lui-même été établi depuis plusieurs années par Météo-France à partir d'études scientifiques rigoureuses.
Les particularismes géographiques que vous mentionnez, monsieur le député, ne sont donc en rien le résultat d'une décision arbitraire du Gouvernement, mais bien l'effet de ce zonage déterminé par Météo-France dont personne ne peut remettre en cause l'objectivité.
Certaines communes, c'est vrai, n'ont pas encore pu établir l'étude géologique qui permet d'attester la présence d'argile sur le territoire communal. Je peux vous assurer que dès qu'elles auront pu fournir les documents demandés, la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sera acquise.
J'ai demandé aux services chargés de l'instruction des dossiers de faire preuve d'esprit d'ouverture et d'admettre une grande variété de documents pour justifier la présence d'argile. Je peux vous affirmer que de nombreuses communes ont déjà pu répondre sans difficulté à cette exigence.
Soyez certain, monsieur le député, que le Gouvernement s'attache à répondre à ces situations - dont je sais qu'elles sont humainement douloureuses -, dans le respect des règles fixées par la loi et avec un souci affirmé d'objectivité et de solidarité.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.
M. Arnaud Montebourg. Je vous remercie, madame la ministre, pour ces apaisements. Nous jugerons sur pièces, bien sûr, les engagements de réponse favorable dès lors que la présence d'argile dans les sols aura été démontrée. Je dois tout de même vous dire que les services préfectoraux ont formulé des demandes au vu de ces critères, sans toutefois obtenir satisfaction. La réponse que vous venez de me donner est la même que celle que m'a faite le conseiller de M. de Villepin lors de notre rencontre au ministère, le 21 septembre dernier. La présence d'argile dans les sols de ma région, tous les manuels de géologie de quatrième l'attestent. Reste à savoir si les propriétaires, qui vivent depuis un an et demi avec des fissures dans leur pavillon, se verront toujours opposer qu'il n'y en aurait peut-être pas assez dans leur sous-sol. La réponse n'est pas à la hauteur des difficultés que rencontrent ces familles. Je crois, moi, que le problème est surtout financier.
Il faudra bien que le Gouvernement assume politiquement les conséquences de la canicule. Nous en sommes aux questions orales sans débat. Mais je vous demande, madame la ministre, de faire savoir au Premier ministre que nous passerons bientôt à la vitesse supérieure et que nous engagerons le combat politique sur ce dossier s'il n'est pas réglé dans le mois qui vient.
Auteur : M. Arnaud Montebourg
Type de question : Question orale
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 décembre 2004