politique de l'eau
Question de :
M. Henri Nayrou
Ariège (2e circonscription) - Socialiste
M. Henri Nayrou appelle l'attention de M. le ministre de l'écologie et du développement durable sur la gestion et la mise en place des réserves d'eau. La sécheresse de cet été 2004 suivant celle de 2003 met clairement en lumière le rôle irremplaçable des réserves d'eau, non seulement pour l'irrigation, mais aussi pour la satisfaction des besoins de la population, pour le soutien de l'étiage et la protection de l'environnement. Les spécialistes (Météo France, agence de bassin Adour-Garonne entre autres) s'appuyant sur les travaux du groupe international d'études du climat prévoient d'ici à 2040 une diminution de moitié du stock de neige et une baisse des étiages de 11 % ceux-ci devenant plus précoces en été. Dans le même temps, ces spécialistes prévoient des précipitations automnales et hivernales plus importantes. Face à cette situation annoncée (augmentation des pluies en hiver et sécheresse estivale), la gestion de la ressource en eau apparaît plus que jamais nécessaire. Constamment différé par le Gouvernement, le projet de loi portant réforme de la politique de l'eau apparaît dès aujourd'hui indispensable et urgent. Il souhaiterait qu'il informe la représentation nationale des dispositions que le Gouvernement entend prendre en la matière.
Réponse en séance, et publiée le 22 décembre 2004
RÉFORME DE LA POLITIQUE DE L'EAU
M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou, pour exposer sa question, n° 979, relative à la réforme de la politique de l'eau.M. Henri Nayrou. Monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, je souhaite attirer votre attention sur la gestion et la mise en place de réserves d'eau pour les dizaines d'années à venir, indubitablement marquées par des désordres météorologiques en prévision dont nul ne songera à nier l'amplitude et les conséquences sur les écosystèmes et la vie en général.
J'évoquerai, tout d'abord, quelques éléments chiffrés tirés de l'excellent ouvrage didactique de Michel Sébastien : Mais où sont les neiges d'antan ? En 1950, nous étions sur terre 2 milliards d'individus peu consommateurs. En 2004, nous sommes 6,3 milliards, dont un tiers sont des sur-consommateurs et dont la plupart contribuent à la pollution de notre planète.
En 120 ans, les minima ont augmenté de 3 degrés au pic du Midi de Bigorre, ce qui est énorme. Les spécialistes de Météo France et de l'agence de bassin Adour-Garonne, entre autres, prévoient d'ici à 2040 une diminution de moitié du stock de neige et une baisse des étiages de 11 %, ainsi que des précipitations automnales et hivernales plus importantes.
D'ici à 2100, on parle d'augmentation des températures mondiales de l'ordre de un à six degrés selon les scénarios d'émission et les modèles climatiques calculés par le groupe d'experts intergouvememental de l'ONU sur l'évolution du climat. On est bien loin du " petit âge glaciaire " qui avait duré trois siècles à partir de 1550 !
Et puis, au-delà des données scientifiques, il y a les faits tout simplement constatés par les citoyens que nous sommes, inquiets du cycle des précipitations imprévisibles entraînant des dysfonctionnements importants : étés torrides, hivers sans neige, pluies torrentielles qui tombent à l'impromptu, inversion de températures et, tout récemment, des caractéristiques de grandes périodes de sécheresse comme en témoignent les deux derniers étés, 2003 et 2004, qui ont fortement marqué les esprits, la végétation, les cours d'eau et tout notre environnement.
C'est la raison pour laquelle l'eau, avec la gestion de ses ressources et de son utilisation, promet, hélas ! d'être l'une des grandes affaires de ce siècle ! Il n'est pas besoin de sortir de Polytechnique ou de l'ENA pour comprendre où se trouvent les solutions logiques. Depuis toujours, les retenues permettent de conserver l'eau quand elle tombe en désordre et en abondance et de la restituer quand les conditions climatiques environnementales et sociales l'exigent.
En clair, c'est d'un grand réseau de rétention qu'a besoin notre pays pour assurer une indispensable régulation. Quelles dispositions de long terme le Gouvernement entend-il prendre en la matière ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Comme vous le rappelez, monsieur le député, notre pays a connu ces deux dernières années d'importantes sécheresses. Les dix dernières années sont les plus chaudes que la planète ait jamais connues. L'été 2003 restera dans toutes les mémoires, comme avant lui l'été 1976. Les préfets de soixante-dix-sept départements avaient pris des mesures de limitation des prélèvements d'eau, un chiffre jamais atteint jusque-là.
Néanmoins, il convient de noter que la sécheresse de 2003 a commencé dès février, postérieurement à une période très humide et de haut niveau des nappes souterraines. Et elle a débuté relativement tard par rapport à 1976. Nous ne sommes pas à l'abri de périodes de sécheresse plus graves, non seulement par leur durée, mais également par l'enchaînement de plusieurs années sèches comme à la fin des années 80.
La sécheresse qui a touché en 2004 près d'un département sur deux résulte de la faible pluviométrie sur ces départements depuis le mois de mai 2004, conjuguée à une recharge hivernale insuffisante des nappes souterraines. Les déficits se sont étendus à la quasi-totalité du territoire métropolitain au début de l'été. Mais les précipitations estivales, qui ont été importantes, ont permis de limiter les conséquences de ce déficit.
A ce jour, le niveau de recharge des nappes souterraines et des barrages réservoirs place les usagers qui en dépendent en situation de grande vulnérabilité, notamment en prévision de la saison 2005, si la recharge hivernale est de nouveau insuffisante.
Suite à la sécheresse de l'été 2003, un plan d'action a été transmis aux préfets concernés au mois de mars 2004. Il a permis d'affronter l'étiage de cet été et nous permettra d'affronter une éventuelle nouvelle sécheresse.
La gestion quantitative de l'eau ne peut toutefois se limiter à la gestion de crise, au risque de se retrouver en crise chaque année. A moyen terme, je considère qu'il convient d'améliorer la gestion de la ressource en eau dans les zones aujourd'hui en déséquilibre.
La réforme de la politique de l'eau doit permettre de mettre en place les outils nécessaires pour renforcer les économies d'eau et améliorer les règles de partage de l'eau disponible, notamment par la mise en oeuvre d'une gestion collective de la ressource.
La création de nouvelles ressources en eau pourra également contribuer à la suppression des déséquilibres, dès lors que les autres démarches ne seront pas suffisantes et dans le respect des exigences environnementales et économiques.
La création de petites retenues de substitution ou " retenues collinaires ", par exemple, dont le remplissage s'effectue en hiver avec une incidence moindre sur le milieu, peut être une solution. Toutefois, l'effet cumulatif de l'impact de ces retenues à l'échelle du bassin versant, c'est- à - dire de la source jusqu'à l'aval de la rivière, est à prendre en compte. Des études générales sur l'impact de telles retenues au niveau du bassin sont donc à prévoir lorsque de tels programmes sont envisagés.
La fréquence accrue des périodes de sécheresse dans les trente dernières années peut être aggravée par le réchauffement de l'atmosphère lié à l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Nous en avons parlé longuement toute la semaine dernière à Buenos Aires, et encore hier au conseil des ministres européens de l'environnement. Je considère donc que la question de la gestion de la ressource en eau constitue un enjeu important de la future loi sur l'eau qui sera présentée en conseil des ministres au premier trimestre 2005.
M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.
M. Henri Nayrou. Monsieur le ministre, vous vous êtes livré à un excellent exercice de style, mais tout le monde est d'accord sur les constats. Vous avez évoqué des problèmes d'économie ; cela revient à aller au combat avec des pistolets de paille et des sabres de bois ! Il faut aller plus loin et envisager un cycle de grands travaux concernant les grandes retenues capables de résoudre le problème de régulation d'eau sur de nombreuses années. Allez dans les vallées galloises au-dessus de Cardiff et vous y verrez de grands réservoirs d'eau ! C'est sans doute la solution.
Vous avez également évoqué l'impact sur l'environnement que pourraient avoir les retenues d'eau, mais il en va de même pour les éoliennes : entre deux maux, il faut choisir le moindre !
Auteur : M. Henri Nayrou
Type de question : Question orale
Rubrique : Eau
Ministère interrogé : écologie
Ministère répondant : écologie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 décembre 2004