Question de : M. Gérald Darmanin
Nord (10e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Gérald Darmanin interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la circulaire de politique pénale. L'institut pour la justice a déposé le lundi 19 novembre 2012 devant le Conseil d'État une requête en annulation pour excès de pouvoir contre la circulaire de politique pénale. Est visé notamment le non-respect du principe d'égalité des citoyens en raison du fait que les procureurs sont amenés à prendre en compte dans leurs réquisitions l'éventuelle surpopulation carcérale des prisons. Cette circulaire en donnant pour consigne aux procureurs d'agir de la sorte va à contresens de ce que l'on pourrait attendre d'une justice irréprochable et impartiale. Cela consiste en effet pour le procureur, non pas d'apprécier les faits en toute objectivité mais de tenir compte de circonstances étrangères à l'affaire jugée. Compte tenu de ce qui précède, il souhaiterait obtenir davantage de précisions sur cette circulaire et lui demande si elle compte garder cette directive en l'état.

Réponse publiée le 11 août 2015

L'Institut pour la justice a déposé en novembre 2012 une requête en annulation pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat contre la circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012 qui invite les parquets à tenir compte de l'éventuel état de surpopulation des établissements pénitentiaires de leur ressort et à solliciter les juges de l'application des peines et les services pénitentiaires d'insertion et de probation en vue d'une adaptation en conséquence des politiques d'aménagement des peines. A l'occasion de ce recours, il était notamment argué de ce que de telles préconisations portent atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la loi en ce qu'elles impliquent pour le procureur de la République de prendre en considération des circonstances étrangères à l'affaire jugée. Le Conseil d'Etat a, par décision du 3 avril 2014, rejeté la requête de l'Institut pour la justice. Sur la prise en compte de la surpopulation carcérale par l'autorité judiciaire, le Conseil d'Etat considère que la circulaire tend à faciliter le respect de l'objectif, fixé par le législateur à l'article 707 du code de procédure pénale, d'une exécution des peines favorisant l'insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive sans porter atteinte à la compétence du juge de l'application des peines pour décider des modalités d'exécution des peines dans le respect de cet objectif. Il ajoute que la prise en compte de l'état de surpeuplement des établissement pénitentiaires dans les différents ressorts de cour d'appel ne conduit pas, par elle-même, dans les conditions retenues par la circulaire attaquée, à méconnaître le principe d'égalité. La prise en compte de l'état de surpopulation carcérale dans les orientations de la politique pénale conduite par la garde des sceaux puis déclinée localement par les procureurs de la République permet au contraire d'assurer une cohérence des pratiques sur l'ensemble du territoire national. Il est admis par tous que la surpopulation pénale génère des conditions dégradées et indignes de prise en charge de la population pénale par les personnels de l'administration pénitentiaire et l'ensemble des intervenants qui vont à rebours de l'objectif de réinsertion de la personne détenue. Au niveau européen, l'état de surpopulation carcérale a d'ailleurs pu conduire la Cour européenne des droits de l'Homme à considérer dans certaines affaires que la détérioration des conditions de détention était telle que l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au terme duquel « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradant », se trouvait enfreint. Dans un arrêt récent Canali contre France du 25 avril 2013, la Cour a ainsi estimé que l'effet cumulé de la promiscuité et des manquements relevés aux règles d'hygiène ont provoqué chez le requérant des sentiments de désespoir et d'infériorité propres à l'humilier et à le rabaisser, de telle sorte que ces conditions de détention pouvaient s'analyser en un traitement dégradant au sens de l'article 3 de la Convention. La circulaire de politique pénale de la garde des sceaux du 19 septembre 2012 s'emploie donc à conjuguer l'ensemble de ces impératifs juridiques tout en favorisant les conditions d'une meilleure prévention de la récidive. Elle traduit la volonté du Gouvernement d'améliorer de manière durable la sécurité de nos concitoyens. La loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité de la sanction pénale, confirme cette volonté d'une justice crédible et soucieuse de l'efficacité de la réponse pénale. L'article 707 III qui en est issu prévoit expressément que « toute personne condamnée incarcérée en exécution d'une peine privative de liberté bénéficie, chaque fois que cela est possible, d'un retour progressif à la liberté en tenant compte des conditions matérielles de détention et du taux d'occupation de l'établissement pénitentiaire, dans le cadre d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique, de libération conditionnelle ou d'une libération sous contrainte, afin d'éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire ». Il convient de souligner que le Conseil constitutionnel a, par décision n° 2014-696 DC du 7 août 2014, déclaré conformes à la Constitution les articles 19 et 22 relatifs à la contrainte pénale qui lui avaient été soumis, et dit n'y avoir lieu à soulever d'office aucune question de constitutionnalité autre que celle affectant la majoration des amendes pénales (article 49).

Données clés

Auteur : M. Gérald Darmanin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Droit pénal

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 4 décembre 2012
Réponse publiée le 11 août 2015

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