cancer du sein
Question de :
M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la campagne de communication « Octobre rose ». Cette campagne relayée aussi bien par les médias que par les réseaux sociaux a donné lieu un peu partout en France à de multiples manifestations. Si le sens de l'intérêt collectif a sincèrement animé certaines d'entre elles, d'autres en revanche ont offert à de grandes marques une occasion, nullement dépourvue d'arrière-pensées, de peaufiner leur image. Ces multiples pressions exercées sur les femmes sont d'autant plus gênantes que, depuis plus de 10 ans déjà, l'efficacité du dépistage généralisé est mise en doute en Suède, au Danemark et dans les pays anglo-saxons. Les Anglais, pourtant parmi les premiers à avoir organisé un dépistage méthodique, ont décidé en 2011 de reconsidérer leur programme sur la base d'une évaluation rigoureuse et objective des conséquences observées. En effet, selon la synthèse réalisée par l'UFC-Que Choisir, des essais randomisés de dépistage par mammographie indiquent que sur 2 000 femmes examinées régulièrement pendant 10 ans une seule aura la vie sauve grâce à la détection précoce de son cancer, 10 feront l'objet d'un surdiagnostic et d'un surtraitement et 200 seront victimes d'une fausse alerte. D'autres études entreprises à l'échelle européenne font apparaître que la baisse de la mortalité par cancer du sein est davantage imputable à l'amélioration des traitements qu'aux politiques de dépistage. Pendant des années, les autorités françaises et le monde médical dans sa majorité sont restés sourds à l'évolution des données sur la balance bénéfices/risques. Il en va désormais autrement puisque l'Institut national du cancer (INCa) est chargé de rédiger un rapport sur l'intérêt réel du dépistage et que le Groupe de réflexion sur l'éthique du dépistage (GRED) a mis « les questions de l'information et du consentement » des femmes au cœur de sa réflexion. Il préconise notamment « de renforcer la place et le rôle du médecin choisi par les patientes (médecin traitant ou gynécologue) comme partenaire à même d'améliorer l'information et d'éclairer leur consentement ». Mais est-il certain que les praticiens soient les relais les meilleurs quand, dans le cadre du « paiement à la performance », ils peuvent engranger d'autant plus de points qu'ils prescrivent de mammographies ? Dans ces conditions, il lui demande quelles mesures elle compte mettre en œuvre pour que, sur un sujet aussi complexe et délicat, les femmes bénéficient d'une information objective et puissent, en toute connaissance de cause, décider de participer ou non au dépistage du cancer du sein.
Réponse publiée le 22 janvier 2013
En France, le programme de dépistage organisé du cancer du sein est conforme aux recommandations européennes et aux recommandations de bonnes pratiques établies par la haute autorité de santé (HAS). Il est basé sur le libre choix des femmes à consulter un radiologue et le respect du colloque singulier entre la personne et le médecin. Ce programme généralisé en 2004 invite les femmes entre 50 et 74 ans à bénéficier tous les deux ans d'un dépistage de qualité pris en charge à 100 % par l'assurance maladie, sans avance de frais. La balance bénéfice risque est un des éléments qui a été pris en compte au moment de la décision de la généralisation du programme. Cette balance qui a fait l'objet de controverses récemment, est réévaluée régulièrement. Ainsi, les publications scientifiques européennes très récentes (numéro spécial du « Journal of medical screening » de fin septembre 2012), présentent les analyses statistiques très précises des données des programmes européens de dépistage en population générale et une analyse critique des études publiées dans la littérature scientifique. Les essais randomisés montrent une baisse de 21 % de la mortalité par cancer du sein suite à l'invitation au dépistage et la plupart des études observationnelles des programmes européens de dépistage organisé obtiennent des résultats similaires ou légèrement plus favorables. Les estimations dues au sur-diagnostic induit par le dépistage sont extrêmement variables selon les études. Certaines études ne prennent pas pleinement en compte les effets liés à l'avance au diagnostic résultant du dépistage et les évolutions de l'incidence sous-jacente du cancer du sein. Les études prenant en compte ces effets, estiment des taux de sur-diagnostic de l'ordre de 10 % ou moins et jugent que les bénéfices du dépistage par mammographie l'emportent sur les risques. Contrairement aux autres pays européens, en France le principe de la liberté du choix du médecin est conservé et le programme de dépistage organisé gratuit sur invitation, coexiste avec un dépistage individuel non organisé mais remboursé. La direction générale de la santé a récemment réinterrogé la HAS sur la coexistence du programme de dépistage organisé avec un dépistage individuel non organisé. La HAS recommande aux pouvoirs publics de maintenir et de renforcer le dépistage organisé en s'assurant que les conditions sont réunies pour permettre un choix libre et éclairé des femmes concernant leur participation ou non au dépistage du cancer du sein, quelle qu'en soit la modalité.
Auteur : M. Hervé Féron
Type de question : Question écrite
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Affaires sociales et santé
Ministère répondant : Affaires sociales et santé
Dates :
Question publiée le 18 décembre 2012
Réponse publiée le 22 janvier 2013