Question de : M. Jacques Cresta
Pyrénées-Orientales (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Jacques Cresta attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage, sur l'application du droit du travail au bénéfice des prisonniers travaillant en prison pour le compte d'entreprises privées. Dernièrement, la Cour de cassation, saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité par les prud'hommes de Metz, a indiqué que le droit en vigueur en prison mettait à mal le principe constitutionnel d'égalité de tous devant la loi ainsi que certaines dispositions du préambule de la Constitution de 1946. En effet, la loi pénitentiaire prévoit que des détenus peuvent être employés, durant leur détention, par des entreprises privées, leur rémunération s'échelonnant entre 20 % et 45 % du SMIC. Les entreprises ayant recours à ce type de travailleurs doivent tenir compte de difficultés inhérentes au milieu carcéral, absence de qualification, d'assiduité... Pour autant ces détenus, effectuant un travail pour le compte d'une société marchande, outre le fait d'être payé en-dessous du SMIC, ne bénéficient d'aucun des droits élémentaires garantis aux salariés. Il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur cette question.

Réponse publiée le 19 novembre 2013

Le développement des activités professionnelles rémunérées en détention constitue une priorité de la politique pénitentiaire mise en oeuvre par la garde des sceaux. Celles-ci contribuent au maintien des liens avec la société civile, favorisent l'acquisition de qualifications professionnelles et garantissent l'indemnisation des victimes. En ce sens, elles participent pleinement de la réinsertion sociale des personnes détenues, facteur de prévention de la récidive. Toutefois, le travail en détention est une question complexe en raison de la nécessité de garantir dans le même temps les droits des personnes détenues et la prise en compte des contraintes spécifiques au travail en établissement pénitentiaire (sécurité, qualification parfois très faible des travailleurs etc.). Ainsi, si l'application de règles exorbitantes du droit commun trouvent à s'appliquer en raison des réalités concrètes du travail en détention, il n'en demeure pas moins que la Garde des sceaux demeure vigilante au respect des droits des personnes détenues. A cet égard, la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, qui a sensiblement modifié les conditions du déroulement de l'activité rémunérée, a constitué une avancée significative. Elle pose des règles connues de chacun, formalise la relation de travail par l'intermédiaire d'un acte d'engagement, et prévoit un système de rémunération horaire. En effet, bien que l'activité rémunérée en établissement pénitentiaire ne fasse pas l'objet d'un contrat de travail, la relation de travail entre la personne détenue et l'administration pénitentiaire bénéficie de règles protectrices, encadrée par un cadre juridique précis, de sorte que les droits élémentaires de la personne détenue se trouvent préservés et ce, quelle que soit la forme de travail retenue (service général, service de l'emploi pénitentiaire ou concession). Tout d'abord, un acte d'engagement, générateur de droits, est obligatoirement signé au préalable entre les parties. Il précise notamment la durée de l'embauche, la description du poste, la rémunération, la période d'essai, ainsi que les conditions de suspension et de rupture de l'engagement. Cet acte lie tant la personne détenue que l'établissement pénitentiaire. S'agissant du classement à un poste de travail, celui-ci obéit également à des règles strictes visant à garantir les droits de la personne détenue par un examen des candidatures au sein d'une commission pluridisciplinaire unique. De même, la procédure de déclassement répond à des dispositions précises. Ainsi, seules deux hypothèses distinctes de déclassement sont prévues : le déclassement pour motif disciplinaire dès lors qu'une faute est commise lors ou à l'occasion de l'activité ; le déclassement administratif pour incompétence. Dans les deux cas, une procédure contradictoire est mise en oeuvre, la décision portant déclassement devant répondre à l'exigence de motivation. Par ailleurs, l'ensemble des règles d'hygiène et de sécurité définies par le code du travail sont applicables au travail pénitentiaire. Le chef d'établissement peut également solliciter les services de l'inspection du travail, pour s'assurer du respect de ces règles. De même, toutes les personnes incarcérées sont obligatoirement affiliées aux assurances maladie et maternité du régime général de la sécurité sociale. Les personnes détenues qui travaillent sont également affiliées à la branche vieillesse du régime général de la sécurité sociale, de même qu'à l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles du régime général. Enfin, il convient de souligner que l'ensemble de ce dispositif a été récemment validé par le Conseil Constitutionnel saisi à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité. Par décision n° 2013-320/321 du 14 juin 2013, la haute juridiction a déclaré la relation de travail en détention conforme aux normes constitutionnelles. Au-delà des normes juridiques existantes relatives à la relation de travail, la Garde des sceaux a pour ambition d'engager la personne détenue dans un véritable « parcours professionnalisant » pendant sa détention en associant enseignement, lutte contre l'illettrisme, formation professionnelle et travail, afin de lui permettre, à la sortie, d'accéder au marché du travail dans les meilleures conditions. Cette démarche est menée conjointement avec le ministre du travail, le ministre de l'éducation nationale et la ministre déléguée à la réussite éducative pour faire du temps de détention un temps utile, prévenir la récidive et assurer la sécurité de nos concitoyens. L'implantation des structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) en détention, telles que prévues par la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, permet de définir un parcours personnalisé de requalification sociale et professionnelle et participe de ce même objectif. Leur intervention, fondée sur la mise en situation de travail, constitue une véritable passerelle vers l'autonomie, la citoyenneté et l'intégration sociale. Ce principe a été rappelé par le Premier ministre dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale adopté le 21 janvier 2013 par le comité interministériel de lutte contre les exclusions.

Données clés

Auteur : M. Jacques Cresta

Type de question : Question écrite

Rubrique : Système pénitentiaire

Ministère interrogé : Formation professionnelle et apprentissage

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 5 février 2013
Réponse publiée le 19 novembre 2013

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