Question de : Mme Fanny Dombre Coste
Hérault (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Fanny Dombre Coste attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la question de la nocivité des phtalates. Si la proposition de loi Lachaud n° 2738 du 13 juillet 2010 votée par le groupe socialiste de l'époque et par Mme la ministre avait par le passé déjà envisagé d'interdire ces « perturbateurs endocriniens » la navette parlementaire n'est pas arrivée à son terme. Le Danemark a récemment retiré quatre phtalates (DEHP, DIBP, DBP et BBP) des produits de consommation, et la directive européenne n° 2005/84/EC interdit déjà six d'entre eux (DEHP, DBP, BBP, DINP, DnOP et DIDP) dans les articles de puériculture et huit dans les cosmétiques. Ces plastifiants, produits à 3 millions de tonnes par an sont présents à de très multiples niveaux de notre environnement quotidien. Pourtant, et d'après les études, six de ces phtalates auraient des effets sur la fertilité et le développement. En ce sens, l'ONU a publié mardi 19 février 2013 un rapport conjoint du programme des Nations-unies pour l'environnement (PNUE) et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) intitulé "L'état de la science sur les perturbateurs endocriniens chimiques" selon lequel les perturbateurs endocriniens chimiques pourraient être en partie responsables de la recrudescence de malformations à la naissance, de cancers hormono-dépendants et de troubles neurologiques et psychiatriques. Parmi les substances incriminées figurent les phtalates. Elle aimerait donc savoir si, à l'instar du bisphénol A, elle entend prendre des mesures pour limiter l'utilisation de ces produits.

Réponse publiée le 11 juin 2013

Les phtalates représentent une large famille d'une quarantaine de substances qui sont utilisées comme agents plastifiants dans des applications variées en fonction de leur structure chimique. On les retrouve en effet dans de très nombreux produits tels les adhésifs, les emballages alimentaires, les huiles lubrifiantes, les revêtements de sol en vinyle, les câbles électriques, les équipements automobiles, les détergents, les solvants, les produits pharmaceutiques, les fils et les câbles électriques et les produits cosmétiques (parfums, déodorants, lotions après rasage, shampooings, aérosols pour cheveux, vernis à ongles...). Leur différence de structure chimique, outre des propriétés physiques différentes, implique aussi une différence dans leurs effets toxiques, ce qui fait qu'on ne peut pas attribuer les effets observés avec certains phtalates à l'ensemble des congénères de cette famille. Bien que ces substances chimiques ne soient pas cancérigènes, certains de ces phtalates sont classés comme toxiques pour la reproduction de catégorie 1A et B, et à ce titre, ont déjà fait l'objet de mesures de restriction/interdiction spécifiques. Dans les préparations destinées au grand public (telles que peintures, colles...) au titre de l'annexe XVI du règlement REACH et dans les cosmétiques au titre de l'annexe II du règlement relatif aux cosmétiques, les phtalates classés toxiques pour la reproduction de catégorie 1A et 1B tels que le DEHP, le DBP et le BBP sont interdits. Dans les articles tels que les jouets et articles pouvant être portés à la bouche par les enfants, plusieurs phtalates (DEHP, DBP, BBP, DINP, DIBP, DNOP) ont fait l'objet de restrictions d'usage. Concernant les matériaux en contact avec les aliments, il existe également des restrictions liées à l'utilisation des phtalates. Des limites spécifiques de migration sont ainsi déterminées afin de préciser les conditions d'utilisation de ces substances (directive 2007/19/CE). Concernant plus spécifiquement les produits cosmétiques, la plupart des phtalates utilisés ont déjà été interdits au niveau communautaire, via la mise en oeuvre des procédures prévues à cet effet par la directive modifiée n° 76/768/CEE relative aux produits cosmétiques. Concernant le seul phtalate qui reste utilisé, le DEP, les différentes évaluations menées au niveau européen ont toutes conclu à son innocuité dans le cadre d'un usage cosmétique. Concernant les dispositifs médicaux, l'entrée en vigueur le 21 mars 2010 de la directive n° 2007/47/CE, modifiant la directive n° 93/42/CEE relative aux dispositifs médicaux, a pris en compte la question des phtalates. En effet, elle a introduit l'apposition d'un étiquetage spécifique pour les dispositifs médicaux contenant ces substances. En outre, la directive n° 2007/47/CE prévoit l'obligation spécifique pour le fabricant de justifier l'utilisation de ces substances et l'indication dans la notice d'information, des risques résiduels et des mesures de précaution appropriées dans le cas où les dispositifs médicaux sont spécialement destinés aux enfants, ou aux femmes enceintes ou allaitant. Par ailleurs, dans le cadre du règlement REACH, quatre phtalates DEHP, BBP, DBP et DIBP ont été récemment inscrits à l'annexe XIV du règlement REACH comme substances très préoccupantes soumises à autorisation. Ils ne pourront donc plus être fabriqués ou importés s'ils n'ont pas obtenu, pour un usage bien défini, une autorisation spécifique de la commission européenne d'ici le 21 janvier 2015. Cette autorisation ne sera octroyée que pour certains usages spécifiques pour lesquels le fabricant, l'importateur ou l'utilisateur en aval pourra prouver que le risque est valablement maîtrisé ou s'il n'existe pas de moyens de remplacement appropriés dans le cas où les avantages socio-économiques l'emporteraient sur les risques sanitaires ou environnementaux. Quatre autres phtalates sont par ailleurs entrés dans ce processus d'autorisation de REACH en étant inscrits sur la liste des substances candidates à l'annexe XIV, et seront donc soumis aux mêmes contraintes si l'inscription à l'annexe XIV est confirmée par la commission européenne. La protection de la santé et de l'environnement est un intérêt partagé par les états membres de l'union européenne, et les dispositions nationales, outre le fait qu'elles ne peuvent être adoptées que dans les domaines ne faisant pas l'objet d'une réglementation d'harmonisation communautaire, sont souvent difficilement applicables aux produits ou articles importés ou en provenance d'autres Etats membres de l'union européenne, en raison du principe de libre circulation des marchandises. Il convient donc d'effectuer l'encadrement règlementaire des produits chimiques en privilégiant les procédures européennes plutôt que par des dispositions nationales qui peuvent présenter un risque d'incompatibilité avec les règles communautaires ou internationales. Les autorités françaises souhaitent néanmoins être une force de proposition dans ce domaine. Le ministère chargé de la santé a pour cela saisi les agences nationales de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et ANSM pour qu'elles évaluent le risque attribuable à différentes substances toxiques pour la reproduction de catégorie 2 ou suspectées d'être des perturbateurs endocriniens, dont les phtalates, dans les produits grand public et les produits cosmétiques. Ces études dont le rendu est attendu pour fin 2013, comporteront la détermination de l'ensemble des usages, l'évaluation des expositions et du risque, et enfin, l'évaluation des procédés ou substances de substitution, étape indispensable pour une gestion des risques adaptée. L'ensemble des données et conclusions recueillies par ces agences permettra d'engager une action, tant au niveau national qu'au niveau communautaire pour améliorer et accélérer la prise de décisions quant aux usages et autorisations de certaines substances.

Données clés

Auteur : Mme Fanny Dombre Coste

Type de question : Question écrite

Rubrique : Produits dangereux

Ministère interrogé : Affaires sociales et santé

Ministère répondant : Affaires sociales et santé

Dates :
Question publiée le 26 février 2013
Réponse publiée le 11 juin 2013

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