Question de : M. Gérald Darmanin
Nord (10e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Gérald Darmanin interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme de la carte judiciaire. En juin 2007, le gouvernement de François Fillon a lancé une grande réforme de la carte judiciaire. Cette réforme était plus que nécessaire puisque la carte judiciaire n'avait jamais été modifiée depuis 1958. Cette réforme avait pour objectif de mieux répartir le travail dans les tribunaux et de rationaliser les moyens. Après cinq années d'application de cette nouvelle carte judiciaire, il souhaiterait connaître le bilan que le Gouvernement dresse de cette réforme.

Réponse publiée le 25 décembre 2012

Une réforme de la carte judiciaire était certes nécessaire puisque les implantations judiciaires n'avaient pas connu, hormis la suppression d'une trentaine de tribunaux de commerce en 1999, d'évolution substantielle depuis 1958 et étaient devenues souvent inadaptées à l'évolution démographique, économique et sociale de notre pays. En outre, l'organisation judiciaire apparaissait trop complexe et donc peu compréhensible par le citoyen. Toutefois, la réforme telle qu'elle a été menée en 2008, faite dans la précipitation et au moyen d'une concertation très insuffisante, a fait ressortir des inégalités entre justiciables et a distendu les liens entretenus avec l'institution judiciaire. La mission d'information de la commission des lois du Sénat, qui a rendu un rapport d'évaluation de cette réforme, confirme ces constats. Si ré-ouvrir un débat qui a laissé beaucoup d'amertume localement, ne paraît pas opportun, des aménagements au cas par cas en fonction des situations particulières devront être définis. Ainsi, la garde des sceaux a confié le 23 novembre dernier une mission à un conseiller d'Etat honoraire, un président de juridiction et une spécialiste de l'immobilier judiciaire afin d'apprécier la réorganisation de huit tribunaux de grande instance dont la suppression avait donné lieu à des avis réservés de la part du rapporteur public du Conseil d'Etat lors de l'examen par ce dernier de la légalité du décret du 30 octobre 2008 fixant la liste des juridictions supprimées. Par ailleurs, les gouvernements précédents ont cru pallier la disparition de ces juridictions par la mise en place de maisons de justice et du droit (MJD). Alors que les premières MJD étaient implantées dans des quartiers où l'accès au droit était difficile, ces nouvelles MJD, dites de « deuxième génération » l'ont été principalement dans des territoires ruraux. Elles ne disposent généralement pas de greffiers nécessaires pourtant à leur fonctionnement et sont orientées autour d'un contact visio-justice. La garde des sceaux a demandé à ses services de dresser le bilan de ces nouvelles implantations afin d'apprécier au cas par cas, en lien avec les élus locaux, les besoins des territoires dans le but de définir une politique moderne d'accès au droit. Pour pallier la disparition des juridictions d'instance, la ministre a demandé à ses services de réfléchir à une nouvelle organisation des juridictions au travers notamment du tribunal de première instance. Un groupe de travail a été mis en place sur ce sujet. La réflexion est menée dans la concertation avec notamment les organisations syndicales. Le développement des guichets uniques de greffe, permettant d'un site judiciaire de faire toutes ses démarches auprès d'une juridiction, est aussi à l'étude. Concernant les effets pratiques de cette réforme, un impact négatif sur le plan de la performance, des délais, et des stocks ont été ressentis. Cet impact négatif est lié aux efforts de réorganisation, à l'homogénéisation des modes de travail, à la prise de connaissance des procédures en cours dans la juridiction absorbée, et à l'intégration des personnels que génère une fusion de juridictions. Pour les tribunaux de grande instance concernés par l'absorption d'une autre juridiction, les premiers constats font ressortir : - une baisse des affaires terminées de -3,5 % (96 000 environ pour 99 000 en 2010) alors qu'au plan national, le nombre des affaires terminées a augmenté de +1,3 % ; - une augmentation du stock d'affaires à juger et de l'âge moyen des affaires, les juridictions absorbantes ayant plus privilégié le traitement des affaires nouvelles ou récentes, plutôt que celui des affaires les plus anciennes, ainsi qu'en témoigne les délais de traitement observés (7,8 mois contre 7,9 mois). Au pénal, il n'est pas possible de tirer des enseignements, le recueil des données mais également le traitement des affaires ayant été perturbés par le déploiement de la nouvelle chaîne pénale CASSIOPEE (baisse du nombre d'audiences organisées pendant la phase de déploiement entrainant une baisse du nombre de jugements rendus). Pour leur part, les tribunaux d'instance ont connu en 2010, première année de la réforme, une hausse des affaires nouvelles civiles de +7 %. Les fusions ont été plus difficiles à gérer compte tenu de la taille plus modeste des juridictions qui rendait les réorganisations plus compliquées à réaliser. Malgré une hausse de +1 % des affaires terminées, le taux de couverture des affaires nouvelles s'est établi en 2010 à 92 %, ce qui a induit une augmentation des stocks. Dans le même temps, une dégradation des délais de traitement a été observée. Toutefois, en 2011, les nouvelles organisations ont permis de traiter 7 % d'affaires en plus. Grâce aux effets conjugués d'une baisse de -3 % des affaires nouvelles, le taux de couverture des affaires nouvelles a dépassé 98 %. Malgré des délais de traitement en hausse, on peut y voir la preuve d'une meilleure organisation et d'une meilleure cohésion des services et des personnels. Ce qui peut laisser à penser que les effets de la réforme de la carte judiciaire en matière d'amélioration de la performance des juridictions, en lien avec la rationalisation, nécessitent un délai d'appropriation des effets de la réforme et d'adaptation par les services. Ces critères de performance ne peuvent suffire à faire oublier la disparition du service public de la justice en certains endroits du territoire. La réflexion menée sur l'organisation judiciaire aura pour objectif d'assurer une justice de proximité sur l'ensemble des sites judiciaires.

Données clés

Auteur : M. Gérald Darmanin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 31 juillet 2012
Réponse publiée le 25 décembre 2012

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