musique
Question de :
M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur les conséquences du piratage sur l'industrie musicale. "Les consommateurs de musique sont censés substituer leur consommation légale de musique par une consommation illégale" mais "la majorité de ce qui est consommé illégalement ne serait pas achetée si l'offre pirate n'existait pas" analysent les auteurs du rapport du Joint research centre financé par la Commission européenne. Selon cette étude, il convient de prendre en compte l'évolution du mode de consommation de la musique : on n'achète plus tout un CD mais quelques chansons à la carte. Le piratage n'est donc pas la cause principale de l'effondrement des ventes de ce support ; il représenterait plutôt un complément à l'achat de musique en ligne. Aussi il lui demande de bien vouloir préciser les pistes de réflexions qui sont les siennes en la matière.
Réponse publiée le 30 juillet 2013
En 2012, le marché de gros de la musique enregistrée en France a totalisé 589,7 M€, en baisse de 4,4 % par rapport à 2011, a indiqué le Syndicat national des éditions phonographiques (SNEP) lors de sa conférence de presse au Marché international de l'édition musicale (Midem) à Cannes, au mois de janvier 2013. Il est à noter que les ventes numériques poursuivent leur essor et ont progressé de 13 % par rapport à 2011, totalisant 125 M€ ; la vente numérique d'album a augmenté de 15,2 %, contre 10,8 % pour la vente de titre à l'unité. Ainsi, si le marché légal du numérique continue d'augmenter, le nombre de visiteurs uniques des sites de P2P a baissé de 35 % entre 2010 et 2012 (issue du bilan économique de la musique enregistrée en 2012 du SNEP). Une étude suédoise publiée en 2011 montre quant à elle que le piratage de musique en Suède a reculé de 25 % depuis 2009 grâce à l'offre légale, notamment proposée par Spotify (http ://www. scribd. com/doc/66658516/Musiksverige- Svenskarnas-Internet-Van-Or-Q2-20111). Le baromètre HADOPI de janvier dernier, sur la consommation de biens culturels licites ou illicites en France, montrait également que 80 % des internautes qui consomment de la musique dématérialisée disent le faire de manière exclusivement licite, 16 % de manière licite et illicite et seulement 4 % de manière exclusivement illicite (http ://hadopi. fr/sites/default/files/page/pdf/HADOPI-160113-BU2-Complet. pdf). La France se retrouverait donc ainsi le neuvième pays pour les téléchargements illégaux (Issue de http ://www. blogdumoderateur. com/rapport-la-france-9e -au-classement- des-telechargements-illegaux/). Même si le piratage n'est pas la cause unique de l'effondrement de la vente des supports physiques de musique (le manque de développement initial de l'offre légale en est également responsable), l'étude réalisée par le Joint Research Centre (L'étude JRC « Digital Music Consumption on the Internet » est téléchargeable sur le site : ftp ://ftp. jrc. es/pub/EURdoc/JRC79605. pdf) ne semble pas pour autant permettre d'établir de lien de cause à effet entre le téléchargement illégal, le téléchargement légal, et les achats légaux. En particulier, il semble que l'étude ne démontre pas certaines positions, mises en valeur dans ses conclusions générales, selon lesquelles le piratage de musique numérique ne se substituerait pas aux achats de musique numérique et n'impacterait donc pas négativement les revenus de la musique dématérialisée. Si une interprétation pratique de cette étude devait être apportée, elle consisterait davantage à conforter l'existence d'une typologie d'utilisateurs, grands amateurs et grands consommateurs d'Internet, de biens culturels en général et de musique en particulier, se rejoignant dans la mixité de leurs pratiques légales et illégales (Issue du constat fait par le Département Recherche, Étude et Veille de l'HADOPI sur l'étude Digital Music Consumption. ). C'est d'ailleurs en s'appuyant sur ce constat que les éditeurs de service de musique en ligne ont progressivement développé des offres beaucoup plus orientées « client ». Alors qu'en 2005 l'offre légale numérique se limitait à une offre de téléchargement de musique (single et album) avec un prix unique et à une offre de personnalisation du mobile, le marché d'aujourd'hui combine des offres d'accès aux contenus avec des services innovants (playlists, recommandation, mobilité, etc.), qui créent de la valeur pour les utilisateurs. On assiste à une multiplication des offres, qui couvrent un large spectre de prix (du gratuit à l'abonnement en passant par des offres à la carte). Les éditeurs de musique en ligne segmentent leurs offres, ils proposent désormais des services avec de la qualité et du confort d'écoute (avec ou sans publicité), de la flexibilité (écoute linéaire, semi-linéaire ou interactive) et de la mobilité (accès hors connexion). Le développement de ces offres légales différenciées peut aboutir à la création d'un modèle vertueux de création de valeur où le client est au centre. Cela correspond à une transformation fondamentale du marché de la musique qui voit l'ensemble des acteurs modifier collectivement et en profondeur leurs modèles afin d'être au plus près des attentes des utilisateurs et détourner ainsi l'audience des sites illégaux vers les sites légaux. Les offres numériques légales ont également vocation à se positionner comme un service complémentaire à l'achat de support physique dans les commerces culturels, pour lequel un marché subsiste encore. Le marché français se caractérise donc par une structuration tardive et récente en termes d'offre légale. Tant en matière de contenus (détenteurs de catalogues) que de services, le marché est composé d'acteurs majeurs qui réalisent l'essentiel du chiffre d'affaires et d'une multitude de petits acteurs. L'intervention de l'État au soutien des acteurs les plus fragiles apparaît alors déterminante. Dans la perspective d'une réponse à la mesure des enjeux complexes et transverses aux différentes industries culturelles concernées par la transition numérique, la ministre a décidé de confier à Monsieur Pierre Lescure une mission de concertation sur les contenus numériques et la politique culturelle à l'ère numérique. Cette mission, intitulée « Acte II de l'exception culturelle », avait pour objectif de réfléchir et de proposer l'adaptation des mécanismes de régulation et de financement pour favoriser la création et la diffusion des oeuvres culturelles à l'ère numérique. Remis le 13 mai dernier, le rapport propose un certain nombre de dispositions concernant notamment le développement de l'offre légale et la protection des droits de propriété intellectuelle. Le CSA serait ainsi amené à jouer un rôle de régulateur des contenus culturels et d'observateur des pratiques culturelles sur Internet. Ce rôle pourrait être mis en oeuvre notamment en instaurant un mécanisme de conventionnement reposant sur une logique « donnant-donnant » : les acteurs vertueux acceptant de prendre des engagements volontaires en faveur de la diversité culturelle (en dehors de leurs obligations légales) se verraient ainsi octroyer divers avantages, qu'il reviendrait au CSA de définir. De même, la lutte contre le piratage commercial serait réorientée et constituerait désormais l'axe majeur en matière de lutte contre les contenus illicites. Sur ce sujet, le rapport rendu par Madame Mireille Imbert-Quaretta à Madame Marie-Françoise Marais en février 2013 (rapport sur les moyens de lutte contre le streaming et le téléchargement direct illicites du 15 février 2013, téléchargeable ici : http ://www. hadopi. fr/actualites/actualites/publication-du-rapport-sur- les-moyens-de-lutte-contre-le-streaming) a également donné un certain nombre de pistes de réflexion sur lesquelles il conviendra de s'appuyer. Les pistes d'évolution envisagées vont dans le sens de l'implication accrue de tous les acteurs concernés, de l'optimisation des dispositions légales existantes et de la recherche de solutions innovantes. Pour cela, elles visent à encourager la dynamique d'autorégulation déjà amorcée, en France et à l'étranger, par des acteurs de l'écosystème, comme les intermédiaires de paiement, les acteurs de la publicité ou les moteurs de recherche. S'appuyer sur et encadrer l'autorégulation, plutôt que de rechercher de nouveaux dispositifs contraignants, offre une souplesse qui permettrait d'adapter les solutions en fonction de l'évolution des technologies et des usages. Le Gouvernement s'attelle maintenant à la définition du calendrier de mise en oeuvre des dispositions qu'il décidera de retenir. Comme l'a rappelé la ministre à la remise du rapport, l'enjeu est primordial pour les industries porteuses de compétitivité et d'emplois en France.
Auteur : M. Hervé Féron
Type de question : Question écrite
Rubrique : Arts et spectacles
Ministère interrogé : Culture et communication
Ministère répondant : Culture et communication
Dates :
Question publiée le 2 avril 2013
Réponse publiée le 30 juillet 2013