fraude fiscale
Question de :
Mme Isabelle Le Callennec
Ille-et-Vilaine (5e circonscription) - Les Républicains
Mme Isabelle Le Callennec attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, sur les intentions du Gouvernement en matière de lutte contre l'évasion fiscale. Selon un récent rapport sénatorial, le cout de l'évasion fiscale pour l'État français est estimé à environ 50 milliards d'euros chaque année. Face notamment à la complexité des structures ou à l'opacité des institutions, elle demande comment le Gouvernement entend lutter efficacement et en toute transparence contre ce fléau de l'évasion fiscale.
Réponse publiée le 3 décembre 2013
La lutte contre la fraude et l'évasion fiscales est une priorité pour les pouvoirs publics. Un renforcement sans précédent de l'arsenal législatif de lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales a ainsi déjà été opéré par les mesures des lois de finances adoptées dépuis l'été 2012, en particulier dans le cadre de la dernière loi de finances rectificative pour 2012, et de la loi sur la lutte contre la fraude et la délinquance financière récemment adoptée par le Parlement. S'agissant de la fraude des ménages, ces mesures prévoient notamment l'alourdissement des sanctions contre les fraudeurs ainsi que la taxation, au taux de 60 % des sommes placées à l'étranger sur un compte non déclaré dont le contribuable ne peut ou veut en justifier la provenance. Cette taxation s'ajoute à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur la fortune qui peuvent être également dus, majorés des pénalités (80 % de pénalités en cas de manoeuvres frauduleuses). Des mesures importantes ont également été prises pour renforcer les moyens de contrôle de l'administration. Ainsi, par exemple, le champ de la procédure judiciaire d'enquête fiscale, permettant d'utiliser des moyens de police judiciaire (écoutes, perquisitions, gardes à vue), a été étendu aux cas de domiciliation fiscale fictive à l'étranger ou de manoeuvre destinée à égarer l'administration (mise en oeuvre de procédés destinés à masquer une infraction : comptabilité fallacieuse, fausses factures ou recours à des sociétés écran, par exemple). De même, l'administration fiscale aura désormais accès, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, aux relevés de compte des contribuables ayant omis de déclarer des comptes bancaires ou des contrats d'assurance-vie à l'étranger, sans que ce contrôle puisse être considéré comme un début d'examen contradictoire de situation fiscale personnelle (ESFP) ou de vérification de comptabilité. De plus, pour pallier les difficultés posées par la règle du « double », qui faisait en pratique obstacle au contrôle des contribuables les plus fortunés qui dissimulaient une partie de leurs revenus, la loi prévoit qu'une demande de justifications pourra être adressée lorsque la discordance entre les crédits bancaires et les revenus déclarés excède 150 000 €. Le Gouvernement partage également la préoccupation de l'auteur concernant l'utilisation de schémas mis en oeuvre par les groupes multinationaux qui ont pour effet de soustraire leurs résultats à l'impôt sur les sociétés en France. Face à ces pratiques, l'administration fiscale fait usage d'un arsenal juridique lui permettant de remettre en cause les transferts de bénéfices, d'écarter les montages relevant de l'abus de droit ou encore d'appliquer des dispositifs anti-abus spécifiques. Afin de le rendre plus efficace, le Gouvernement a notamment soumis au Parlement, dès l'été 2012, une mesure législative qui renforce les moyens de l'administration, à travers un renversement de la charge de la preuve pour taxer, sur le fondement de l'article 209 B du code général des impôts, les bénéfices que les entreprises françaises localisent dans des Etats ou territoires situés hors de l'Union européenne où ils sont soumis à des régimes fiscaux privilégiés. Les services de contrôle fiscal sont particulièrement mobilisés sur les problématiques de l'évasion fiscale des groupes multinationaux. Ainsi, les rectifications de prix de transfert se sont élevées à 3,5 milliards d'euros en base en 2012. Par ailleurs, des mesures ont été prises pour renforcer les moyens de l'administration fiscale afin de lutter contre la fraude fiscale en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), et en particulier les formes les plus graves telles que les carrousels. Ayant à sa disposition des sanctions lourdes et pour certaines, dédiées à ce type de pratiques, la direction générale des finances publiques (DGFiP) peut en outre déposer plainte au pénal pour fraude fiscale ou escroquerie, délits passibles d'une amende et d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq ans. De plus, en loi de finances rectificative de fin d'année 2012, le Gouvernement a soumis au Parlement une mesure instaurant une solidarité de paiement pour les rappels de TVA dus par les participants à des circuits frauduleux dans le secteur des véhicules d'occasion. Au plan des résultats, les redressements effectués par les services du contrôle fiscal en matière de TVA se sont élevés à 3,2 milliards d'euros en 2012. L'administration fiscale a également rejeté 1,3 milliard d'euros de demandes injustifiées de remboursement de crédit de TVA. Pour lutter contre les phénomènes de fraude à la TVA massifs et évolutifs qui peuvent potentiellement toucher tout pays de l'Union européenne, grâce à l'impulsion politique du Conseil européen du 22 mai 2013, un accord politique a été obtenu lors de l'Ecofin du 21 juin dernier sur un paquet « anti-fraude ». Il comporte un mécanisme de réaction rapide permettant aux États membres de prendre des mesures législatives pour mettre fin aux risques les plus importants de fraude à la TVA dès qu'ils sont identifiés, et un dispositif facultatif et temporaire d'autoliquidation pour certaines opérations. Ces dispositifs seront mis en oeuvre dans le cadre fixé par l'article 16 du projet de loi de finances pour 2014. Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, premier texte permettant de traiter toute la chaîne répressive, de la détection de la fraude au recouvrement des droits, en passant par la répression administrative et judiciaire, renforce davantage encore les moyens de lutte contre la fraude de l'administration. Au plan international, la France oeuvre activement à la promotion de l'échange automatique d'informations qui est un vecteur essentiel de lutte contre la fraude. Ainsi, c'est sur son insistance que le contenu de la révision de la directive épargne de 2003, qui permet de l'étendre à d'autres versements d'intérêts notamment en matière d'assurance-vie, a fait l'objet d'un accord politique au Conseil Ecofin le 14 mai 2013, puis que le Conseil européen, le 22 du même mois, a demandé son adoption avant la fin de l'année. En outre, un mandat, qui autorise la Commission à négocier la révision des accords portant mesures équivalentes à la directive épargne avec la Suisse, Andorre, le Liechtenstein, Saint-Marin et Monaco, afin d'en combler les lacunes et les mettre au niveau des plus récents standards de transparence et d'échange d'informations, a également été adopté lors du Conseil Ecofin du 14 mai 2013. Enfin, dans le cadre de la directive épargne, alors que l'Autriche et le Luxembourg continuent à appliquer un mécanisme de retenue à la source, la France et ses partenaires militent pour la généralisation du dispositif d'échange automatique au bénéfice du pays de résidence des contribuables. Au-delà du champ de la fiscalité de l'épargne, la France a adressé avec le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne le 9 avril dernier, un courrier informant la Commission de son souhait de développer un projet multilatéral visant à développer l'échange automatique d'informations bancaires s'appuyant sur le format prévu dans le cadre des accords américains FATCA et invitant les autres Etats membres à s'y associer. Cette initiative a reçu un accueil très favorable de nombreux Etats membres mais également de certains Etats tiers qui ont d'ores et déjà fait part de leur souhait d'y participer. Parallèlement, la Commission a présenté le 12 juin 2013 un projet de révision de la directive sur la coopération administrative en matière fiscale adoptée en 2011. Elle vise à étendre le champ d'application de l'échange automatique d'informations, actuellement prévu pour cinq catégories de revenus d'activités à compter de 2015, aux dividendes, aux plus-values, aux autres revenus financiers non couverts par la directive épargne ainsi qu'aux soldes des comptes bancaires, sans que les Etats membres puissent opposer l'indisponibilité de ces informations. De la sorte, il s'agit de s'aligner sur le champ prévu par le dispositif FATCA. Le Gouvernement agit ainsi activement au sein de l'Union européenne et dans les enceintes internationales, notamment au sein du G8 et du G20 qui ont appelé l'organisation de coopération et de développement économique (OCDE) à élaborer un standard universel d'échange automatique d'informations portant sur un large éventail d'informations bancaires et de revenus, pour étendre cette forme de coopération administrative et renforcer ainsi la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Avec plusieurs de ses partenaires du G20, la France a également pris l'initiative de demander à l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de présenter des propositions afin de lutter, en matière de fiscalité des entreprises, contre l'érosion des assiettes fiscales et les transferts de bénéfices. Un rapport dressant un état des lieux très complet a été soumis aux ministres des finances à l'occasion du sommet de Moscou des 15 et 16 février 2013. A cette occasion, les ministres français, allemands et britanniques ont publiquement rappelé leur détermination pour progresser sur ce dossier. Sur cette base, l'OCDE a présenté le 16 juillet 2013 un plan d'action large et ambitieux comportant 15 axes de travail. La France est fortement impliquée dans les groupes d'experts chargés d'en assurer la traduction concrète. Dans ce cadre, elle plaide en priorité pour que des solutions soient trouvées pour résoudre les phénomènes de double exonération, pour renforcer les mesures anti-abus et pour que les règles soient adaptées afin de mieux appréhender les profits réalisés par le secteur numérique, actuellement sous-taxé. De plus, ainsi que les ministres de l'économie et des finances et délégué au budget l'ont indiqué dans la lettre qu'ils ont adressée le 21 novembre 2012 aux commissaires européens en charge de la fiscalité et du marché intérieur, la France considère que l'Union européenne doit également s'attacher à progresser sur ces problématiques, ce qui suppose que la Commission, comme l'y a invitée le Conseil Ecofin du 14 mai 2013, amende le droit applicable ou propose de nouvelles actions, notamment dans le secteur du numérique. La France agit enfin pour renforcer les obligations de transparence et promeut activement une plus forte exigence concernant les activités conduites à l'étranger par les filiales des banques et des grandes entreprises. Pour les établissements financiers, ceci se traduira au plan national par de nouvelles obligations dans le cadre de la loi sur la séparation et la régulation des activités bancaires, lesquelles viendront compléter et renforcer l'accord obtenu avec le soutien de la France pour la révision de la directive CRD IV adoptée le 20 juin. Le Gouvernement porte dans les instances internationales (G8, G20) et au Conseil européen la nécessité d'étendre cette approche de transparence aux entreprises multinationales.
Auteur : Mme Isabelle Le Callennec
Type de question : Question écrite
Rubrique : Impôts et taxes
Ministère interrogé : Budget
Ministère répondant : Budget
Dates :
Question publiée le 9 avril 2013
Réponse publiée le 3 décembre 2013