grandes écoles
Question de :
M. Joël Giraud
Hautes-Alpes (2e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste
M. Joël Giraud appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la présence de l'allemand dans les concours d'entrée aux grandes écoles. Il semblerait en effet qu'il existe le projet de supprimer l'allemand des concours d'entrée aux Grandes écoles agronomiques et vétérinaires (filière BCPST) et à l'École spéciale militaire de Saint Cyr. La suppression de la langue de Goethe se ferait au profit de l'anglais dont la suprématie gagne chaque jour un peu plus de terrain au détriment des autres langues y compris le français. Aussi, face à l'hégémonie de l'anglais, il lui demande quelles mesures il envisage de prendre afin de garantir le plurilinguisme en France et plus largement en Europe. Cette question se pose d'autant plus en cette année du 50me anniversaire du traité de l'Elysée signé entre le général De Gaulle et du Chancelier Konrad Adenauer, où il serait surprenant de voir les engagements réitérés sur la nécessité du bilinguisme avec notre premier partenaire commercial remis en cause par des écoles qui forment des ingénieurs et des officiers justement très impliqués dans les relations entre la France et l'Allemagne.
Réponse publiée le 17 décembre 2013
La relation franco-allemande s'inscrit dans une histoire riche dont la signature du traité de l'Elysée le 22 janvier 1963 par le général de Gaulle et le chancelier Adenauer constitue un évènement fondateur. La célébration cette année du 50e anniversaire du traité de l'Elysée, marquée notamment par la réunion d'un conseil des ministres franco-allemand le 22 janvier 2013, souligne l'actualité de cette relation pour la France et l'Allemagne. Dans ce cadre, les gouvernements ont affirmé l'importance majeure de l'apprentissage de la langue du partenaire. Ils ont apporté leur soutien au travail de qualité réalisé par l'office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) et l'université franco-allemande (UFA), outil du développement des partenariats entre établissements d'enseignement supérieur des deux pays. L'augmentation du budget de l'UFA ces dernières années illustre la place accordée au renforcement des filières binationales de formation et au développement de la mobilité entre la France et l'Allemagne. L'UFA et l'OFAJ sont par ailleurs impliquées dans le programme « ALL »ES (action pour l'allemand dans l'enseignement supérieur) avec le « deutscher akademischer austauschdienst » [DAAD] et des associations spécialisées pour l'allemand (association des germanistes de l'enseignement supérieur [AGES], association de développement de l'enseignement de l'allemand en France [ADEAF], union des professeurs de langues des grandes écoles [UPLEGESS]). Cette initiative vise notamment à augmenter à court et moyen terme le nombre d'étudiants germanistes dans les universités françaises, à présenter à de futurs étudiants les possibilités d'intégrer l'allemand dans leurs études en soulignant les atouts d'une carrière professionnelle avec l'allemand et promouvoir les échanges entre les deux pays. L'analyse de la mobilité étudiante dans le cadre du programme Erasmus montre l'importance des échanges dans ce domaine : avec plus de 14 000 mobilités en 2011-2012, l'Allemagne est la 3e destination privilégiée par les étudiants français derrière l'Espagne et le Royaume-Uni, tandis que plus de 20 000 étudiants allemands choisissent majoritairement la France, après l'Espagne, pour effectuer une mobilité Erasmus. Les deux projets évoqués relatifs à l'éventuelle suppression de l'allemand aux concours d'entrée dans certaines grandes écoles appellent certaines précisions. 1 - L'organisation des concours d'entrée aux grandes écoles agronomiques et vétérinaires relèvent du ministère de l'agriculture, qui a piloté le chantier de rénovation des épreuves des concours (1re session en 2015). Ce projet consacrait effectivement l'anglais comme unique langue vivante étrangère dans les épreuves des concours A, A TB, B, C et C2, et impliquait la suppression de l'oral facultatif de langue vivante étrangère (LVE) 2, au détriment de l'allemand en particulier. Cette proposition s'expliquait par la demande des écoles, qui jugent l'anglais indispensable, puisque la commission des titres d'ingénieur (CTI) exige que l'obtention du titre d'ingénieur soit conditionnée à l'attestation d'un niveau B2 en langue anglaise et par une volonté d'ouverture sociale, la conférence des grandes écoles ayant conclu, après enquête, au caractère discriminatoire de l'évaluation des langues dans les concours. Cependant les instances consultatives ayant émis un avis défavorable au projet d'arrêté, le ministère de l'agriculture a fait le choix de réintroduire une épreuve de langue facultative à l'écrit, hors anglais. 2 - En ce qui concerne le projet relatif au concours d'entrée à l'école militaire de Saint-Cyr (1re session en 2014), le ministère de la défense a confirmé le projet de suppression de l'allemand aux épreuves écrites du concours mais non aux épreuves orales. La suppression à l'écrit s'explique par la migration, prévue en 2014, du concours de la BCE (banque commune d'épreuves) vers la BEL (banque d'épreuves littéraires). Outre l'alignement sur les épreuves de la BEL, le fait que l'anglais soit la langue officielle de l'OTAN (organisation du traité de l'Atlantique nord) et de l'ONU (organisation des nations unies) a également joué pour l'imposer comme unique langue vivante 1 à l'écrit du concours. L'importance que la France accorde à la langue allemande peut être analysée à l'aune de la place qui lui est réservée dans les établissements d'enseignement supérieur. C'est pourquoi, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) veille particulièrement à ce que la diversité linguistique soit préservée, non seulement dans l'offre de formation des établissements, mais aussi dans les épreuves orales et écrites des examens et concours qui relèvent de son périmètre. Un nombre croissant de postes a été mis au concours de recrutement d'enseignants d'allemand depuis la session de 2009. Le nombre de postes offerts a quasiment triplé en 4 ans. En outre, depuis plusieurs années, de nombreuses universités ont consenti des efforts importants pour accroître le niveau de leurs étudiants en langues étrangères, notamment en allemand. Ainsi, l'introduction du certificat de compétence en langue de l'enseignement supérieur (CLES), pensé par l'enseignement supérieur français lui-même et non par des organismes étrangers, a eu des effets très positifs. Plus de 60 universités et grandes écoles habilitées CLES ont organisé 380 sessions en 2012-2013 pour plus de 28 000 étudiants, et les « exigences CLES » ont globalement poussé vers le haut les enseignements de langues proposés par les universités. En 2012-2013, la langue allemande est 3e au nombre d'inscrits aux sessions CLES (1330 inscrits), derrière l'anglais et l'espagnol mais loin devant l'italien (586 inscrits). Par ailleurs, la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche vise dans son article 2 la création de formations dispensées partiellement en langue étrangère. Par conséquent, des formations en langue allemande pourront être proposées dans le cadre d'un accord avec une institution étrangère ou internationale, ou dans le cadre d'un programme européen. Ces formations seront destinées aux étudiants étrangers comme aux étudiants français. Cette modalité d'internationalisation des formations permettra aux étudiants français qui le souhaitent d'améliorer leurs compétences en langue étrangère au côté de nombreux jeunes non francophones. Enfin, l'augmentation prévisionnelle de l'ordre de 30 % de l'enveloppe budgétaire consacrée aux programmes européens dans le cadre d'Erasmus + permettra la multiplication par deux du nombre de bourses allouées aux fins de mobilités à l'étranger, qui contribueront à renforcer la solidité des échanges franco-allemands.
Auteur : M. Joël Giraud
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enseignement supérieur
Ministère interrogé : Éducation nationale
Ministère répondant : Enseignement supérieur et recherche
Dates :
Question publiée le 21 mai 2013
Réponse publiée le 17 décembre 2013