SAFER
Question de :
M. Jean-Claude Bouchet
Vaucluse (2e circonscription) - Les Républicains
M. Jean-Claude Bouchet appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la maîtrise du foncier en milieu rural. La plupart des cessions de biens immobiliers à vocation et utilisation agricole et des biens mobiliers qui leur sont attachés sont assujetties au droit de regard des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER). Celles-ci ont en effet pour mission de faciliter l'accès des terres aux agriculteurs, d'accompagner le monde agricole et les collectivités dans leur politique de développement, de préserver les terres agricoles et de protéger l'environnement. Si ces missions sont assurées en cas de cession, il n'en est pas de même en cas d'aliénation gratuite de biens immobiliers à utilisation agricole et des biens mobiliers qui leur sont attachés. Parfois, en dehors du contexte familial, ces donations masquent en réalité des transactions en faveur de personnes qui visent des changements de destination de terres agricoles : habitat précaire, dépôts de matériaux, de voitures,... Ces changements de destination posent plusieurs problèmes: n'étant pas notifiées, elles échappent à la connaissance publique (collectivités, communes, Safer) ; elles provoquent un mitage susceptible d'amplifier les détournements d'usage ; elles portent atteinte au foncier agricole et à la qualité des paysages ; elles se situent parfois sur des terrains figurant dans des plans de prévention des risques ; elles posent des problèmes d'insalubrité publique car ces terres ne sont pas destinées à de l'habitation et ne bénéficient pas des connections aux réseaux publics. Bien entendu cette atteinte au droit de l'urbanisme est susceptible d'être sanctionnée. Lorsque ces cessions sont révélées par le changement d'occupation, les procédures visant à faire respecter le règlement de l'urbanisme sont complexes, longues, coûteuses, et souvent infructueuses... Aussi une des solutions consisterait à prévenir ce type de dérive a priori plutôt que d'avoir à intervenir a posteriori. Cette modification permettrait aux communes, informées par la SAFER, de mettre en œuvre les moyens nécessaires, notamment par l'exercice du droit de préemption de la SAFER. Afin d'anticiper de telles pratiques et par conséquent de les éviter, et afin que de telles situations ne perdurent, de nombreux élus demandent de pallier ce vide juridique en proposant d'étendre le droit de préemption des SAFER aux cas d'aliénation gratuite, ce qui aurait pour conséquence de permettre à la SAFER d'exercer de plein droit la procédure de préemption et de permettre aux élus de contrer efficacement ces changements de destination illicites. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer ses intentions en la matière.
Réponse publiée le 12 novembre 2013
Les droits de préemption, aussi bien celui des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) que le droit de préemption urbain, ne peuvent être exercés, en l'état actuel du droit positif, que sur des biens faisant l'objet d'une aliénation à titre onéreux. Pour les SAFER cette disposition résulte des termes mêmes de l'article L.143-1 (alinéa 1er) du code rural et de la pêche maritime. Les aliénations à titre gratuit, donations et legs, sont ainsi exclues du champ de leur droit de préemption, sous la réserve normale de fraude à la loi, telle une donation déguisée qui aurait été conclue dans le seul but de faire échec à ce droit. Pour lutter contre cette pratique, une action en déclaration de simulation peut être engagée devant le juge civil, qui peut faire écarter les effets apparents de l'acte et le requalifier. Il est également possible d'exercer devant ce même juge une action en nullité. Pour ces deux actions, la preuve de l'existence d'une donation déguisée peut être apportée par tous moyens. La voie judiciaire constitue ainsi un outil juridique de nature à limiter les problèmes locaux que le détournement de la loi peut entraîner. En outre, la donation déguisée peut être contestée par l'administration fiscale. Pour les transmissions intervenant dans un cadre intra-familial, les dispositions de l'article L. 143-4 exemptent depuis l'origine les cessions de biens à caractère agricole ou rural consenties à titre onéreux entre parents ou alliés ou à des cohéritiers ou à leur conjoint survivant du droit de préemption des SAFER, jusqu'au quatrième degré inclus. Ces aliénations à titre onéreux ne se limitent pas aux ventes proprement dites (les échanges, dations en paiement, apports en société, ventes en viager en relèvent tout autant). Vouloir améliorer l'information des SAFER à l'égard des transmissions par aliénations à titre gratuit portant sur des parcelles et biens à vocation agricole, qui échappent effectivement encore à leur simple connaissance, soulèverait plus de questions que pour des cessions à titre onéreux. Il convient de rappeler en effet que les aliénations à titre gratuit, par donations entre vifs ou par successions, peuvent portent sur la totalité du patrimoine des cédants, en n'incluant que pour partie seulement des biens agricoles. Sur un plan pratique, une « information » des SAFER sur l'ensemble des aliénations à titre gratuit les conduirait, même en ne visant que celles qui peuvent inclure un bien rural ou agricole, à en recevoir un volume important. Il n'est donc pas à ce stade prévu d'y donner suite dans le cadre du futur projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt en préparation.
Auteur : M. Jean-Claude Bouchet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Dates :
Question publiée le 4 juin 2013
Réponse publiée le 12 novembre 2013