délais de paiement
Question de :
M. Marc Le Fur
Côtes-d'Armor (3e circonscription) - Les Républicains
M. Marc Le Fur attire l'attention de Mme la ministre du commerce extérieur sur les difficultés rencontrées par les sociétés françaises à l'international en application des dispositions relatives aux conditions de paiement de la loi de modernisation de l'économie (LME). En vertu de ce texte, les délais de paiement entre fournisseurs et clients et fournisseurs ne peuvent excéder 45 jours fin de mois ou 60 jours nets. Il apparaît toutefois que la LME est imprécise et sujette à interprétation en ce qui concerne les opérations de commerce international. En effet, ce texte n'a pas prévu d'aménagements relatifs aux opérations de commerce international qui pour certaines intègrent des délais d'acheminement très longs et pour lesquelles les conditions de paiement sont un élément de compétitivité de l'offre. Par ailleurs, les termes de la LME s'avèrent difficiles à faire accepter à des clients étrangers qui se voient proposer des délais de règlement nettement plus longs par la concurrence internationale. Afin de compenser ce risque, nombre d'entreprises françaises ont choisis de considérer que leurs échanges internationaux n'étaient pas soumis à la LME, ce que conteste la DGCCRF, qui envisage par conséquent d'infliger des amendes et des redressements à ces entreprises. Ces dernières sont parfois contraintes de financer les écarts de plus de soixante jours, qui mettent à mal leurs trésoreries. Enfin l'imprécision de la loi a pour conséquence qu'une entreprise qui respecte ce texte, peut, en cas de défaillance de l'acheteur peut se voir objecter par l'assureur crédit de l'assurance export l'exclusion du sinistre du champ du contrat d'assurance. Les chefs d'entreprises soumis à ces contraintes ainsi que de nombreux conseillers du commerce extérieur de la France, demandent un complément de la LME comportant des dispositions dérogatoires pour les exportations directes ou indirectes. Il lui demande de préciser la position du Gouvernement à ce sujet.
Réponse publiée le 15 octobre 2013
Pour déterminer les cas dans lesquels la loi de modernisation de l'économie (LME) s'applique aux opérations internationales, il est nécessaire d'examiner les cas particuliers et l'examen des termes du contrat de vente liant une société de négoce française et un fournisseur ou un client étranger. Le négoce international de marchandises est encadré juridiquement par la convention sur la vente internationale de marchandises (CVIM) du 11 avril 1980. Cette convention s'applique aux contrats de vente de marchandises conclus par des parties ayant leur établissement dans des États différents signataires de cette convention. Sauf exclusion par les parties, les dispositions de cette convention s'appliquent par défaut aux contrats internationaux et se substituent aux règles du droit interne national. Or l'article 59 de cette convention, relatif aux délais de paiement, renvoie à l'application des dispositions contractuelles et ne fixe aucun délai maximum de paiement. Les parties peuvent toutefois expressément exclure l'application de cette convention et décider d'appliquer le droit interne national de l'une ou l'autre des parties qu'elle soit française ou étrangère. Lorsque les parties soumettent leur contrat au droit français, seule la désignation du droit interne, par exemple à la suite d'un renvoi explicite aux dispositions du code civil ou du code de commerce, permet d'exclure l'application de la CVIM. La difficulté à laquelle se heurtent les entreprises exportatrices françaises lorsqu'elles placent leurs contrats de vente internationaux sous l'empire du droit français, réside dans l'obligation qui leur est faite d'exiger de leurs clients des délais de paiement contraignants, alors que leurs concurrentes étrangères, dont le droit national est plus libéral, peuvent consentir des délais longs à leurs clients. Si les parties ont désigné une loi étrangère comme loi applicable à leur contrat, les dispositions du code de commerce relatives aux délais de paiement, en tant que règle impérative ou de police, peuvent néanmoins s'appliquer dans certains cas, notamment en cas d'abus manifeste ayant été à l'origine d'un préjudice en France. L'application par défaut des règles de la CVIM ou des droits internes étrangers moins contraignants que le droit français permet donc d'ores et déjà aux négociants français d'octroyer à leurs clients étrangers des délais de paiement similaires à ceux proposés par leurs concurrents internationaux. Certaines organisations professionnelles proposent d'exclure du champ d'application de la loi les opérations de commerce international tant directes qu'indirectes de toutes les entreprises installées sur le sol français. Cette exemption porterait sur tout type de contrat de vente dès lors que la finalité de l'opération serait l'exportation des marchandises par l'acheteur. Le champ de cette dérogation serait donc potentiellement très étendu. Une telle réforme favorable aux entreprises exportatrices se ferait au détriment des fournisseurs français dont les délais de paiement clients s'allongeraient. Cette exemption engendrerait donc un décalage de trésorerie au détriment des fournisseurs industriels français (eux-mêmes potentiellement soumis à des délais fournisseurs plafonnés), dont la santé financière est déjà fragilisée par le contexte économique actuel. L'avantage concurrentiel dont bénéficient certaines entreprises européennes par rapport aux entreprises françaises est atténué depuis le 16 mars dernier. En effet, la directive n° 2011/7/UE du 16 février 2011 relative à la lutte contre les retards de paiement dans les relations commerciales devant être intégralement transposée à cette date, limite en principe les délais de paiement à 60 jours civils en Europe. Or 59 % des exportations françaises ont pour destination un pays européen. Un nouveau dispositif d'exemption sectorielle mettrait en cause les principes de la réforme instaurée par la LME, dont les objectifs de lutte contre les retards de paiement demeurent d'actualité. En effet, la troisième décision du pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi est d'établir un plan d'actions pour lutter contre l'allongement des délais de paiement. L'observatoire des délais de paiement, dans son rapport 2012, préconise d'exclure toute mesure supplémentaire visant à assouplir (prolongation ou multiplication d'accords dérogatoires) ou à restreindre les principes généraux établis par l'article L. 441-6 du code de commerce. Enfin, la dérogation envisagée engendrerait une complexité contractuelle importante et une possible réorientation de l'activité vers les professionnels non bénéficiaires de dérogations. En effet, les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises exportatrices ou qui ont une activité de négoce international pourraient stipuler dans leurs contrats avec leurs fournisseurs français un délai de paiement supérieur au plafond légal, dès lors qu'elles ont une activité de négoce international. Le rapport de l'observatoire des délais de paiement sur « la situation des entreprises exportatrices face aux dispositions de la loi LME sur les délais de paiement », publié en juillet 2013, précise que les décalages de paiement clients-fournisseurs supportés par les exportateurs étant d'importance variable entre entreprises (selon les pays de destination) et la présence de décalages n'ayant pas de conséquences uniformes sur la structure de financement de ces entreprises, il est difficile de recommander une action par la loi - ou la mise en place de dérogations à la loi - visant les entreprises exportatrices. L'observatoire estime que des outils de financement et de soutien (affacturage, aide publique...) permettraient de soulager les secteurs et les entreprises spécifiquement pénalisés par les décalages de paiement clients-fournisseurs à l'exportation.
Auteur : M. Marc Le Fur
Type de question : Question écrite
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Commerce extérieur
Ministère répondant : Commerce extérieur
Dates :
Question publiée le 18 juin 2013
Réponse publiée le 15 octobre 2013