incapables majeurs
Question de :
M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés d'application de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, portant réforme de la protection juridique des majeurs. En effet, il existe un décalage entre les objectifs qu'elle poursuit, en l'occurrence placer la personne vulnérable au cœur du dispositif et les moyens alloués à leur réalisation. On estime à un million le nombre de majeurs actuellement placés sous protection juridique et avec le vieillissement de la population, ce chiffre est destiné à s'accroître. Or le nombre de juges des tutelles et de greffiers n'a pas augmenté en proportion. Il en résulte qu'un délai de plusieurs mois peut s'écouler entre le moment où une requête de mise sous protection est adressée au Tribunal d'Instance et celui où le juge rend sa décision. Pendant ce temps, les capacités physiques ou mentales du majeur concerné peuvent se dégrader et exiger d'autres mesures que celles qui étaient prévues. Ce manque de personnel a également un impact sur l'obligation de révision quinquennale des mesures de tutelle. En vertu de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, l'ensemble des dossiers ouverts lors de l'entrée en vigueur de la réforme doit être révisé au plus tard le 31 décembre 2013, soit au total 750 000 dossiers. Or le rapport n° 315 des sénateurs Éric Bocquet et Edmond Hervé souligne que « tous les juges des tutelles interrogés estiment qu'à cette date seulement 50 % environ des mesures de protection ouvertes auront pu faire l'objet d'une révision ». Ainsi non seulement nombre de dossiers deviendront caducs mais le risque est grand, vu la charge de travail des juges et des greffiers, que les majeurs protégés ne voient pas les mesures de protection être adaptées à l'évolution de leur état. Il lui demande ainsi les mesures envisagées par le Gouvernement, dans un contexte budgétaire incontestablement contraint, pour éviter que l'alourdissement des charges des juges des tutelles et des greffiers ne soit préjudiciable aux droits élémentaires des personnes protégées.
Réponse publiée le 24 juin 2014
La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 a consacré une nouvelle approche de la protection juridique des majeurs plus respectueuse du droit des personnes reposant sur les trois principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité des mesures de protection. L'instauration d'une obligation de révision des mesures de protection participe précisément de la mise en oeuvre effective de ces principes. Le législateur de 2007 a ainsi prévu cette obligation, non seulement pour toutes les mesures nouvelles, mais aussi pour celles qui avaient été prononcées avant l'adoption de la loi et ce, dans un délai de cinq ans, sous peine de prendre fin de plein droit. Le point de départ de ce délai, initialement fixé au jour de la publication de la loi, soit le 7 mars 2007, a été repoussé, par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit, au jour de l'entrée en vigueur de la réforme, soit au 1er janvier 2009. L'ensemble des mesures en cours avant cette date devait ainsi être renouvelé au 1er janvier 2014. Le ministère de la justice s'est montré particulièrement attentif au respect de ces délais. Il a ainsi été procédé à des enquêtes régulières auprès de l'ensemble des juridictions afin de disposer d'un état précis des renouvellements. Il en ressort que l'objectif de révision a été en grande partie atteint puisque 99,5 % des mesures ordonnées avant la mise en oeuvre de la réforme ont pu être revues. Cette progression très nette des renouvellements constatée au cours de l'année 2013 n'a été possible qu'en raison de la très forte implication des magistrats et des fonctionnaires et de la mise en place de moyens supplémentaires pour soutenir l'effort des juridictions. A ce titre, des magistrats et des greffiers placés ainsi que des assistants de justice et des vacataires ont été affectés aux services en charge des tutelles. Les juges d'instance ont, en outre, été déchargés de la participation au service général des tribunaux de grande instance. Toutefois, à la lumière des différents bilans qui ont été dressés sur la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007, le Gouvernement souhaite aussi apporter quelques ajustements à cette réforme afin d'éviter à l'avenir ces difficultés. Ainsi, dans le cadre du projet de loi de modernisation et de simplification du droit dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, il est envisagé notamment de permettre aux juges des tutelles, sous certaines conditions, de prononcer des mesures de tutelles initiales pour une durée supérieure à cinq ans, mais aussi de simplifier les modalités d'arrêt du budget des mesures de protection. De même, il est proposé d'instaurer un nouveau dispositif d'habilitation au bénéfice de certains membres de la famille afin de leur permettre de représenter un proche, hors d'état de manifester sa volonté, ou de passer certains actes en son nom, sans qu'il soit besoin de prononcer l'ouverture d'une mesure de protection juridique. L'ensemble de ces mesures, tout en garantissant le respect des grands principes qui irriguent la protection juridique des majeurs, devrait être de nature à permettre aux juges des tutelles, dans un contexte budgétaire contraint, de remplir leur mission et d'exercer un contrôle effectif des mesures de protection.
Auteur : M. Hervé Féron
Type de question : Question écrite
Rubrique : Déchéances et incapacités
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 9 juillet 2013
Réponse publiée le 24 juin 2014