Question de : M. Guillaume Larrivé
Yonne (1re circonscription) - Les Républicains

M. Guillaume Larrivé interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur ses déclarations relatives aux courtes peines, dans l'entretien qu'elle a accordé le 7 août 2012 au quotidien Libération. La garde des sceaux a indiqué, en effet : "Il y a des années qu'on sait que la prison, sur les courtes peines, génère de la récidive, c'est presque mécanique. Je le dis, il faut arrêter !" Il lui prie de bien vouloir lui préciser la portée de ces nouvelles orientations. Il souhaite savoir si des instructions ont été données aux parquets afin de ne plus poursuivre les atteintes aux biens et aux personnes dont le code pénal prévoit aujourd'hui la sanction par le prononcé de "courtes peines".

Réponse publiée le 4 décembre 2012

Quelle que soit la méthodologie retenue, toutes les analyses françaises et étrangères convergent vers des résultats identiques : la prison aggrave le risque de récidive. La prison comme mode de punition légitime n'est pas remise en cause, mais son impact sur le risque de récidive doit être plus sérieusement pris en compte, sachant que 63 % des personnes détenues ayant achevé leur peine sans aménagement sont à nouveau condamné dans un délai de 5 ans, contre 39 % pour celles qui ont terminé leur peine sous le régime de la libération conditionnelle (Cahiers d'études pénitentiaires et criminologiques, mai 2011 n° 36, Annie Kensey et Abdelmalik Benaouda). S'agissant plus particulièrement des courts passages en détention, ils ne protègent pas de la récidive mais au contraire l'augmentent. Il y a lieu en effet de constater que les taux de récidive des personnes qui avaient été condamnées à une peine de 5 ans et plus sont moins élevés que ceux des condamnés à des peines plus courtes. Ainsi, 62 % des personnes ayant purgé une peine inférieure à 1an ont été à nouveau condamnées dans les cinq années ayant suivi leur libération contre 37 % des détenus ayant purgé une peine de cinq ans et plus. Les personnes exécutant des courtes peines sont en effet détenues en maison d'arrêt, dans des conditions souvent peu favorables à la réinsertion. Le temps réduit de détention rend en outre difficile tout travail sur un aménagement de peine. Or aujourd'hui, 80 % des personnes qui entrent en prison y restent moins d'un an et 61 % moins de 6 mois (OPALE Juin 2012). Sur la base de ces constats, la garde des sceaux, ministre de la justice a souhaité, par circulaire du 19 septembre 2012, diffusée à l'ensemble des procureurs généraux et des procureurs de la République, réorienter la politique pénale vers plus d'efficacité, dans le respect des droits fondamentaux. Ces objectifs se traduiront, outre par le choix des orientations de procédure et le choix des peines requises, par un fort accent porté sur les aménagements de peines. D'une part, la garde des sceaux a invité les parquets à privilégier l'individualisation de la réponse pénale, tout en faisant preuve de fermeté en cas de récidive ou de réitération d'infractions. D'autre part, le développement des aménagements de peines constitue une priorité de son action, afin que soit redonné tout son sens au principe directeur posé par l'article 707 du code de procédure pénale au terme duquel « l'exécution de la peine favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l'insertion et la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive ». Cette priorité devra être déclinée lors de l'audience, après le prononcé de la condamnation et lors de sa mise à exécution. A cette fin, la ministre de la justice a demandé aux procureurs généraux et aux procureurs de la République de veiller à ce que soit recueilli le plus grand nombre d'informations en amont de l'audience permettant d'apprécier la personnalité de l'intéressé, d'adapter la peine requise et d'encourager les aménagements de peines prononcés ab initio par les juridictions de jugement. Afin de faciliter le prononcé d'aménagement de peine par le juge de l'application des peines, elle a notamment demandé que les pièces d'exécution soient transmises dans les meilleurs délais, que les efforts entrepris pour mettre à jour les situations pénales des condamnés se poursuivent et que le recours à la procédure hors débat contradictoire en milieu fermé comme en milieu ouvert soit privilégié dès lors que les éléments contenus dans le dossier se révèlent suffisants à éclairer la situation du condamné ainsi que son projet. Chaque situation personnelle devra donner lieu à une évaluation attentive à chaque stade de la procédure et le panel des mesures d'aménagement existant devra être utilisé dans toute sa diversité. La procédure simplifiée d'aménagement de peine (PSAP), particulièrement adaptée aux courtes peines, et la surveillance électronique de fin de peine (SEFIP) sont également encouragées. Ces mesures immédiates sont nécessaires, mais pas suffisantes. C'est pourquoi, la garde des sceaux a installé le 18 septembre 2012 un processus de concertation sous la forme d'une conférence de consensus sur la prévention de la récidive destinée à sortir des échanges polémiques et à bâtir une politique durable assise sur des éléments solides et incontestables. L'ensemble de ces dispositifs doivent permettre de progresser significativement en matière de prévention de la récidive.

Données clés

Auteur : M. Guillaume Larrivé

Type de question : Question écrite

Rubrique : Droit pénal

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 21 août 2012
Réponse publiée le 4 décembre 2012

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