lait
Question de :
M. Éric Alauzet
Doubs (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Éric Alauzet alerte M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur le double risque environnemental et économique que représente la fin annoncée des quotas laitiers à l'horizon 2015. En effet, la fin des quotas laitiers actuellement imposés par l'Europe va laisser libre cours à la libéralisation de la production de lait dans le but de produire toujours plus, en visant notamment le marché actuellement porteur de la poudre de lait, qui montre de bons débouchés à l'export. Toutefois, si ce marché est actuellement porteur, rien ne présage de sa stabilité à long terme : la Chine a d'ailleurs déjà imposé très récemment aux entreprises européennes de baisser leurs prix de 20 % sur le marché mondial. Ceci est loin de constituer un gage pour l'avenir, et conduit à émettre des craintes fondées quant à un effondrement du marché lors de l'ouverture des quotas aux agriculteurs européens, avec un risque sérieux que les marges se réduisent au prorata des quantités supplémentaire vendues. Ce risque économique est donc sérieux. La deuxième menace qui pèse sur les exploitations et le milieu naturel est d'ordre environnemental et en conséquence également économique, puisque la surproduction de lait engendrée par la fin des quotas dans les exploitations françaises comme européennes conduira nécessairement à des rejets supplémentaires dans l'environnement, une perte de qualité des productions locales, une dépréciation de l'image du produit et une probable répercussion commerciale. Déjà, les sols agricoles des plateaux karstiques comtois sont majoritairement saturés par une surcharge en azote et en phosphore liée à l'intensification des pratiques et à la production croissante des vingt dernières années. Ces sols se trouvent dans une impasse agronomique dont la très forte baisse de la diversité floristique n'est qu'un des aspects. Une remise en cause des niveaux actuels semble donc s'imposer pour sortir de cette impasse. De plus, ces excès d'azote et de phosphore s'avèrent également être une des causes de la dégradation actuelle des grandes rivières comtoises. Or aucun élément objectif ne permet à ce stade de penser qu'en produisant davantage, les rejets de toute nature seront réduits ; bien au contraire. Il devient donc urgent de défendre la spécificité des plateaux karstiques au niveau des institutions européennes, pour ne pas laisser la réglementation évoluer aux dépens de la qualité des eaux et des terres comtoises. Aussi, il lui demande d'expliquer quelles mesures il compte défendre à Bruxelles afin que la fin des quotas laitiers ne soit pas actée, et le cas échéant, quelles dispositions il entend prendre pour limiter les effets économiques et environnementaux désastreux qui en découleront nécessairement.
Réponse publiée le 7 janvier 2014
La filière laitière française se prépare activement à la sortie des quotas laitiers prévue le 1er avril 2015. Dans cette perspective, le Gouvernement agit au plan national et au niveau communautaire pour doter la filière de nouveaux outils et dispositifs lui permettant de s'adapter à ce nouveau contexte. Certaines zones seront fragilisées par la fin des quotas laitiers. Des mesures spécifiques d'accompagnement ont été prises. Ainsi, les entreprises françaises se préparent par des investissements de modernisation ou d'augmentation des capacités de transformation. De nombreux investissements sont ainsi programmés ou ont été réalisés. Ils concernent des outils de séchage de lait de lactosérum qui visent en particulier à la fourniture de poudres de lait et de poudres infantiles à destination des marchés mondiaux ou à l'accroissement de la compétitivité sur le marché européen. Pour les accompagner, l'État a mis en place, depuis 2012, un dispositif spécifique d'aide aux entreprises laitières de production et de commercialisation. Ce dispositif, géré par FranceAgriMer, a été doté de 12, 5 millions d'euros sur la période 2012-2014. L'une des priorités de ce dispositif est la consolidation de la collecte et de la transformation laitière dans les zones dites de déprise laitière, ainsi que l'accompagnement des projets de modernisation et de développement des capacités de transformation pour des produits destinés à l'exportation. En conséquence, cette mesure vise à accroître la solidité économique de la filière laitière française. De plus, et depuis le 1er avril 2011, la contractualisation écrite entre les producteurs de lait et leurs acheteurs a été rendue obligatoire dans l'objectif de donner de la visibilité aux acteurs et prendre le relais du dispositif des quotas. Le paquet lait modifiant le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles (« OCM unique »), et dont les dispositions sont entrées en vigueur le 2 avril 2012, est venu conforter le cadre national. Il fournit aux acteurs de la filière laitière des outils pour s'adapter et accroître leur durabilité économique : outils de structuration économique des producteurs de lait de vache à travers des organisations de producteurs reconnues et négociation par ces structures des contrats écrits avec les acheteurs de lait, régulation de l'offre des fromages sous appellation d'origine protégée ou indication géographique protégée, reconnaissance et renforcement du rôle des interprofessions. Au plan communautaire, en matière de gestion des marchés laitiers, au-delà de l'usage des dispositifs existants, le ministre chargé de l'agriculture a défendu un outil communautaire à même de faire face aux graves déséquilibres de marchés, après la fin des quotas laitiers. Dans le cadre des discussions sur la réforme de la politique agricole commue, il a été obtenu qu'une discussion spécifique sur l'après quotas ait lieu, afin d'élaborer des propositions concrètes sur lesquelles la France sera moteur. Cette discussion s'est tenue le 24 septembre 2013, dans le cadre d'une conférence laitière réunissant 400 participants, parmi lesquels de nombreux représentants des producteurs, d'organisations non gouvernementales et des États membres. Au terme de cette journée, le commissaire européen à l'agriculture et au développement rural, Dacian Ciolos, a réaffirmé sa volonté de créer un observatoire des marchés. L'enregistrement et la synthèse des données transmises par les états membres et par les professionnels de la filière permettront de suivre l'évolution à court, moyen et long termes des marchés laitiers européens et notamment d'anticiper les risques de déséquilibres des marchés dans un contexte de forte volatilité des prix. La Commission travaillera prochainement sur la mise en oeuvre des conclusions de cette conférence. Ses travaux s'inscriront également dans le cadre de l'application du paquet lait et de la perspective de la fin du régime des quotas laitiers. Ainsi, elle préparera deux rapports, l'un en 2014 et l'autre en 2018, relatifs à la situation du marché et la mise en oeuvre des mesures d'adaptation de l'organisation du marché. Lors du Conseil des ministres de l'agriculture du 16 décembre, le Commissaire à l'agriculture a présenté plusieurs idées de mesures dans le sens d'une régulation de l'offre en période de crise, telle que la responsabilisation des industriels contribuant à l'augmentation des volumes en période de surproduction. Il a appelé le Conseil et le Parlement à lui faire connaître leur position sur ces idées afin de travailler à des dispositions concrètes. Le Gouvernement français continuera à être moteur pour que les conclusions issues des travaux de la Commission permettent, d'une part, un suivi efficace du marché du lait et des produits laitiers, et d'autre part, la mise en place rapide et adaptée de mesures d'urgence en cas de crise du secteur. Concernant les impacts sur l'environnement des élevages laitiers de plus de 50 vaches laitières, ils sont encadrés par la réglementation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. Dans le cadre des procédures d'instruction, les risques liés en particulier aux épandages font l'objet d'évaluation et de prescriptions adaptées au regard des quantités d'effluents produits par l'élevage et des spécificités locales des sols. En outre, les pratiques de gestion des effluents des élevages laitiers localisés en zones vulnérables sont encadrées par les programmes d'actions pris au titre de la direction 91/676/CE dite directive « nitrates ». Ces programmes d'actions, aujourd'hui en cours de refonte, encadrent les pratiques des exploitants agricoles afin de garantir que les fertilisants azotés, effluents d'élevage compris, soient épandus au bon endroit, au bon moment et à la bonne dose. Ces prescriptions portent notamment sur le dimensionnement des capacités de stockage des effluents d'élevage produits par l'exploitation, la limitation à 170 kg par hectare d'azote issu des effluents d'élevage pouvant être épandus annuellement par exploitation, les périodes d'interdiction d'épandage, l'encadrement des doses de fertilisants pour respecter l'équilibre de la fertilisation azotée, la couverture des sols pendant l'interculture et le maintien de bandes végétalisées pérennes d'au minimum cinq mètres en bordure de cours d'eau. Des prescriptions complémentaires adaptées à chaque territoire pourront en outre être définies dans le cadre des programmes d'actions régionaux qui seront arrêtés au premier semestre 2014. Enfin, le Gouvernement contribue activement à la conciliation de la performance économique des activités agricoles et du respect des exigences environnementales fixées dans la réglementation de l'Union européenne. Dans cet esprit, le ministre chargé de l'agriculture soutient l'idée selon laquelle le développement de la production d'énergies renouvelables doit créer des synergies avec les activités d'élevage. En ce sens, un plan énergie méthanisation autonomie azote (EMAA) a été conjointement lancé, le 29 mars 2013, par le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Il vise d'une part, à assurer aux éleveurs un revenu complémentaire stable dans un contexte de fragilité des exploitations lié à la forte volatilité des coûts de production et des prix de vente et, d'autre part, de répondre aux enjeux environnementaux et énergétiques du pays. L'objectif est de développer en France à l'horizon 2020, 1 000 méthaniseurs à la ferme autour d'une gestion collective et intégrée de l'azote, mobilisant 2 milliards d'euros d'investissement et permettant la création d'environ 2 000 emplois dans le respect de la réglementation régissant le développement de ce type d'activités.
Auteur : M. Éric Alauzet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Dates :
Question publiée le 30 juillet 2013
Réponse publiée le 7 janvier 2014