Question écrite n° 34876 :
archéologie

14e Législature

Question de : M. Jean-Jacques Urvoas
Finistère (1re circonscription) - Socialiste, républicain et citoyen

M. Jean-Jacques Urvoas attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les difficultés récurrentes rencontrées par les unités de recherche du CNRS dans la gestion des crédits de fouilles archéologiques et autres opérations programmées sur financement du ministère de la culture par l'entremise des directions régionales des affaires culturelles (DRAC). En substance, plusieurs paramètres se conjuguent qui placent ces unités de recherche et laboratoires dans des situations complexes et inextricables bloquant toute activité. D'une part, on observe un mouvement tendant à confier la délégation de gestion des crédits DRAC aux délégations régionales du CNRS, sans que ne soient mis à disposition des moyens humains supplémentaires (que ce soit en délégation régionale ou dans les unités de recherche). D'autre part, les règles imposées par la compatibilité publique induisent un travail de gestion de plus en plus lourd et contraignant. À cela s'ajoutent les difficultés liées au versement tardif des subventions DRAC qui survient le plus souvent après que les opérations financées ont été engagées, voire parfois après leur achèvement. Il convient par ailleurs de prendre en considération les problèmes de cofinancement de ces opérations par des crédits issus de collectivités territoriales qui n'ont pas toutes les mêmes règles d'exécution, même si ces cofinancements s'avèrent indispensables compte tenu de la diminution des moyens financiers alloués à la recherche. Enfin, il est nécessaire de rappeler que ces opérations archéologiques se déroulent en pleine période estivale, et donc de congés. Au quotidien, l'application stricte des règles de comptabilité publique implique, dans nombre de délégations régionales du CNRS, l'impossibilité d'effectuer des versements d'avance pour frais matériels de recherche sur le territoire national. Elle rend nécessaire le recours, pour tout achat quel qu'il soit, à un bon de commande-service fait-facture, entraînant ainsi une démultiplication pléthorique des actes de gestion, ou encore l'obligation de produire des ordres de mission par l'organisme de gestion pour chaque fouilleur bénévole hébergé afin de pouvoir lui rembourser des frais qu'il aurait engagés. Dans certaines unités, le surcroît de travail occasionné par cette évolution met en réelle difficulté des gestionnaires déjà surchargés. Enfin, les exigences ne sont pas identiques dans toutes les régions et pour tous les centres de recherche. Les solutions adoptées varient considérablement selon les situations locales et les rapports entretenus entre les unités de recherche, les services régionaux de l'archéologie, les délégations régionales et les universités. Elles varient également en fonction du volume d'opérations et des montants administrés par les unités. Compte tenu de ces entraves et contrariétés croissantes, l'on observe que de plus en plus de chercheurs responsables de projets font le choix désormais de ne plus fouiller en France et travaillent à l'étranger où les facilités accordées transforment le contexte de travail et de recherche. Il lui demande en conséquence quelles dispositions elle entend mettre en oeuvre afin de résoudre ces difficultés et ainsi faciliter l'administration et la gestion financières des opérations de recherche archéologique sur le territoire national.

Réponse publiée le 5 novembre 2013

La question posée soulève des problèmes importants pour l'archéologie préventive. Il convient d'abord de rappeler certains éléments essentiels. Le premier principe est que les fouilles programmées constituent un volet essentiel de la recherche archéologique nationale, en parallèle aux activités relevant de l'archéologie préventive. Elles répondent en effet à des questionnements scientifiques posés au préalable, qui guident le choix des gisements sur lesquels porteront les opérations. Par ailleurs, la validation des cursus archéologiques impose la participation à des activités de terrain et c'est principalement sur les chantiers de fouilles programmées (« chantiers-école ») que les étudiants-chercheurs se forment auprès d'agents des établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Il est donc indispensable que ces activités soient maintenues - et donc soutenues - au sein des unités mixtes de recherche (UMR). Les fouilles programmées, ainsi d'ailleurs que les projets collectifs de recherche (PCR), les aides pour publication (APP) et les prospections thématiques (PT), bénéficient d'une subvention de fonctionnement de la part du ministère de la culture et de la communication (MCC). Il est en ce sens tout à fait significatif que le MCC ait décidé de s'engager en tant que cotutelle dans la plupart des UMR d'archéologie qui oeuvrent sur le territoire national. Il y a une vingtaine d'années, ces subventions étaient directement versées au responsable de l'opération, sur son compte personnel ou sur celui d'une association à but non lucratif désignée par celui-ci. S'agissant d'argent public destiné au financement d'une activité exercée par un agent de l'Etat dans le cadre de son activité professionnelle, ce dispositif est apparu comme non satisfaisant et c'est fort logiquement que le MCC d'une part, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) d'autre part ont souhaité normaliser la procédure. Cette intention a priori louable s'est cependant heurtée à des difficultés de mise en oeuvre. Une pétition faisant part des difficultés croissantes que rencontraient certains chercheurs a circulé l'année dernière et elle a réuni les signatures de la très grande majorité des responsables de fouilles programmées en France. Puis une enquête nationale a été menée auprès des UMR à l'initiative de l'UMR « Travaux et recherches archéologiques sur les cultures, les espaces et les sociétés » (UMR 5608, Toulouse) et de son directeur, Pierre Moret. Les réponses à ce questionnaire montrent effectivement des situations très disparates. Parmi ces différences, certaines ne relèvent évidemment pas du MESR. Ainsi, certains services régionaux de l'archéologie (DRAC) versent à l'organisme représentant le responsable (ou parfois au responsable lui même) la totalité des subventions relatives à l'opération, d'autres les seuls crédits de fonctionnement à l'exclusion des crédits d'analyses ou de datation. De même, la position des collectivités territoriales qui apportent une contribution souvent significative au financement des fouilles programmées fluctue de manière considérable en ce qui concerne les modalités de gestion des subventions qu'elles accordent : le passage par une association est souvent la solution choisie, mais certaines collectivités préfèrent aujourd'hui verser directement la subvention à un établissement public (CNRS, universités...) ; dans certains cas, elles imposent même que l'ensemble des ressources dont bénéficie l'opération soient gérées par la même structure, de manière à rendre plus évident le montant respectif des financements par les différents partenaires contributeurs de l'opération. En ce qui concerne les établissements placés sous la tutelle du MESR, le centre national de recherche scientifique (CNRS) représente certes l'organisme gestionnaire privilégié, mais certaines universités assument cette charge (c'est notamment le cas de Bordeaux 1 et Bordeaux 3 qui gèrent respectivement 180 K€ et 160 K€ au titre des fouilles programmées). Il semblerait normal que l'organisme concerné s'abstienne de prélever des frais de gestion puisqu'il s'agit de crédits versés par l'une des co-tutelles dans le cadre du financement des activités de recherche de l'UMR, alors que cette pratique caractérise la gestion des crédits de fouilles programmées par certaines associations. Le MESR n'est évidemment pas en mesure d'intervenir directement sur la politique comptable d'une université ni même du CNRS, encore moins des collectivités territoriales. La réflexion menée au sein de la communauté archéologique et dans les services du MESR suggère cependant des pistes qui pourraient améliorer de manière significative cette situation : l'octroi d'une régie d'avance (sur le modèle CNRS de frais matériels de mission et de recherche sur le terrain), applicable même lorsque les fouilles ont lieu sur le territoire national ; la mise en place des crédits alloués à la fouille dès que le montant de la subvention est effectivement notifié par le MCC (engagement contractuel entre les partenaires de l'UMR, solution déjà mise en place par la délégation régionale de Montpellier ou par l'université Bordeaux 1). Il paraît également souhaitable que les modalités de gestion soient harmonisées entre les délégations régionales du CNRS. La gestion par le CNRS des chantiers menés par des enseignants-chercheurs et chercheurs de l'UMR « archéologie des sociétés méditerranéennes » (UMR 5140, Montpellier-Lattes) semble se faire à la satisfaction de chacun des directeurs de chantier concernés ; elle pourrait servir d'exemple pour élaborer un modèle généralisé. Ce sont là quelques-unes des voies de réflexion qui devront être explorées. La tentation qu'ont pu manifester certains archéologues de renoncer à organiser des fouilles programmées en France, reportant leurs activités sur des terrains à l'étranger, est en effet préoccupante. Les conséquences d'une diminution de ces chantiers seraient doubles, à court et à moyen terme : à la fois pour les travaux scientifiques eux-mêmes et pour les étudiants de nos filières universitaires, dont la formation d'acteurs de terrain et, plus largement, de futurs chercheurs, serait ainsi partiellement amputée. Le MESR restera donc vigilant sur ce dossier afin d'améliorer, dans la mesure de ses possibilités, la recherche en archéologie programmée.

Données clés

Auteur : M. Jean-Jacques Urvoas

Type de question : Question écrite

Rubrique : Patrimoine culturel

Ministère interrogé : Enseignement supérieur et recherche

Ministère répondant : Enseignement supérieur et recherche

Dates :
Question publiée le 30 juillet 2013
Réponse publiée le 5 novembre 2013

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