Question de : M. Patrick Hetzel
Bas-Rhin (7e circonscription) - Les Républicains

M. Patrick Hetzel souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche au sujet du principe de précaution. En effet, dans une interview au Journal Les Échos en date du 5 août 2013, elle a déclaré qu'elle redoutait les dérives du principe de précaution environnementale. C'est pourquoi il souhaiterait savoir avec précision qu'elle est la position du Gouvernement en matière de dérives potentielles du principe de précaution environnementale d'une part et quelles sont les mesures qu'il compte mettre en place pour lutter contre de telles dérives potentielles.

Réponse publiée le 17 décembre 2013

Le principe de précaution figure dans l'article 5 de la Charte de l'environnement qui est adossée à la Constitution depuis 2005. « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veilleront, par application du principe de précaution, et dans leurs domaines d'attribution, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». Depuis son adoption, ce principe a été l'objet de nombreuses interprétations, notamment parce qu'il a été étendu à des domaines multiples au-delà du champ environnemental et qu'il interagit avec des pratiques ou des normes de nature différente : les domaines techniques et scientifiques, juridiques, économiques, politiques, sociétaux et éthiques. Le principe de précaution doit être compris comme un principe d'action pour accompagner l'innovation en prenant en considération très en amont les risques potentiels que celle-ci présente pour l'environnement. C'est ainsi que les chercheurs et des entrepreneurs l'intègrent dorénavant dans leurs activités et qu'en conséquence il participe à l'anticipation des risques pour la société tant sur le plan global (réchauffement climatique, biodiversité) que plus sectoriel (nanotechnologies...). Toutefois le recours à ce principe, qui intervient souvent dans des contextes émotionnels aigus, peut indument contribuer à légitimer l'hypothèse d'un risque quand bien même l'évaluation ultérieure du risque en infirme l'existence. Dans ces dernières conditions, il peut constituer un frein au transfert des innovations technologiques et, par voie de conséquence, entrainer un désengagement de la recherche qui les porte. Ce n'est donc pas l'existence du principe de précaution, ni son inscription dans la Charte adossée à la Constitution, qui est à examiner, mais plutôt les conditions de sa mise en oeuvre, par les pouvoirs publics ainsi que les députés Alain Gest et Philippe Tourtelier le soulignaient en 2011 dans leur rapport d'information. Les autorités publiques doivent pouvoir disposer, pour identifier les incertitudes laissant une place potentielle à l'émergence d'un risque, d'une « revue des études scientifiques les plus récentes et de toutes informations susceptibles de la compléter ». Puis, elles doivent être en mesure d'évaluer les risques éventuels ainsi identifiés grâce à des études scientifiques complémentaires « afin de mesurer la pertinence des mesures de précaution mises en oeuvre et, le cas échéant, de les réviser. » Enfin, les autorités publiques doivent pouvoir « évaluer le rapport entre les bénéfices et les risques des mesures de précaution envisageables ». Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche concourt, notamment par ses actions de formation ainsi que de promotion et d'encadrement de l'expertise scientifique, au renforcement des compétences nationales pour chacune des séquences identifiées par les députés Gest et Tourtelier ; condition nécessaire à l'effort de structuration de l'action publique qu'ils préconisent et au rétablissement de la confiance qui peut et doit exister entre la communauté scientifique et la société. Il revient à l'ensemble des acteurs publics de contribuer à mieux faire comprendre à nos concitoyens et aux relais médiatiques la différence entre précaution et prévention, la nécessaire proportionnalité des mesures dédiées à l'application du principe de précaution et l'équilibre à conserver avec d'autres principes d'action tels que le progrès social porté par l'activité économique.

Données clés

Auteur : M. Patrick Hetzel

Type de question : Question écrite

Rubrique : Environnement

Ministère interrogé : Enseignement supérieur et recherche

Ministère répondant : Enseignement supérieur et recherche

Dates :
Question publiée le 13 août 2013
Réponse publiée le 17 décembre 2013

partager