protection
Question de :
M. Gilles Lurton
Ille-et-Vilaine (7e circonscription) - Les Républicains
M. Gilles Lurton appelle l'attention de M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la question de la gouvernance et des moyens pour une gestion durable des océans. Une partie des richesses marines sont déjà exploitées, et pourtant, elles demeurent peu ou mal connues. 5 % seulement des océans ont été explorés de manière systématique. Alimentation, ressources biologiques, pharmaceutiques, minéraux, pétrole, énergies marines..., les perspectives qu'offre leur valorisation sont immenses. La France, présente dans toutes les régions océaniques du globe grâce à ses outre-mer, possède le deuxième espace maritime après celui des États-unis. Les activités économiques en mer se développent, certaines offrent des perspectives nouvelles comme les énergies marines renouvelables ou les biotechnologies. En France, l'économie maritime représente un chiffre d'affaires estimé à 70 milliards d'euros et génère plus de 450 000 emplois directs. Si la maritimisation du monde est en marche, l'ampleur des impacts subis par les océans ne cesse en revanche d'inquiéter. Or le cadre de la gouvernance des océans est complexe et inachevé, en particulier en haute mer, où aucun texte ne protège la biodiversité de manière spécifique. Il est aujourd'hui nécessaire de promouvoir une nouvelle gouvernance et un nouveau cadre des activités humaines, garant d'une exploitation durable des océans. À ce titre, un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) recommande de promouvoir pour toutes les activités une approche écosystémique et concertée en milieu marin. Dans cette perspective, il propose que l'état des lieux initial de l'environnement, le suivi écologique et la remise en état du site soient systématiques pour toutes les activités. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer la position du Gouvernement à ce sujet.
Réponse publiée le 27 mai 2014
La convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) est un traité international qui reconnaît aux États côtiers le droit d'exercer des droits souverains sur la zone économique exclusive (ZEE) et le plateau continental, et garantit la non-appropriation nationale des ressources du fond des mers au-delà des juridictions nationales et l'affirmation qu'elles sont réservées à l'humanité. Les fonds marins et leur sous-sol, au-delà des limites de la juridiction nationale, deviennent ainsi patrimoine commun de l'humanité. La mise à jour de l'accord de mise en oeuvre (implementation agreement) de cette convention est en cours. Cet accord doit permettre de mettre en oeuvre et de renforcer les obligations déjà inscrites dans la convention, telles que l'obligation générale de protéger et de préserver le milieu marin (art. 192), l'obligation de protéger et préserver les écosystèmes rares ou fragiles ainsi que les habitats des espèces menacées ou en voie de disparition ou d'autres formes de vie marine (art. 194), le devoir de coopérer à l'échelle mondiale ou régionale pour la protection et la préservation du milieu marin (art. 197) et le devoir de procéder à des évaluations d'impact environnemental (art. 206). La convention sur la diversité biologique (CDB) sert quant à elle de fondement à de nombreuses réglementations nationales et intègre explicitement les écosystèmes marins dans la définition de la diversité biologique. Elle complète ainsi la CNUDM pour contribuer à la protection des mers dans les espaces maritimes sous compétence nationale. La CDB introduit le principe de précaution, qui préconise l'adoption de mesures de protection avant l'obtention de preuves scientifiques suffisantes démontrant l'existence d'un risque, ainsi que la notion d'aires marines d'importance écologique ou biologique (EBSA). La France soutient également, dans le cadre des Nations Unies, la mise en place rapide d'un outil juridique multilatéral de protection de la biodiversité en haute mer. Cela fait partie des engagements pris par le Gouvernement lors de la conférence environnementale en septembre 2013. D'ores et déjà, l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM), créée en 1994, est une organisation par l'intermédiaire de laquelle les États parties de la CNUDM organisent et contrôlent les activités menées dans la zone (fonds marins au-delà des zones sous juridictions nationales), notamment aux fins de l'administration des ressources de celle-ci. Elle doit également prendre des mesures permettant de prévenir, réduire et contrôler les impacts sur l'environnement. Elle a ainsi adopté des recommandations à cet effet et mis en place des zones préservées dans la région de Clarion-Clipperton en liaison avec l'exploration des nodules polymétalliques. Les entreprises publiques et privées, ainsi que les consortiums, doivent s'adresser à l'AIFM pour obtenir l'autorisation de mener des activités de prospection, d'exploration et d'exploitation minière du sous-sol marin. Une des responsabilités de l'AIFM est d'établir des règles visant la protection de l'environnement, en imposant notamment aux opérateurs d'effectuer un diagnostic de l'état initial du site concerné et de mettre en place des mesures de suivi des impacts environnementaux. Dans le cadre de la CDB, les milieux hydrothermaux font partie des EBSA identifiés notamment pour le critère d'unicité et de rareté ainsi que pour le critère de productivité biologique. Cette démarche est complétée par les travaux menés dans le cadre des Conventions de mers régionales. Par exemple, la Convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l'Atlantique nord-est a adopté une liste d'espèces et d'habitats menacés ou en déclin parmi lesquels figurent plusieurs habitats profonds tels que les monts sous-marins, les monts carbonatés et les sulfures hydrothermaux. Pour chacune des espèces et des habitats listés, un document de référence établissant l'état de l'espèce/habitat, les menaces et pressions auxquelles il est soumis ainsi que des propositions de mesures est établi, ainsi qu'un document de recommandations listant plus en détail les mesures que les États parties s'engagent à prendre (individuellement ou collectivement) pour protéger ces espèces/habitats, notamment dans le cadre du développement des activités. Pour ce qui concerne la France, le cadre réglementaire d'exploitation de ressources dépend de leur localisation : le domaine public maritime (DPM) ou la zone économique exclusive (ZEE). La recherche et l'exploitation des substances minérales contenues dans les fonds marins français sont des activités strictement réglementées, qui relèvent du code minier et du code de l'environnement. Les procédures en vigueur seront renforcées dans le cadre de la réforme du code minier pour une meilleure transparence et une prise en compte accrue des enjeux environnementaux. La mise en oeuvre de la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » en France prône une approche écosystémique du développement des activités en mer, et fixe des objectifs environnementaux, à l'échelle des sous-régions marines, afin de mieux encadrer les activités en mer. A titre d'exemple, dans la sous-région marine du Golfe de Gascogne, l'objectif lié au descripteur 6 relatif à l'intégrité des fonds marins est le suivant : « garantir le bon fonctionnement des écosystèmes au regard des pressions physiques induites par les activités humaines ». Des mesures vont être prises, via l'élaboration d'un programme de mesures (2016), afin que cet objectif soit atteint. Enfin, le projet de loi sur la biodiversité prévoit de mettre en place un nouveau régime d'autorisation des activités d'exploration ou d'exploitation des ressources naturelles ou de l'utilisation des milieux marins et de leurs écosystèmes, sur le plateau continental et la zone économique exclusive. Le développement de nouveaux usages de la mer et particulièrement l'exploitation de ses ressources naturelles notamment pour la production d'énergies marines renouvelables, rend nécessaire l'encadrement de ces nouvelles activités pour, d'une part, vérifier la cohérence des activités pratiquées sur une même zone maritime et, d'autre part, évaluer leurs incidences environnementales potentielles et les prévenir. L'implantation d'éoliennes en mer est actuellement soumise à plusieurs régimes juridiques complexes : code de l'énergie, code de l'environnement (loi sur l'eau - loi littoral), code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), code de l'urbanisme. Ainsi, plusieurs autorisations sont nécessaires pour installer des éoliennes en mer, notamment : - une concession d'utilisation du DPM (articles L. 2124-3 et R. 2124-1 à R. 2124-12 du CG3P) dans le cas où les éoliennes sont installées sur le DPM, ou une autorisation prévue par le décret n° 2013-611 du 10 juillet 2013 relatif à la réglementation applicable aux îles artificielles, aux installations, aux ouvrages et à leurs installations connexes sur le plateau continental et dans la zone économique et la zone de protection écologique, pour les installations sur le plateau continental ; - une autorisation d'installation (articles L. 214-2 et suivant du code de l'environnement). Cette dernière ne sera accordée qu'après la prise en considération, entre autres, de l'étude d'impact préalable à l'installation et du résultat de la consultation publique mise en oeuvre. En effet, une « installation en mer de production d'énergie » est un projet soumis à étude d'impact de manière systématique (article R. 122-2 du code de l'environnement). L'étude d'impact comporte obligatoirement une analyse de l'état initial, une analyse des effets potentiels du projet sur l'environnement, des mesures destinées à éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs du projet sur l'environnement, ou encore des mesures de suivi de ces effets (article R. 122-5 du code de l'environnement). Le code de l'environnement précise également que l'exploitant d'une éolienne est responsable de son démantèlement et de la remise en état du site (sur le DPM, seuls les projets qui assurent une réversibilité totale des implantations sont acceptés par l'État). Le décret n° 2013-611 du 10 juillet 2013 indique que l'autorisation délivrée comporte les modalités, à partir de l'état initial, de suivi du projet notamment au regard de son impact sur l'environnement et sur les ressources naturelles ainsi que les mesures et prescriptions propres à assurer la préservation de l'environnement. L'autorisation précise en outre que le titulaire procède, à ses frais, à l'enlèvement des infrastructures autorisées. Des garanties financières sont constituées pour assurer notamment la réversibilité des modifications apportées au milieu naturel et aux ressources biologiques.
Auteur : M. Gilles Lurton
Type de question : Question écrite
Rubrique : Mer et littoral
Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie
Ministère répondant : Écologie, développement durable et énergie
Dates :
Question publiée le 10 septembre 2013
Réponse publiée le 27 mai 2014