Question de : Mme Lucette Lousteau
Lot-et-Garonne (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Lucette Lousteau attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la réglementation relative au surendettement des particuliers. En effet, les données nationales de l'INSEE et de la Banque de France traduisent une évolution inquiétante de la situation ainsi qu'une nette tendance à la généralisation de l'orientation des dossiers vers les procédures de rétablissement personnel qui conduisent à l'effacement des dettes. C'est ainsi qu'entre 2008 et 2012, le nombre de dossiers déposés auprès des Commissions de surendettement des particuliers est passé de 194 000 à 218 000, soit une hausse de 12 %. Pour 2013, l'observation du seul 1er trimestre laisse penser que près de 230 000 dossiers seront déposés. Sur la même période, les décisions d'orientation vers une procédure de rétablissement personnel sont passées de 35 000 à 68 000, alors que les plans conventionnels ont eux chuté de 88 000 à 68 000. Pour Habitalys, le volume d'effacement des dettes est passé, entre 2008 et 2012, de 8 658 euros à 73 372 euros. En outre, des décisions récentes des tribunaux laissent peser des incertitudes sur les procédures de traitement du surendettement des particuliers ; effets de la recevabilité, suspension des poursuites et étendue du rétablissement personnel notamment. Les effets juridiques de la décision de recevabilité sont ainsi remis en question. Certains juges estiment que l'état des créances qui découle de cette recevabilité n'a qu'un effet indicatif. D'autres estiment au contraire qu'il doit être actualisé au cours de la procédure. De même, certaines décisions ne permettent pas d'appréhender l'étendue des effets de la suspension des poursuites, notamment pour les dettes nées postérieurement à la décision de recevabilité. Pour ce qui concerne la procédure de rétablissement personnel (articles L. 332-5 et suivants du code de la consommation), les acteurs locaux (bailleur, juge d'instance et commission de surendettement des particuliers) sont divisés, la jurisprudence, peu abondante sur le sujet, laissant une latitude aux interprétations qui deviennent source de désaccords. Les débiteurs concernés par cette procédure sont ceux, dépourvus de toute capacité de remboursement, dont la commission de surendettement des particuliers considère la situation comme « irrémédiablement compromise ». Une fois la recommandation de cette commission homologuée par le juge d'instance, les dettes du débiteur sont effacées. Le montant de la dette concerné par la procédure et voué à l'effacement donne lieu à des prises de position divergentes. La commission de surendettement des particuliers et le juge d'instance considèrent que doivent être effacées toutes les dettes existant au jour du jugement d'homologation. Habitalys considère au contraire que seules les dettes déclarées à l'ouverture de la procédure sont concernées par l'effacement. Le 6 juin 2013, la 2e chambre civile de la Cour de cassation a tranché un différend similaire en matière de procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire (pourvoi n° 12-19155) mais la question reste entière pour les procédures de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Elle lui demande donc de bien vouloir lui préciser les mesures que le Gouvernement envisage de prendre afin de clarifier cette situation.

Réponse publiée le 4 mars 2014

Les dispositions du code de la consommation relatives à l'effacement des dettes à l'occasion d'une procédure de rétablissement personnel font effectivement l'objet d'interprétations différentes, dans le silence des textes actuels, en ce qui concerne le périmètre exact des dettes effacées. Conscient de ces difficultés, le Gouvernement a souhaité apporter les précisions nécessaires dans la loi, dans le cadre du projet de loi pour l'accès au logement et urbanisme rénové. Le texte de l'article 10 du projet de loi tel qu'adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale le 16 décembre 2013 et adopté dans les mêmes termes en deuxième lecture par le Sénat le 30 janvier 2014 précise ainsi à quelle date les créances soumises à l'effacement sont arrêtées, pour les différents cas dans lesquels un rétablissement personnel, avec ou sans liquidation judiciaire, est homologué ou prononcé par le juge. En revanche, et le texte final adopté au Parlement à l'initiative du Gouvernement en tient compte, il n'est ni possible ni opportun de prévoir que le juge précise le montant des créances effacées. En effet, le juge d'instance, compétent en matière de surendettement, n'est pas en mesure de préciser le montant des créances effacées car il ne dispose pas des informations suffisantes. Il convient à cet égard de rappeler qu'en l'absence de contestation de la recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, le juge d'instance confère force exécutoire à la recommandation après en avoir vérifié la régularité et le bien fondé. Il statue alors par ordonnance sans convoquer les parties. Aucun débat contradictoire n'a dès lors lieu s'agissant du montant des créances. Par ailleurs, lorsqu'il est saisi d'une demande de vérification de créances, cette vérification n'est opérée que pour les besoins de la procédure de surendettement et est dès lors dépourvue d'autorité de chose jugée. Au surplus, l'effacement concernant tant les dettes déclarées que celles non déclarées, la mention dans l'ordonnance ou dans le jugement du montant des créances effacées reviendrait de fait à omettre les créances non déclarées. En cas de contentieux entre le débiteur et le créancier sur le montant concerné, il convient alors de réserver au juge de l'exécution ou au juge saisi au fond en fixation de la dette le soin de fixer précisément ce montant dans le cadre d'un débat contradictoire. Enfin, il n'est pas paru opportun de prévoir un traitement spécifique des dettes locatives dans le cadre des procédures de rétablissement personnel, la priorité conférée aux bailleurs par l'article L. 333-1-1 n'étant prévue que dans le cadre d'un rééchelonnement de la dette. Prévoir un traitement spécifique s'agissant des dettes locatives reviendrait par ailleurs à remettre en cause l'objectif général assigné à la procédure de rétablissement personnel, lequel tend à offrir aux débiteurs de bonne foi une « seconde chance » en réglant de manière globale et définitive leur situation d'endettement. Les nombreuses mesures prises par le Gouvernement, tant en matière de prévention du surendettement que de logement, devraient par ailleurs permettre de limiter à l'avenir, en nombre et en montant, les cas d'annulation de créances locatives.

Données clés

Auteur : Mme Lucette Lousteau

Type de question : Question écrite

Rubrique : Consommation

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Économie et finances

Dates :
Question publiée le 17 septembre 2013
Réponse publiée le 4 mars 2014

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