sécurité des biens et des personnes
Question de :
M. François Loncle
Eure (4e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. François Loncle interroge M. le ministre de l'intérieur sur les stratégies de lutte contre le crime organisé en France, en général, et en Haute-Normandie en particulier. Le Service d'information, de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisée de la police judiciaire (Sirasco) a publié, en décembre 2013, un rapport annuel qui dresse un panorama complet des phénomènes criminels dans notre pays pour la période 2012-2013. Il présente notamment une carte recensant les activités criminelles (trafic de drogues, proxénétisme, vol, chantage, blanchiment d'argent, trafic d'armes...) et les grands bassins criminogènes. L'Île-de-France, la Corse et la région de Provence-Alpes-Côte d'Azur demeurent les principaux foyers du crime dans notre pays. Il lui demande de lui exposer les caractéristiques des groupes criminels agissant en Haute-Normandie. Il voudrait connaître les moyens concrets mis en œuvre et les mesures programmées pour combattre de manière efficace et durable les activités délictueuses. Il aimerait qu'il lui décrive l'évolution de la criminalité dans la région au cours de la décennie écoulée.
Réponse publiée le 10 juin 2014
Le service d'information, de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisée (SIRASCO) de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) a établi une typologie des organisations criminelles françaises dont l'activité représente plus de 80 % des infractions liées à la criminalité organisée. Cette typologie distingue deux grandes catégories de structures : les organisations criminelles traditionnelles, dont les activités se rapportent au « grand banditisme », et les organisations criminelles issues des cités sensibles. Les principales organisations criminelles traditionnelles sont implantées sur le territoire national selon un axe nord-sud allant de Lille à Ajaccio en passant par le bassin parisien et les régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur (grand banditisme lillois et roubaisien, milieu parisien historique, milieux lyonnais et grenoblois, organisations corso-marseillaises, clans criminalisés de gens du voyage). Ces groupes criminels sont fortement impliqués dans des actions violentes d'envergure : vols à main armée, extorsions, exploitation de machines à sous et de cercles de jeux, trafic international de stupéfiants, blanchiment et escroqueries... Des groupes criminels étrangers (mafias russophones, italiennes, organisations criminelles balkaniques, asiatiques, africaines) sont également actifs en France. S'agissant du « Grand Ouest », notamment de la Haute-Normandie (Eure et Seine-Maritime), la criminalité organisée y est dominée par le trafic de stupéfiants et une délinquance connexe : règlements de comptes, enlèvements et séquestrations, vols aggravés, « Home jacking » et « car jacking », blanchiment... Elle est principalement le fait de malfaiteurs issus des zones urbaines sensibles, qui recourent à la technique du « Go Fast » routier pour alimenter en stupéfiants les principales villes de la région depuis l'Espagne (résine de cannabis), les Pays-Bas, la Belgique (héroïne) et la région parisienne. Ces réseaux semblent avoir élargi leur périmètre d'action aux zones rurales et aux agglomérations de moindre importance qu'ils fournissent en cocaïne et héroïne. Profitant de la situation géographique du « Grand Ouest » entre la région parisienne et la façade atlantique, des groupes itinérants et transnationaux se sont également imposés à côté des équipes criminelles locales. La prostitution de voie publique, notamment roumaine et africaine, est également très visible à Rouen et au Havre. On observe également dans la région de violentes rivalités entre gangs de motards criminalisés (« Hell's Angels », « Outlaws »...). Les groupes criminels sont également particulièrement actifs dans les vols à main armée. La délinquance d'appropriation (cambriolages de résidences principales et secondaires, de locaux industriels et commerciaux, vols à l'étalage, vols sur chantiers, vols de métaux...) est le fait de groupes criminels structurés, très organisés et mobiles sur l'ensemble du « Grand Ouest ». Sont principalement impliqués dans cette criminalité : - les groupes criminels roumains (essentiellement issus de la communauté Rom), dont le rayon d'action s'étend sur plusieurs centaines de kilomètres. Structurés, encadrés par des « contremaîtres » aux ordres de chefs restés dans leur pays d'origine, ces groupes sont spécialisés dans les atteintes aux biens : vols à l'étalage (alcool), vols par effraction de commerces (outillage destiné à la Roumanie) et de résidences (or, numéraire)... ; - les membres de la communauté des gens du voyage issus du sud-ouest parisien et qui s'appuient sur un réseau établi sur le secteur côtier de la région. Ces clans sont spécialisés dans les cambriolages de résidences principales, les vols avec violences et les vols de fret (tabac) ; - les « voleurs dans la loi » caucasiens, spécialisés dans les infractions de faible intensité commises à grande échelle (vols à l'étalage, cambriolages...), très organisés, sont également actifs en Haute-Normandie. Pour lutter contre la criminalité organisée, l'action de la direction centrale de la police judiciaire s'organise autour des axes suivants. Sur le plan organisationnel, la DCPJ est dotée de structures centrales spécialisées (offices et services centraux) et s'appuie sur un maillage territorial constitué de onze directions interrégionales et régionales de police judiciaire. Sur le plan juridique, les enquêtes relevant de la criminalité et de la délinquance organisées sont diligentées sur la base des articles 706-73 et suivants du code de procédure pénale qui confèrent aux officiers de police judiciaire des moyens d'investigation étendus. Sur le plan opérationnel, le recueil et le traitement des renseignements liés aux organisations criminelles sont réalisés par le SIRASCO. Grâce à la mise en place en 2013 d'antennes territoriales du SIRASCO, la DCPJ dispose d'informations encore plus fines lui permettant de mieux identifier et anticiper les phénomènes criminels. L'action de la direction centrale de la police judiciaire s'appuie sur des coopérations opérationnelles et stratégiques avec les autres services de police, notamment ceux de la direction centrale de la sécurité publique. Au-delà, une coordination opérationnelle entre l'ensemble des forces de sécurité de l'État est indispensable. A l'échelon central, elle est notamment assurée par les offices centraux, placés au sein de la police nationale (dix offices) ou de la gendarmerie nationale (quatre offices) et chargés de la centralisation des informations et du renseignement en lien avec les structures territoriales des deux forces. Ces structures, dotées de personnels spécialisés dans les domaines relevant de la criminalité organisée (trafic de stupéfiants, traite des êtres humains, fausse monnaie, délinquance itinérante...), apportent également une expertise et un soutien opérationnel aux enquêteurs. La délinquance itinérante constitue ainsi un phénomène récurrent créateur d'un fort sentiment d'insécurité au sein de la population. Sa prise en compte relève principalement de l'office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI). Acteur principal de la mise en oeuvre du plan national de lutte contre les cambriolages souhaité par le ministre de l'intérieur, son engagement aux côtés des sections de recherches de la gendarmerie et des services de police est particulièrement marqué dans la lutte contre la délinquance d'appropriation et a déjà porté ses fruits. Ainsi, en décembre 2013, l'OCLDI et la section de recherches de Caen ont démantelé un groupe criminel organisé, auteur de plus de 500 cambriolages en Haute et Basse Normandie. Des objets, volés lors d'un périple au cours duquel 10 cambriolages ont été commis dans le département de l'Eure en février 2013, ont été saisis au cours des perquisitions menées lors de cette opération judiciaire. Face à une criminalité fortement mobile et transnationale, la coopération policière internationale, pilotée par les offices centraux, facilite les liaisons avec les services répressifs ou de renseignement des pays étrangers et les organismes internationaux ou européens de coopération (Europol, Interpol). Les services de police et de gendarmerie peuvent également s'appuyer sur la présence d'officiers de liaison étrangers en France. Sur le plan statistique, on observe au cours des dix dernières années (2004-2013) une baisse de 5,7 % des faits de grande criminalité en Haute-Normandie (386 faits constatés en 2004, contre 364 en 2013). Les plus fortes baisses concernent les vols de véhicules de transport de fret (17 faits constatés en 2003, contre 9 en 2013) et la fausse monnaie (71 faits constatés en 2003, contre 35 en 2013). Durant cette période, les trafics de stupéfiants (106 faits constatés en 2004, contre 114 en 2013) et les vols à main armée contre des établissements industriels et commerciaux (43 faits constatés en 2004, contre 68 en 2013) sont toutefois en hausse.
Auteur : M. François Loncle
Type de question : Question écrite
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 11 février 2014
Réponse publiée le 10 juin 2014