Question de : Mme Marie-Hélène Fabre
Aude (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Marie-Hélène Fabre attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes sur le prix du carbone en Europe. Elle lui rappelle que l'année 2015 est marquée pour l'Europe par une double urgence : agir contre le réchauffement climatique et sortir du marasme économique. Dans cette perspective, elle lui indique aussi que la politique climatique européenne se concentre essentiellement sur la mise en place d'un prix du carbone, qui reste aujourd'hui à un niveau insuffisant pour déclencher spontanément les financements de la transition bas carbone. Elle s'étonne aussi que, dans un contexte de rachat massif et inédit de titres par la BCE (Banque centrale européenne) de l'ordre de 1100 milliards d'euros, le levier du crédit bancaire et de l'épargne, cible des politiques de rachats de titres de la BCE, soit si peu mobilisé contre le changement climatique. Aussi elle propose de rendre éligibles à la politique de rachat d'actifs par la BCE des titres privés dont l'impact bas carbone avéré serait garanti par la puissance publique. Elle pense que ce dispositif permettrait de valoriser l'externalité carbone à un niveau satisfaisant en l'absence (temporaire) d'un prix du carbone adéquat, en ayant un impact notable sur les décisions d'investissement des acteurs privés. Elle estime que les États seraient aussi fortement incités à mettre en place des mécanismes de tarification du carbone afin que la garantie qu'ils apportent sur la valeur des actifs carbone soit neutre pour le budget public. Aussi elle lui demande son sentiment sur cette proposition.

Réponse publiée le 14 juin 2016

La réunion de la COP21, à Paris en décembre 2015, a permis de conclure un accord qui devra accompagner la transformation de nos sociétés et de nos économies afin de contenir le réchauffement climatique sous une hausse de deux degrés. L'Union européenne et ses Etats membres ont mis en place un prix du carbone via le système européen d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre (ou marché carbone européen). Même s'il reste perfectible, celui-ci est largement reconnu aujourd'hui comme un des outils les plus efficaces de réduction des émissions des gaz à effet de serre, et sert de référence pour diverses initiatives similaires, qu'elles soient nationales, régionales ou sectorielles. Le prix du carbone est aujourd'hui insuffisant pour inciter, au niveau désiré, les investissements dans la transition bas carbone. La fixation d'un objectif pour 2030 (au moins -40 % d'émissions domestiques en 2030 pour l'Union européenne par rapport à 1990) ainsi que la mise en place d'une réserve de stabilité pour le marché carbone, doivent cependant permettre d'amener le prix à un niveau plus élevé et plus incitatif. Dans une note d'analyse de février 2015, France Stratégie a proposé de rendre éligibles à la politique de rachat d'actifs par la BCE des titres privés dont l'impact bas carbone avéré serait garanti par la puissance publique. Ce dispositif permettrait de valoriser l'externalité carbone à un niveau satisfaisant en l'absence (temporaire) d'un prix du carbone adéquat. Cela jouerait ainsi immédiatement sur les décisions d'investissement des acteurs privés et donnerait un "sens" bas carbone à la relance de l'activité. Un tel dispositif inciterait aussi fortement les États à mettre en place des mécanismes de tarification du carbone afin que la garantie qu'ils apportent sur la valeur des actifs carbone soit neutre pour le budget public. L'originalité de ce montage financier qui implique à la fois la puissance publique et le secteur privé repose sur sa capacité à envoyer un signal sur une valeur du carbone d'emblée élevée – qui reflète le coût social réel des émissions – en l'absence d'un prix du carbone qui frapperait trop durement les "perdants" de la transition bas carbone. Il permet à la fois de sécuriser les nouveaux investissements bas carbone et d'offrir une certaine souplesse dans la négociation d'une montée en puissance progressive des instruments de tarification du carbone. En pratique, la mise en œuvre de cette proposition requiert deux avancées principales : - une négociation sur la valeur des actifs carbone garantie par la puissance publique. De la même façon que la commission Quinet en 2008 a fait émerger un compromis entre experts autour d'une "valeur tutélaire du carbone", une consultation à l'échelle européenne qui ferait dialoguer experts et société civile pourrait définir la valeur que la société européenne accorde à un climat sous contrôle. A l'échelle de la planète, l'enceinte naturelle pour ce type de débat est celle des conférences des parties. Il convient de souligner que du côté du secteur privé, certaines entreprises se sont déjà engagées à intégrer dans leur analyse de projets un prix implicite du carbone ; - une volonté de la BCE d'utiliser un critère qualitatif dans le choix des titres qu'elle achète. Il n'y a pas d'obstacle technique à l'achat de titres bas carbone s'ils présentent les mêmes caractéristiques que les autres titres éligibles mais la BCE est indépendante dans ses choix. Le financement de la transition bas carbone repose sur une redirection massive des investissements de long terme. Il est de ce fait essentiel de transmettre des informations aux investisseurs sur l'exposition aux risques climat des portefeuilles d'actifs et des incitations pour qu'ils réorientent leurs nouveaux investissements vers des projets décarbonés. Ces incitations peuvent reposer sur des instruments de tarification du carbone qui seront d'autant plus efficaces qu'ils seront complétés par une intermédiation financière résiliente aux risques climatiques.

Données clés

Auteur : Mme Marie-Hélène Fabre

Type de question : Question écrite

Rubrique : Déchets, pollution et nuisances

Ministère interrogé : Affaires européennes

Ministère répondant : Affaires européennes

Dates :
Question publiée le 17 mars 2015
Réponse publiée le 14 juin 2016

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