revenus immobiliers
Question de :
M. Frédéric Lefebvre
Français établis hors de France (1re circonscription) - Les Républicains
M. Frédéric Lefebvre attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget sur l'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2012 qui soumet aux prélèvements sociaux (au taux global de 15,5 %) les revenus immobiliers (revenus fonciers et plus-values immobilières) de source française perçus par les personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France. Les revenus fonciers sont désormais imposés aux prélèvements sociaux dus sur les revenus du patrimoine, à un taux de 15 % et les plus-values immobilières sont imposées aux prélèvements sociaux sur les produits de placements (recouvrés à la source par l'intermédiaire notamment des notaires), à l'instar des personnes fiscalement domiciliées en France, déjà assujetties à ces prélèvements. Ces mesures s'ajoutent aux prélèvements déjà appliqués, s'agissant de l'imposition sur le revenu, et se sont traduites pour les 60 000 contribuables concernés par une hausse d'imposition moyenne de près de 4 200 euros. Ces mesures, présentées au nom de l'universalité des prélèvements sociaux et de la cohérence de l'impôt, comportent nombre d'effets pervers. En premier lieu, elles ont eu pour conséquence de taxer les plus-values foncières - avant l'adoption d'un amendement de l'auteur de la présente proposition de loi ramenant de 33 à 19 % leur taux d'imposition - à près de 50 %. Depuis le 1er janvier 2014, ces plus-values demeurent toutefois taxées à un taux global de 34,5 %, ce qui rend les investissements fonciers nettement moins attractifs que d'autres placements. En second lieu, elles créent des risques de double imposition, dès lors que les revenus fonciers et les plus-values immobilières font parfois l'objet, conformément aux conventions fiscales en vigueur, d'une taxation du pays de résidence. Ces mesures sont également contraires au principe d'équité. La précédente majorité avait repoussé l'idée d'un assujettissement aux cotisations sociales des plus-values foncières des non-résidents, au motif que ces derniers ne bénéficient pas des prestations sociales financées par la sécurité sociale. Ces mesures sont, en outre, contraires au droit européen qui subordonne le paiement des cotisations sociales au bénéfice du régime obligatoire de sécurité sociale, régime dont sont exclus les Français établis hors de France, leur protection sociale relevant du régime volontaire de la caisse des Français de l'Étranger. Le Gouvernement a, pour sa part, soutenu que la CSG et la CRDS, bien que concourant au financement de la sécurité sociale, ne constituaient pas des cotisations ouvrant droit au bénéfice des prestations versées par les organismes obligatoires de sécurité sociale, mais relevaient de la catégorie d' « impositions de toute nature » à vocation universelle. A maintes reprises il a attiré l'attention du Gouvernement sur les risques de condamnation contentieuse qu'encourait notre pays en raison de la contrariété de cette mesure au droit européen. Le 21 octobre 2014, l'avocate général Sharpston de la Cour de justice de l'Union a rendu ses conclusions dans l'un des contentieux en cours - l'affaire C-623/13 ministre de l'économie et des finances contre Gérard de Ruyter - et a exprimé une position contraire à celle du Gouvernement Français. L'avocate générale a précisé en premier lieu que la CSG sur les revenus du patrimoine devait être considérée en droit français comme une imposition supplémentaire sur le revenu et non comme une cotisation de sécurité sociale distincte. Son contrôle et sa collecte par les autorités fiscales, conformément aux règles applicables à l'impôt sur le revenu, ne détermine pas si cette contribution relève du règlement (CEE) n° 1408/71. En second lieu, elle a conclu que la CSG et la CRDS présentaient un lien direct et suffisamment pertinent avec les lois françaises qui régissent les branches de sécurité sociale, et qu'elles relevaient du champ du règlement du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté. Lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative, le secrétaire d'État au budget interrogé par M. le député au regard de ces conclusions avait indiqué que « Le Gouvernement » tirerait « les conséquences de tous les jugements qui pourront intervenir et appliquera le droit, comme il a l'habitude de le faire ». Dans son arrêt du 26 février 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a conclu que la France n'avait pas le droit de soumettre les revenus fonciers et les plus-values de source française des non-résidents à la CSG et à la CRDS dans la mesure où ces derniers ne bénéficient pas de la Sécurité sociale française. Les revenus fonciers et les plus-values immobilières ne devraient donc plus être soumis aux prélèvements sociaux pour les Français résidant dans un pays membre de l'Union européenne. Dans un communiqué du 26 février 2015, le Gouvernement indique toutefois qu'il prenait acte de cet arrêt mais qu'il ne prendra les dispositions nécessaires qu'après la décision définitive du Conseil d'État dans cette affaire, alors que la décision de la Cour de Luxembourg ouvre d'ores et déjà droit aux réclamations et au remboursement des sommes versées aux non-résidents vivant au sein de l'Union européenne. Dans l'hypothèse, probable, où la haute juridiction administrative viendrait à suivre la décision de la Cour de justice de l'Union européenne, il lui demande de lui indiquer si le Gouvernement envisage bien, dans un souci d'équité, d'abroger l'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2012 pour l'ensemble des non-résidents, qu'ils soient domiciliés dans l'UE ou en dehors de l'UE. Il serait en effet cohérent que les non-résidents vivant en dehors de l'Union européenne se voient appliquer un régime différent de ceux résidant au sein de l'Union européenne alors qu'ils sont en matière de protection sociale dans une situation identique. Il serait en outre paradoxal, après que le Conseil d'État ait estimé dans un arrêt du 20 octobre 2013 qu'il convenait en matière de taux d'imposition des plus-values immobilières d'appliquer le même taux de 19 % aux non-résidents qu'ils soient établis au sein de l'union européenne ou en dehors de l'union européenne, d'opérer une distinction en matière de prélèvements sociaux. Il lui demande également de lui indiquer si le Gouvernement a provisionné les sommes nécessaires au remboursement des sommes indûment perçues et de lui fournir le montant de cette provision.
Réponse publiée le 5 juillet 2016
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), saisie d'une question préjudicielle introduite par le Conseil d'Etat, a jugé, dans son arrêt « de Ruyter » du 26 février 2015, que les contributions et prélèvements sociaux prélevés sur des revenus patrimoniaux relèvent du champ d'application du règlement européen no 1408/71, auquel a succédé le règlement no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, dès lors qu'ils sont affectés au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale et présentent un lien direct et pertinent avec certaines des branches de sécurité sociale énumérées à l'article 4 de ce même règlement. La territorialité des prélèvements en cause ne doit donc plus dépendre du critère de résidence du contribuable, mais de son affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale dans le champ du règlement précité et de l'affectation des sommes prélevées. Le Conseil d'Etat, dans une décision du 27 juillet 2015, a tiré les conséquences de cette réponse de la CJUE. Il a remis en cause la possibilité d'imposer au titre des prélèvements sociaux sur leurs revenus du patrimoine les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale dans un autre État membre de l'Union européenne (UE), de l'Espace économique européen (EEE) ou en Suisse. Les principes dégagés par ces deux décisions sont transposables à l'ensemble des revenus du capital, qu'il s'agisse de revenus du patrimoine ou de produits de placements. Ces décisions ne sont en revanche applicables qu'aux personnes - qu'elles soient domiciliées ou non en France et quelle que soit leur nationalité - qui relèvent du champ d'application du règlement no 883/2004 précité, c'est-à-dire aux personnes affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale dans un État partie à ce même règlement autre que la France. En pratique, sont donc uniquement visées les personnes affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale dans un État de l'EEE autre que la France (autre pays de l'UE, Islande, Liechtenstein ou Norvège) ou en Suisse, au titre : - pour les personnes domiciliées en France : des prélèvements sociaux portant sur l'ensemble des revenus du capital imposables en France (produits de placement et revenus du patrimoine) ; - pour les personnes domiciliées hors de France : des prélèvements sociaux appliqués aux revenus immobiliers (plus-values immobilières et revenus fonciers) tirés de biens situés en France. En revanche, les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale en France et celles affiliées à un régime de sécurité sociale hors de l'EEE et de la Suisse, demeurent assujetties aux prélèvements sociaux au titre : - pour les personnes domiciliées en France : de l'ensemble de leurs revenus du capital imposables en France (produits de placements et revenus du patrimoine) ; - pour les personnes domiciliées hors de France : de leurs revenus immobiliers (plus-values immobilières et revenus fonciers) tirés de biens situés en France conformément aux dispositions de l'article 29 de la loi no 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012. Il est à noter que le prélèvement de solidarité de 2 % dû avant le 1er janvier 2015, dans la mesure où il ne finançait pas les branches de la sécurité sociale, n'est pas concerné par la décision « de Ruyter ». Il ne fera donc pas l'objet d'une restitution. Comme il s'y était engagé et sur la base de la décision de justice rendue par le Conseil d'Etat le 27 juillet 2015, le Gouvernement a arrêté des modalités simples pour permettre aux personnes concernées de demander la restitution des impositions acquittées à tort. Ces modalités sont précisées sur le site internet de la direction générale des finances publiques (DGFiP) (http://www.impots.gouv.fr). Le nombre total de personnes susceptibles d'être concernées par la décision « de Ruyter » est particulièrement difficile à estimer, sauf à faire de fragiles hypothèses et, dès lors que l'intégralité des personnes potentiellement concernées ne se sont pas encore faites connaître auprès des services de la direction générale des finances publiques, toute évaluation chiffrée du volume des réclamations contentieuses à traiter et du montant des dégrèvements à opérer, apparaît à ce jour prématurée. Enfin, il est précisé que l'article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a pour objet de mettre en conformité avec le droit de l'UE les contributions et prélèvements sociaux en cause. Ainsi, à compter du 1er janvier 2016, les prélèvements concernés, dont le produit aura fait l'objet d'une affectation à des entités placées hors du champ du règlement no 883/2004, s'appliqueront, quel que soit le régime d'affiliation du contribuable, sans contrariété avec la réglementation européenne.
Auteur : M. Frédéric Lefebvre
Type de question : Question écrite
Rubrique : Impôt sur le revenu
Ministère interrogé : Budget
Ministère répondant : Budget
Dates :
Question publiée le 24 mars 2015
Réponse publiée le 5 juillet 2016