Question de : M. Franck Marlin
Essonne (2e circonscription) - Les Républicains

M. Franck Marlin appelle l'attention de M. le Premier ministre sur la disparition programmée du Journal officiel papier au 1er janvier 2016, uniquement en raison du nombre décroissant des abonnements (JOAN Q 17 mars 2014, p. 1931 Rép. min. n° 62459). Cependant, cette évolution, qui nécessitera l'adoption de dispositions législatives pour modifier l'ordonnance du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs, n'apparaît pas forcément opportune d'autant qu'elle contrevient à certains droits fondamentaux et principes généraux du droit comme : « la sécurité juridique », « l'intelligibilité de la loi » et « la confiance légitime ». À ce titre, la logique purement comptable du nombre d'abonnés papier pour justifier la disparition de la version papier du Journal officiel doit être écartée. En effet, la diffusion de textes juridiques constituent une mission de service public (loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, art. 2, JO 13 avril 2000, p. 5646 et CE 17 décembre 1997, Ordre des avocats à la Cour de Paris, Lebon p. 491, AJDA 1998, p. 363) et seule la rédaction des textes telles que publiée à l'édition papier du Journal officiel des lois et décrets fait foi (décret du 5 novembre 1870). Par ailleurs, si faciliter l'accessibilité du Journal officiel implique sa mise en ligne, la lisibilité physique implique sa publication papier systématique au profit par exemple des bibliothèques et des mairies où les Français ne disposant pas d'internet, ou encore réfractaires à internet, pourront librement le consulter. D'autant plus que l'informatique est régulièrement sujette à des « bugs » ou à des « virus » ou encore à des « cyber-attaques » qui pourraient, soit momentanément soit définitivement, empêcher les Français d'accéder librement aux textes de loi. Or non seulement les principes d'intelligibilité, de clarté et d'accessibilité font partie du principe de sécurité juridique et de confiance légitime, mais encore, au-delà, ils constituent des éléments du principe de « sûreté » qui à ce titre a son fondement dans l'article 2 de la déclaration de 1789. De plus, non seulement l'article 19 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, toujours en vigueur, énonce que « les lois civiles seront revues et réformées par les législateurs, et il sera fait un code général des lois simples, claires, et appropriées à la Constitution », mais encore, plusieurs décisions tant du Conseil constitutionnel que de la Cour européenne des Droits de l'Homme imposent l'intelligibilité, l'accessibilité, la clarté, la cohérence, la précision et l'absence d'ambiguïté des textes de droit par la publication régulière du Journal officiel papier. Ainsi, la Cour européenne des Droits de l'Homme, qui a fait du principe de « prééminence du droit » l'un des fondements premiers des sociétés démocratiques, exige cette libre accessibilité à la loi (CEDH, 26 avril 1979, Sunday Times c/ Royaume-Uni, Série A, n° 217, paragraphe 49) en précisant qu'elle doit être entendue dans son acception « matérielle » et non « formelle » (CEDH, 18 juin 1971, De Wilde, Ooms et Versyp, Série A, n° 12, p. 45, paragraphe 93). Il lui demande donc si le Gouvernement entend prendre des dispositions pour maintenir quoi qu'il arrive une publication papier du Journal officiel de la République Française.

Réponse publiée le 4 août 2015

La modernisation du Journal officiel par l'arrêt de sa version imprimée répond à la fois au besoin d'adaptation du Journal officiel à ses nouveaux usages et à la nécessité de simplifier l'accès aux informations qu'il contient. En effet, l'usage du papier s'est amoindri au fil de l'accroissement de la consultation du Journal officiel électronique et de sa version sur Légifrance si bien que le Journal officiel papier ne compte aujourd'hui plus que 1788 abonnés en 2015. Par ailleurs, le décret du 5 novembre 1870 relatif à la promulgation des lois et décrets a été abrogé par l'ordonnance n° 2004-164 du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs. A l'heure actuelle, trois textes régissent le dispositif de publication du journal officiel. L'ordonnance précitée prévoit que les lois, règlements, et certains actes administratifs ne rentreront en vigueur qu'après publication par voie papier et par voie numérique. Le décret n° 2004-459 du 28 mai 2004 fixe la liste des actes individuels ne devant pas faire l'objet d'une publication sous forme électronique. Le décret n° 2004-617 du 29 juin 2004 fixe la liste des actes dont la seule publication électronique suffit à leur conférer une valeur juridique. Ainsi, la plupart des éléments du Journal officiel sont déjà disponibles dans leur version électronique authentifiée dans des conditions de fiabilité, de sécurité et d'accessibilité parfaitement satisfaisantes depuis plus de dix ans. Il a par ailleurs été reconnu que l'efficacité de cette version électronique authentifiée du Journal officiel a rendu obsolète l'obligation à charge des chefs-lieux de canton de conserver les versions imprimées du Journal officiel (loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures. 2009-AN Question n° 46426). Il s'agit ainsi de regrouper l'ensemble des informations publiées dans un seul et même support afin d'en simplifier l'accès gratuit pour le public. Ces informations seront mises à disposition directement à partir du site legifrance. gouv. fr et seront accessibles aussi bien chez les particuliers que dans les bibliothèques ou les maisons de service public. Le projet de dématérialisation totale du Journal officiel s'inscrit également dans la lignée de ce qui est pratiqué par nos voisins européens. On peut au surplus citer l'exemple de l'Union européenne dont le Journal officiel est publié en version électronique faisant foi et qui permet de respecter les principes de clarté, d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi à l'ère du XXIème siècle.

Données clés

Auteur : M. Franck Marlin

Type de question : Question écrite

Rubrique : État

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Dates :
Question publiée le 7 avril 2015
Réponse publiée le 4 août 2015

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