musées
Question de :
Mme Isabelle Attard
Calvados (5e circonscription) - Écologiste
Mme Isabelle Attard interroge Mme la ministre de la culture et de la communication sur la restitution à la Chine d'œuvres d'art appartenant aux collections du musée Guimet. Mme la députée a appris qu'en 2015 le service des musées de France a fait signer à MM. François Pinault et Christian Deydier une convention permettant d'annuler rétroactivement des dons de plusieurs dizaines d'objets chinois antiques en or au musée Guimet en 1999 et 2000. Cette procédure aurait permis de contourner le code général de la propriété des personnes publiques, qui impose le déclassement et la désaffectation d'un bien public avant tout retrait des collections publiques. Mme la députée souhaite savoir si une telle convention a bien été signée. Si c'est bien le cas, elle souhaite savoir comment une telle convention peut être compatible avec la loi, qui stipule que les donations sont irrévocables et que les biens offerts ne peuvent être déclassés à moins d'un vote du Parlement. Enfin, elle souhaite savoir si les donations originelles de 1999 et 2000 ont donné lieu à des avantages fiscaux aux donateurs. Si oui, elle souhaite connaître les conséquences fiscales entraînées par l'annulation rétroactive des dons.
Réponse publiée le 11 août 2015
En 1999 et 2000, Messieurs Deydier et Pinault ont effectué, en faveur des collections nationales affectées au musée national des arts asiatiques Guimet, des dons manuels de respectivement 28 et 4 plaques en or chinoises. Ces dons de pièces issues d'un ensemble publié et présenté au public à plusieurs reprises depuis le début des années 1990 n'ont pas bénéficié des dispositions fiscales prévues par le code général des impôts et le code du patrimoine. En 2010, la République populaire de Chine a porté à la connaissance de la France des éléments d'information qui n'étaient pas connus au moment de l'acquisition et qui donnaient à penser que les plaques pouvaient être issues du pillage d'un site archéologique. En 2014, un groupe d'experts franco-chinois a été mis en place pour rassembler toute la documentation disponible et faire mener des analyses scientifiques. Son rapport a conclu que, si les faits ne pouvaient être connus au début des années 2000 et que l'acquisition avait donc été faite de bonne foi, un faisceau d'indices concordants amenait désormais à considérer que la demande de restitution formulée par la Chine était fondée. La partie française a estimé qu'elle était liée par la convention Unesco de 1970 portant sur le trafic illicite des biens culturels dont la ratification est survenue en 1997, soit antérieurement à l'acquisition des plaques. Par conséquent, les oeuvres ont immédiatement été retirées des galeries du musée Guimet. Toutefois, la restitution à la Chine nécessitait une sortie préalable du domaine public. Ainsi que le précise la Commission scientifique nationale des collections dans son récent rapport au Parlement, cette instance ne peut se prononcer sur un déclassement qu'en vertu d'une perte d'intérêt public du bien considéré, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. De plus, la commission n'est pas compétente pour les biens entrés dans les collections publiques par don ou legs. En l'état actuel du droit, le code du patrimoine ne prévoit pas de procédure formalisée de sortie du domaine public pour ces derniers, quand bien même ces acquisitions seraient en contradiction avec d'autres législations ou conventions (sur les spoliations, sur le trafic illicite, sur la bioéthique, etc.). Cependant, dans l'affaire en question, l'État et les donateurs ont fait le constat que la condition essentielle et déterminante de la libéralité, à savoir l'intégration, en vue de leur monstration, des biens donnés dans les collections publiques nationales du musée Guimet ne pourrait plus jamais être exécutée. Aussi, ils se sont rapprochés pour convenir à l'amiable d'une révocation de la libéralité pour inexécution des conditions du don manuel. Aussi bien la doctrine que la jurisprudence approuvent en effet la résolution amiable des donations. Cette révocation a eu pour effet d'annuler l'acte d'acquisition. Redevenu propriétaire de ses plaques, chacun des donateurs a alors pu en faire don à la République populaire de Chine. Cette solution juridique, qui répond à un cas très particulier, suppose donc l'accord exprès de toutes les parties et n'est pas susceptible, notamment par son caractère tout à fait exceptionnel, de remettre en cause la protection des dons et legs, à laquelle le ministère de la culture et de la communication est très attaché.
Auteur : Mme Isabelle Attard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Patrimoine culturel
Ministère interrogé : Culture et communication
Ministère répondant : Culture et communication
Dates :
Question publiée le 16 juin 2015
Réponse publiée le 11 août 2015