Question de : M. Patrice Carvalho
Oise (6e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Patrice Carvalho attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la multiplication des procédures engagées par les CPAM à l'encontre des médecins traitants accusés de délivrer un trop grand nombre d'arrêts de maladie ouvrant droits aux indemnités journalières. La loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014, prolongeant la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 et le décret n° 2011-557 du 19 mai 2011, a renforcé l'arsenal juridique permettant d'engager des poursuites. L'expérience montre que ces dernières sont entreprises sans le discernement nécessaire et avec l'obsession de diminuer les dépenses de santé sans considération des besoins des patients. Le député a recueilli le témoignage de nombreux médecins concernés dans sa circonscription. Le dernier exemple en date concerne un praticien généraliste, à qui il est reproché d'avoir prescrit « 1,81 journées d'arrêts de travail par consultation entre le 15 septembre 2014 et le 15 janvier 2015, alors que la moyenne régionale est de 0,82 ». Derrière la froideur de ces ratios alignés figurent des patients, dont le minimum serait de considérer la nature des pathologies, qui les ont conduits à consulter, et des thérapies dont ils ont besoin. En l'occurrence, il n'est tenu aucun compte d'éléments essentiels : la période considérée correspond annuellement à un accroissement des consultations ; le médecin incriminé exerce dans un cabinet partagé avec un associé, qui est, lui-même, actuellement en soins. En conséquence, l'unique praticien exerçant reçoit la clientèle de son confrère. Le nombre de ses patients s'est donc accru. Parmi ces derniers, certains sont atteints de pathologies lourdes nécessitant des arrêts de travail. Sur la ville concernée (Thourotte), il n'y a plus que 3 généralistes contre 9 auparavant. Les hôpitaux du secteur ne délivrent pas d'arrêts de travail et renvoient, à cette fin, les patients vers les médecins de ville. Autant d'éléments essentiels et spécifiques, qui ne sont nullement pris en compte avant l'engagement par la CPAM de la procédure prévue à l'article L. 162-15 du code de la sécurité sociale dite de mise sous accord préalable des prescriptions d'arrêts de travail ou de mise sous objectif, ce qui correspond à une mise sous tutelle des médecins traitants. Il est temps d'en finir avec cette vision exclusivement comptable des politiques de santé pour en revenir à des considérations plus humaines et plus conformes aux principes sur lesquels s'est fondé notre système solidaire de protection sociale. Le député souhaite savoir quelles mesures Mme la ministre compte prendre pour aller enfin dans ce sens.

Réponse publiée le 2 février 2016

La procédure de mise sous accord préalable créée par la loi no 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'Assurance maladie et codifiée à l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale, permet au directeur d'un organisme local d'assurance maladie, lorsqu'il constate des volumes de prescriptions médicales significativement supérieurs à la moyenne régionale ou départementale pour une activité comparable, de soumettre les prescriptions en cause à l'accord préalable du service du contrôle médical. Elle vise également à faire respecter le cadre dans lequel cette activité s'exerce compte-tenu des limites imposées pour la nécessaire maîtrise des dépenses de santé et par les règles déontologiques de la profession. Ainsi, l'article L. 162-2-1 du code de la sécurité sociale impose aux médecins de respecter un principe d'économie dans leurs prescriptions. Lorsqu'elles examinent le volume de prescriptions effectuées par un professionnel de santé, les caisses d'assurance maladie accordent une attention particulière aux spécificités de sa patientèle et de son activité par rapport à celle de ses confrères. Le dispositif prévu à l'article L. 162-1-15 du CSS permet aux organismes d'assurance maladie de repérer les praticiens ayant des pratiques de prescriptions plus élevées que celles de leurs confrères. Pour mettre en place ce repérage, la caisse doit déterminer le champ des praticiens ayant une activité comparable, ainsi que le précise la loi. Or, les caisses disposent des moyens de comparer les pratiques des médecins, notamment au regard des données moyennes régionales ou départementales. De plus, les méthodes de ciblage ne reposent pas uniquement sur des données statistiques, mais intègrent également les données sur les pathologies. En effet, lorsque l'activité de prescription d'arrêts de travail apparaît anormalement élevée au regard de la pratique constatée chez les professionnels de santé appartenant à la même profession, des contrôles systématiques de ces prescriptions sont mis en œuvre. Le service du contrôle médical est compétent pour contrôler des données relatives à la santé des assurés. Les praticiens conseils de ce service sont habilités à accéder aux dossiers médicaux des patients, notamment à leurs pathologies. En effet, l'article R. 315-1-1 du code de la sécurité sociale précise que : « (…) dans le respect de la déontologie médicale, il [le service du contrôle médical] peut consulter les dossiers médicaux des patients ayant fait l'objet de soins dispensés par le professionnel au cours de la période couverte par l'analyse. Il peut en tant que de besoin, entendre et examiner les patients… ». La procédure de mise sous accord préalable respecte le principe du contradictoire, puisque le médecin mis en cause peut présenter ses observations au directeur avant que celui-ci ne décide de saisir la commission, et il est également auditionné par la commission qui est composée à parité de représentants des médecins. Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 permet à un directeur de caisse d'appliquer un dispositif alternatif à la mise sous accord préalable plus souple en fixant un objectif de réduction de prescriptions dans un délai déterminé. Le médecin concerné est libre d'accepter ou de refuser cette alternative. L'efficacité de ce dispositif a été constatée, puisqu'il a conduit à une baisse immédiate des prescriptions à réception de la lettre de la caisse d'assurance maladie et une absence de report sur l'activité des autres médecins. Il a été observé que la baisse de prescription de la part des médecins ciblés se poursuit, à l'issue de la période de mise sous objectif ou sous accord préalable. Enfin, pour accompagner les professionnels de santé dans leur prescription des indemnités journalières, la Haute Autorité de Santé a publié des recommandations. Elle a notamment créé des référentiels de durée en matière d'arrêts de travail qui s'inscrivent donc dans la démarche de réduction des arrêts de travail anormalement longs, tout en étant indicatifs et adaptables en fonction de la situation de chaque patient.

Données clés

Auteur : M. Patrice Carvalho

Type de question : Question écrite

Rubrique : Assurance maladie maternité : généralités

Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Dates :
Question publiée le 7 juillet 2015
Réponse publiée le 2 février 2016

partager