terrorisme
Question de :
M. Éric Ciotti
Alpes-Maritimes (1re circonscription) - Les Républicains
M. Éric Ciotti attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la proposition du rapport de la commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes visant à prévenir la diffusion de la radicalisation grâce à une gestion adaptée de la détention, en prévoyant : - d'isoler individuellement les détenus radicalisés recruteurs, en ouvrant une réflexion sur un régime d'isolement adapté ; - de créer des quartiers dédiés pour les autres détenus radicalisés, à l'exception des plus vulnérables ; - de mettre en œuvre une prise en charge différenciée des détenus radicalisés selon leur profil, incluant une prise en charge psychologique adaptée des personnes de retour d'une zone de djihad ainsi que des programmes associant les différents partenaires intervenant en milieu pénitentiaire. Il lui demande son avis sur cette proposition.
Réponse publiée le 5 janvier 2016
La lutte contre la radicalisation à dimension religieuse dans les établissements pénitentiaires demeure une priorité du Gouvernement. La garde des Sceaux a engagé, très rapidement après son arrivée, des actions importantes pour lutter contre la radicalisation en prison. Concernant la question de l’isolement individuel des détenus radicalisés : Si l’isolement des personnes détenues radicalisées présentant des risques pour la sécurité des établissements, est pertinent dans certains cas, il ne peut être une réponse univoque à la lutte contre les phénomènes de radicalisation en prison. En effet, ce régime exceptionnel de détention ne peut trouver à s’appliquer que pour des profils dont le comportement violent ou particulièrement prosélyte excluent d’autres options. Concernant la création de « unités » dédiées : Il n’est pas envisagé de créer un nouveau régime de détention spécifique. C’est la raison pour laquelle le terme d’ « unité » a été préféré à celui de « quartier », de manière à éviter toute confusion avec un régime de détention se rapprochant de celui de l’isolement. La mise en œuvre de telles unités répond à la nécessité de proposer une prise en charge adaptée des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation, tout en garantissant le respect de l’ensemble de leurs droits au sens de l’article 22 de la loi pénitentiaire (maintien des liens familiaux, accès aux activités de travail, de formation et socioculturelles, etc.). À ce titre, il importe de rappeler les dispositions de l’article 717-1 du code de procédure pénale qui imposent une individualisation du régime de détention. L’affectation d’une personne détenue en unité dédiée sera décidée suite à une évaluation pluridisciplinaire d’une radicalisation, ou d’une entrée en radicalisation, sur la base notamment de la grille de détection en cours d’actualisation et d’entretiens conduits par une équipe pluridisciplinaire. Si le critère de la qualification pénale est un élément important, le cadre législatif et réglementaire permet dès aujourd’hui d’envisager une affectation en unité dédiée sur la base d’autres éléments. En effet, le chef d’établissement dispose du pouvoir d’affecter les personnes détenues dans les cellules qu’il désigne (article R. 57-6-24 du Code de procédure pénale). L’expérimentation conduite à la maison d’arrêt de Fresnes, les marges de progression identifiées notamment par l’inspection des services pénitentiaires ainsi qu’une recherche-action en cours vont permettre de préciser les modalités d’utilisation de ces unités. L’objectif de ces unités dédiées ne consiste pas simplement en un regroupement géographique de personnes détenues signalées, mais une prise en charge effective de ces profils. Deux unités parmi les cinq, dont la création a été annoncée par le Premier ministre, sont consacrées à l’évaluation des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation, et susceptibles d’intégrer, à terme, l’un des programmes de prise en charge mis en œuvre dans l’une des trois autres unités. Les unités dédiées à l’évaluation seront implantées à la maison d’arrêt de Fresnes, qui existe déjà et bénéficie de la proximité du centre national d’évaluation (CNE). La gestion des interdictions de communiquer, nombreuses dans ces dossiers, a conduit à la création d’une seconde unité d’évaluation à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. À la suite de cette évaluation, l’affectation des personnes détenues sera décidée en fonction de leur profil et de leur réceptivité à un programme de prise en charge. À ce stade, au vu de la configuration des unités retenues et en attendant les résultats des recherches-actions, les personnes détenues accessibles à une remise en question pourraient être affectées dans les unités dédiées de la MA d’Osny ou de Fleury-Mérogis sur la base du volontariat, pour y suivre un programme de prise en charge de plusieurs semaines. L’objectif est que l’affectation dans ces unités dédiées soit nécessairement temporaire et poursuive un but d’évaluation dans un premier temps, et de prise en charge dans un second. S’agissant des personnes plus opposantes à toute prise en charge, une réflexion est engagée sur leur affectation au centre pénitentiaire (CP) d’Annœullin. En effet, cet établissement dispose d’une structure autonome sécurisée qui permet d’éviter que les plus opposants ne tentent de radicaliser d’autres personnes. Pour ces détenus, si une prise en charge est possible, elle ne pourra être que très individualisée et progressive. La gestion des personnes les plus dangereuses, pour lesquelles tout regroupement présenterait des risques pour la sécurité publique, continuera d’obéir aux principes de dispersion et d’isolement. Concernant une prise en charge différenciée des personnes radicalisées : Suite à un appel d’offres diffusé en 2014, une première recherche action menée par l’Association française des victimes de terrorisme (AFVT) et le Dialogue citoyens est en cours sur les maisons d’arrêt d’Osny et de Fleury-Mérogis. Les premiers programmes de prise en charge de personnes détenues radicalisées ont respectivement débuté les 18 et 27 mai. Ces programmes, qui concernent une douzaine de personnes détenues dans chacun des établissements, se déroulent lors de séances collectives autour de grands thèmes (laïcité, vivre ensemble, etc.) et d’entretiens individuels sur une durée de 7 semaines. Deux nouveaux programmes ont débuté en septembre. A l’issue de cette première recherche-action, fin décembre, l’AfVT transmettra au personnel pénitentiaire une méthodologie de prise en charge applicable à l’ensemble des établissements pénitentiaires, et prioritairement à ceux comprenant une unité dédiée, accueillant des personnes détenues radicalisées. Parallèlement, grâce aux budgets alloués au plan de lutte anti terroriste, la direction de l’administration pénitentiaire a lancé deux autres recherches-actions en milieu fermé : - La première d’entre elle porte sur la prise en charge des personnes radicalisées prévenues et condamnée à des peines inférieures ou égales à 2 ans. Elle est essentiellement axée sur la préparation à la sortie et éventuellement le passage de relais avec les structures du milieu ouvert. - La seconde a pour objectif la prise en charge des personnes radicalisées condamnées à une peine supérieure ou égale à 10 ans, détenues en maison centrale ou quartier maison centrale. La prise en charge n’est appliquée que sur un très court temps de leur incarcération. Les conclusions des différentes recherches-actions menées en milieu fermé permettront de déterminer des modalités adaptées de prise en charge des publics affectés en unité dédiée.
Auteur : M. Éric Ciotti
Type de question : Question écrite
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 7 juillet 2015
Réponse publiée le 5 janvier 2016