Question de : M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Lozère (1re circonscription) - Les Républicains

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le rapport d'information sur la lutte contre l'insécurité sur tout le territoire. Il propose de repenser le cadre juridique de l'enquête pénale en privilégiant, pour les procédures les plus simples, l'établissement de procès-verbaux de synthèse et le recours à l'enregistrement sonore des actes effectués en garde à vue ou en audition libre. Il souhaiterait connaître son avis sur le sujet.

Réponse publiée le 14 juin 2016

En l'état du droit et en application de l'article 19 du code de procédure pénale, les officiers de police judiciaire se doivent de dresser un procès-verbal relatant chacun des actes qu'ils sont amenés à effectuer dans le cadre d'une enquête judiciaire. Dans le cadre des travaux de la mission de réflexion sur l'évolution de l'enquête pénale présidée par Monsieur le Procureur général Beaume, la direction générale de la police nationale s'est livrée à une expérimentation de « descripturalisation » totale de la procédure (sous réserve de l'établissement d'une synthèse des auditions et du placement sous scellé de l'enregistrement audiovisuel de l'audition), qui s'est avérée non concluante de son point de vue en termes de gain de temps et de productivité. La simplification du travail des enquêteurs permise par une telle évolution pourrait être contrebalancée par de nouvelles charges pour les parquets, au détriment notamment de leur mission de direction de la police judiciaire, comme pour les magistrats du siège ou les avocats. En effet, la lecture d'un procès-verbal d'audition permet à un magistrat dans un délai très rapide d'appréhender tous les éléments utiles au contrôle qu'il exerce, ou à l'élaboration de sa décision. Ainsi 15 minutes de lecture d'un procès-verbal peuvent permettre de prendre connaissance d'un interrogatoire de 4 heures réalisé lors d'une garde à vue ; à l'inverse, le visionnage d'un fichier vidéo d'une audition de 4 heures nécessite que le magistrat y consacre une telle durée. L'institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) a notamment pu souligner, au cours des travaux de la mission d'audit et de suivi de la réforme de la garde à vue, qu'une telle préconisation de l'enregistrement systématique des auditions accompagné d'un simple procès-verbal de synthèse aurait pour conséquence de priver la justice d'une partie des déclarations pouvant être intéressantes, rappelant par ailleurs qu'une phrase sortie de son contexte était source d'interprétation. A l'audience, on peut légitimement craindre que les compte-rendus synthétiques de ces auditions ne soient contestés et que le visionnage des enregistrements soit sollicité : la multiplication ou la généralisation de telles demandes pourraient ralentir significativement le rythme du procès pénal, et par conséquent réduire les capacités d'audiencement. Des considérations identiques trouvent à s'appliquer au déroulement de l'enquête : l'accès de l'avocat aux auditions de son client par le visionnage préalable des enregistrements audio-visuels occasionnerait des ralentissements considérables dans le cours des investigations. Il convient également de souligner que les procès-verbaux d'audition sont des instruments très utiles au parquet dans le cadre du contrôle de la garde à vue. Tout au long de la mesure, le magistrat peut en effet se faire adresser une copie du procès-verbal en cours de rédaction : une telle transmission lui permet de contrôler effectivement et rapidement le bon déroulement de la mesure, et la pertinence du maintien de cette mesure, en cohérence avec les dispositions issues de la loi du 14 avril 2011. Par conséquent, la disparition des procès-verbaux d'interrogatoires et leur remplacement par des fichiers audio ou vidéo pourraient affaiblir les capacités de contrôle du parquet. En dépit de ces objections, la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice a accepté à la demande de la direction générale de la gendarmerie nationale formulée dans le cadre du groupe de travail justice-intérieur relatif à la simplification de la procédure pénale et à l'allègement des tâches, qui s'est réuni de septembre à novembre 2015, à expérimenter un tel dispositif de la phase de jugement, dans des conditions qui devront être précisément déterminées et qui devront associer, outre le parquet et les services d'enquête, les magistrats de siège, ainsi que les barreaux.

Données clés

Auteur : M. Pierre Morel-A-L'Huissier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité publique

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 7 juillet 2015
Réponse publiée le 14 juin 2016

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