politique de la santé
Publication de la réponse au Journal Officiel du 3 novembre 2015, page 8079
Question de :
M. Joël Giraud
Hautes-Alpes (2e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste
M. Joël Giraud attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur les dérives dans l'évolution de la biologie médicale française, en pleine mutation, notamment en raison de la financiarisation de cette filière. Les biologistes médicaux ont la maîtrise des techniques diagnostiques et la connaissance biologique des maladies, dans tous les domaines, des plus classiques à ceux qui demandent des connaissances de pointe : bactériologie, virologie et hygiène hospitalière, biochimie, biologie de la reproduction, génétique, hématologie, immunologie, parasitologie, mycologie et risques environnementaux, pharmacologie-toxicologie, thérapie cellulaire, thérapie génique. Ils permettent à l'équipe de soins de cibler les traitements pour chaque patient en fonction de son âge, de son sexe, de sa maladie, au stade précis de son évolution. La proximité géographique avec les patients qui prévalait jusque-là, la présence de professionnels hautement compétents, la rapidité dans le rendu des résultats étaient des atouts que la France aurait dû s'attacher à préserver pour l'avenir. Malheureusement, la logique, déjà en place chez nos voisins européens, plus industrielle, avec la progression de « plateaux techniques » moins nombreux, dotés d'automates, privant le patient de tout dialogue et d'un suivi personnalisé et le réduisant à un simple code-barres sur un tube, où les biologistes ne sont considérés que comme de simples prestataires de service, est en train de se mettre en place dans notre pays, sans d'ailleurs que la biologie hospitalière ne soit en mesure de reprendre des parts de marché sur la biologie de ville, malgré ses atouts scientifiques et techniques, compte tenu notamment des difficultés actuelles que traversent les hôpitaux. À l'horizon 2016, 60 % des laboratoires appartiendront à des grands groupes nationaux ou internationaux et les autres représenteront d'importants laboratoires régionaux. Au travers de cette logique, prétendument portée par des exigences de qualité et de normalisation, il s'agit d'une main mise de la finance sur un domaine qui y avait échappé jusqu'à maintenant. Laisser les laboratoires d'analyses à ces grands investisseurs, c'est aussi leur permettre de capter à leur profit une part des ressources provenant de la solidarité collective. Chacun sait que lorsque de grands opérateurs prennent le contrôle de pans entiers d'une activité, l'État devient impuissant à en tempérer les outrances. Sans vision stratégique d'ensemble de la place de la biologie médicale dans le système de soins, le risque est ici de voir les praticiens subir les pressions qui les contraindront à conformer leurs actes aux objectifs de rentabilité, propres à l'univers financier. Ils seront également libres de regrouper tous les laboratoires dans les zones les plus rentables, de choisir leurs marques de réactifs et de matériels sur les seuls critères du profit, et non de l'innovation et de la qualité de service. D'autre part, la question de la sécurité des données personnelles de santé se pose d'une façon urgente aussi, dès lors qu'elles seraient aux mains de groupes ayant aussi des activités d'assurances ou de prêts. Deux conceptions opposées s'affrontent donc et il nous faut déterminer de façon urgente si les services de santé sont considérés comme n'importe quels biens marchands, ou si nous préférons la persistance d'un système dans lequel les professionnels de santé gardent la maîtrise de leur outil de travail, au service des malades. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui faire connaître sa position et les mesures qu'elle compte prendre pour ne pas laisser le secteur de la santé aux plus offrants.
Réponse publiée le 3 novembre 2015
Il est essentiel d'assurer la régulation du mouvement de concentration des laboratoires opéré ces dernières années et de permettre aux biologistes de continuer à maîtriser leur outil de travail, condition indispensable pour une biologie médicale efficiente. C'est pourquoi une des priorités de la loi du 31 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale a été de concilier d'une part le besoin d'investissements lourds en capital en raison du renouvellement constant des technologies et de l'obligation d'accréditation et, d'autre part, la nécessité de lutter contre les situations monopolistiques, notamment au regard des risques qu'elles font peser sur l'organisation de l'offre de soins. C'est la raison pour laquelle le principe de détention majoritaire du capital des sociétés d'exercice libéral (SEL) de biologistes médicaux par des professionnels qui y exercent a été réaffirmé et la transparence sur les conventions extrastatutaires conclues dans le cadre d'une société exploitant un laboratoire de biologie médicale a été institué. En outre, la mise en place de règles prudentielles, renforcées en 2013, visant à permettre aux agences régionales de santé de contrôler de manière accrue les opérations d'acquisition et de fusion de laboratoires, est de nature à répondre à l'objectif poursuivi, à savoir limiter une concentration financière excessive de la biologie médicale qui nuirait à l'indépendance des professionnels et aboutirait à la constitution de monopoles d'activité préjudiciables aux patients. S'agissant de la question de la sécurité des données personnelles notamment dans le cadre des groupes de laboratoires, un laboratoire d'analyse de biologie médicale, y compris lorsqu'il fait partie d'un groupe ou d'un réseau de laboratoires, reste soumis à la réglementation relative à l'hébergement des données de santé à caractère personnel. Ainsi, le code de la santé publique impose-t-il aux personnes physiques ou morales exerçant la profession de biologiste médical le respect de référentiels de sécurité.
Auteur : M. Joël Giraud
Type de question : Question écrite
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 6 octobre 2015
Dates :
Question publiée le 14 juillet 2015
Réponse publiée le 3 novembre 2015