Question de : M. Frédéric Lefebvre
Français établis hors de France (1re circonscription) - Les Républicains

M. Frédéric Lefebvre attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur le rapport d'information de la commission des finances de l'Assemblée nationale sur l'évaluation de l'action de la douane dans la lutte contre les fraudes et trafics. L'arrêt « Nokia Philips » est une décision de la Cour de justice européenne datée du 1er décembre 2011 entrée en application en avril. Cet arrêt précise que des marchandises, en transit dans l'Union ou arrêtées en entrepôt douanier, peuvent être qualifiées de contrefaçons seulement s'il est prouvé qu'elles sont destinées à une mise en vente dans l'Union. Finalement les marchandises qui ne font que transiter par le sol européen échappent au délit et donc, aux saisies douanières. Alors que le commerce de produits de contrefaçon constitue un phénomène qui a connu une explosion au cours des dix dernières années, l'arrêt « Nokia Philips » a eu des conséquences négatives immédiates. La solution retenue par la décision « Nokia Philips » limite les possibilités d'intervention de la douane sur les marchandises suspectées de contrefaçon en transit, exigeant de l'administration des preuves justifiant son action. Par conséquent la rétention par la douane française de produits suspectés de contrefaçon a chuté de 65 % en 2012, par rapport à 2011. Bien que l'évolution des saisies de contrefaçons reste positive, les achats de contrefaçons, eux, ont fortement augmentés, passant de 1 % il y a cinq ans à 20 % aujourd'hui. La France est devenue une plateforme de distribution de contrefaçons au niveau mondial. La mission d'information propose que les douanes disposent de procédures juridiques sûres et d'un accès assez facile pour face à la progression des contrefaçons qui représentent un danger pour la santé et la sécurité des consommateurs. Il lui demande si le Gouvernement entend donner une suite favorable à cette suggestion.

Réponse publiée le 13 octobre 2015

La lutte contre la contrefaçon, au regard de son impact sur la santé et la sécurité du consommateur et sur l'économie, l'innovation et l'emploi constitue une priorité gouvernementale et un axe majeur de l'action de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), aux côtés de la lutte contre le trafic de stupéfiants et la contrebande d'alcool et de tabac. La douane française, par son action opérationnelle, son adaptation réglementaire permanente et son expertise, contribue à faire de la France l'un des pays les plus avancés au monde dans la lutte contre la contrefaçon. Ainsi, d'après l'index 2015 de la chambre de commerce des États-Unis, la France occupe le 2e rang mondial pour la mise en oeuvre de la protection de la propriété intellectuelle. Pour ce faire, les services mettent en oeuvre un dispositif renforcé de contrôle sur l'ensemble du territoire et sur tous les vecteurs, ainsi que des pouvoirs importants leur permettant de s'adapter aux tendances de fraude. En outre, le partenariat établi avec les titulaires de droit est l'un des piliers du dispositif mis en place pour protéger la propriété intellectuelle. La décision Nokia-Philips de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 1er décembre 2011 a limité les pouvoirs des douanes européennes sur les marchandises tierces en transit, transbordement et régimes suspensifs, puisqu'elle interdit aux services douaniers d'effectuer des retenues de marchandises tierces soupçonnées de contrefaçon en transbordement, s'ils ne peuvent prouver que ces marchandises sont finalement destinées au marché européen, ce qui, dans la pratique, est quasiment impossible à démontrer. Cet arrêt a eu un impact significatif et immédiat en matière de lutte contre la contrefaçon puisque, en 2012, les saisies opérées par la douane française ont baissé de 47 % par rapport à 2011. Au plan européen, la baisse des retenues a été de 65 % pour la même période. Cette décision révèle un décalage entre la réalité du trafic de contrefaçons, qui constitue une activité mondialisée et lucrative pour les organisations criminelles et la mise en oeuvre du droit de la propriété intellectuelle. Or, il n'est pas concevable de laisser l'Europe devenir une plate-forme de redistribution de la contrefaçon, permettant aux contrefacteurs d'agir en toute impunité. De plus, ces marchandises peuvent revenir sur le territoire de l'UE via les achats sur internet. La loi du 11 mars 2014 sur la lutte contre la contrefaçon renforce l'arsenal juridique de lutte contre les produits contrefaits, notamment en élargissant les compétences des douanes en matière d'infiltration et « corps d'achat » (acquisition par les douanes d'une certaine quantité de produits soupçonnés de contrefaçon pour s'assurer de la légalité des produits). Des initiatives françaises ont été menées, dès la fin de l'année 2011, par la douane et par les ministres en charge de la propriété intellectuelle et de la lutte contre la contrefaçon afin de pallier les conséquences de cet arrêt. Depuis cet arrêt, la douane française a réorienté son travail de ciblage pour accroître son efficacité. Cette réorientation a produit rapidement ses effets : tombées à 4,6 millions d'articles en 2012, les saisies ont augmenté de 67 % en 2013 atteignant 7,6 millions. Des contrefaçons continuent toutefois à transiter par nos ports et nos aéroports sans pouvoir être interceptées. La douane a multiplié les initiatives pour réviser le droit européen en vue de rétablir les pouvoirs de la douane sur les marchandises en transit ou en transbordement. Dans un premier temps, la révision du règlement européen n° 1383/2003, qui encadre l'action des douanes sur les marchandises soupçonnées de contrefaçon, s'est conclue par l'adoption d'un nouveau règlement (n° 608/2013) mis en oeuvre au niveau de l'UE depuis le 1er janvier 2014, qui préserve les capacités d'action des douanes européennes. En effet, sans permettre la reprise des contrôles en transit, le nouveau règlement douanier laisse la possibilité aux douanes européennes de contrôler en transit transbordement, alors même que certains États membres avaient souhaité cristalliser la jurisprudence Nokia-Philips dans ce règlement. Dans un second temps, il s'est agi de faire évoluer le droit matériel de la propriété intellectuelle de l'UE, en permettant le contrôle effectif des marchandises de contrefaçon en transit. Dans ce cadre, l'action de la France se concentre sur les négociations sur le « paquet marque ». La Commission européenne a présenté le 27 mars 2013, une proposition de révision de la directive n° 2008/95 du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques et une proposition de révision du règlement n° 207/09 du 26 février 2009 sur la marque communautaire. L'article 10.5 de la proposition de directive et l'article 9.5 (identique) du projet de règlement sont les deux articles qui rejoignent la problématique de l'interception des marchandises soupçonnées de contrefaçon en transit. La douane française a soutenu ces deux articles qui, sous certaines conditions, permettent aux services douaniers européens de reprendre les contrôles en transit. En février 2014, le Parlement européen, lors du passage du texte en première lecture, puis le Conseil en juin 2015, ont aussi adopté des dispositions en faveur de la reprise des contrôles en transit/transbordement. Les textes devraient être publiés au dernier trimestre 2015. L'adoption du « paquet marque » finalisera l'ensemble des modifications juridiques et réglementaires mises en oeuvre depuis le 1er janvier 2014 afin de renforcer les possibilités d'intervention des services douaniers. Le règlement douanier européen n° 608/2013 qui s'applique dans tous les Etats membres depuis le 1er janvier 2014 a ainsi rénové la procédure de retenue pour les marchandises interceptées en frontière tierce et rendu obligatoire la procédure de destruction simplifiée. Cette refonte a également élargi le champ d'intervention de la douane à tous les droits de propriété intellectuelle (DPI), harmonisé les pratiques dans l'UE et simplifié les procédures tout en garantissant une meilleure protection des parties prenantes. Le dispositif national a par ailleurs été renforcé par la mise en oeuvre de la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014. Ce dispositif applicable aux marchandises de statut communautaire à la circulation/détention comporte un volet judiciaire prévoyant notamment l'augmentation des dédommagements civils accordés aux victimes afin de dissuader les contrefacteurs. Le chapitre V, consacré au renforcement de l'action de la douane prévoit diverses mesures visant, notamment, à étendre les procédures et les pouvoirs de contrôle à l'ensemble des DPI et des situations douanières : - le régime de prohibition d'importation, d'exportation et de transbordement est étendu à tous les DPI ; - les procédures nationales de retenue douanière sont alignées sur les procédures européennes définies par le règlement n° 608/2013. De plus, la mise en retenue des marchandises de statut UE sera désormais possible en matière de brevets, d'obtentions végétales, d'indications géographiques et de topographie de semi-conducteurs (cartes à puce) ; - les mesures de lutte contre la fraude sont renforcées : infiltration et « coups d'achat » sont étendus à tous les DPI et la transmission, a posteriori, par les opérateurs de fret express de données permettant d'établir une cartographie des flux est organisée afin d'améliorer l'analyse de risque et le ciblage de contrôles. Dans le cadre de la révision de la directive sur les marques, les autorités françaises sont vigilantes afin que ce texte autorise l'intervention des douanes sur les marchandises en transit sur le territoire de l'UE.

Données clés

Auteur : M. Frédéric Lefebvre

Type de question : Question écrite

Rubrique : Union européenne

Ministère interrogé : Économie, industrie et numérique

Ministère répondant : Commerce extérieur, tourisme et Français de l'étranger

Dates :
Question publiée le 14 juillet 2015
Réponse publiée le 13 octobre 2015

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