Question de : M. Jean-Claude Buisine
Somme (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Jean-Claude Buisine attire l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur les pratiques d'évasion fiscale des sociétés de l'économie dite « du partage ». En effet, ces dernières comme Uber, Airbnb, Ebay, Netflix ou Paypal, suivent la route tracée par les géants du numérique tels que Google, Apple, Facebook et Amazon : celle du contournement fiscal. La plupart d'entre elles ont choisi d'implanter leur siège européen au Luxembourg, paradis fiscal notoire au taux de TVA avantageux : 15 % contre 20 % en France, ou 19 % en Allemagne. Celui d'Airbnb se trouve en Irlande, qui pratique un taux d'impôt sur les sociétés (IS) de 12,5 % contre 33 % en France. L'entreprise de commerce en ligne vente-privee.com, créée au début des années 2000, a enregistré 1,6 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2013. Elle a ouvert deux filiales au Luxembourg en 2011, pour piloter le « développement à l'international, c'est-à-dire l'achat de parts dans d'autres entreprises ». Il est cependant impossible de connaître le nombre et le nom de ces filiales. Avec ces taux réduits, une entreprise comme Ebay a pu économiser 555 millions de dollars d'impôts en 2014. Ainsi, refuser de payer correctement leurs impôts dans les pays où ces groupes réalisent de larges profits serait irraisonnable. Se penchant sur la question de la fraude à la TVA, qui se développe au rythme de l'e-commerce, le 17 septembre 2015, la commission des finances du Sénat a adopté le rapport « Le e-commerce : propositions pour une TVA payée à la source » du groupe de travail sur le recouvrement de l'impôt à l'heure du numérique. Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître son avis sur les propositions contenues dans le rapport du Sénat.

Réponse publiée le 8 mars 2016

Dans un rapport rendu public le 17 septembre 2015, la commission des finances du Sénat a fait part de ses constats concernant la TVA associée aux activités de e-commerce et a avancé des propositions afin de lutter contre la fraude fiscale liée à ce type de commerce. À titre principal, le rapport propose de prélever la TVA au moment du paiement via un mécanisme de paiement scindé dès lors que la transaction porte sur la vente d'un bien ou d'un service à un particulier par internet. Un système d'information serait mis en place, « le Central », qui permettrait aux banques de savoir quand effectuer le prélèvement et à quelle hauteur. Le prélèvement serait effectué par défaut sauf si le vendeur n'est pas assujetti à la TVA ou que la transaction n'est pas imposable. Cette proposition s'apparente à un prélèvement à la source de la TVA et représente donc un bouleversement important du mode de liquidation de la TVA. Outre les difficultés liées au signalement au « Central » du non assujettissement de certaines transactions, les modifications induites par la mise en place de prélèvement à la source nécessiteraient d'amender plusieurs dispositions de la directive no 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, et ne peut donc s'inscrire que dans la perspective de négociations européennes. De plus, la question du statut et des missions du « Central » nécessiteraient des expertises approfondies sur les coûts en matière d'investissement, de fonctionnement et de normalisation pour les établissements financiers, sur le traitement automatisé des données personnelles qui devra être mis en place, et sur l'exercice du droit de communication. Le rapport préconise également d'étendre le principe de destination et le système du mini-guichet, applicable depuis le 1er janvier 2015 aux services fournis par voie électronique, aux ventes à distance de biens matériels dont le régime actuel repose sur un seuil (dès lors que le vendeur dépasse 100 000 € de chiffre d'affaires annuel, les livraisons sont taxées dans le pays de destination). Les rapporteurs suggèrent dans un premier temps d'abaisser ce seuil de 100 000 € à 35 000 €. Cette mesure, adoptée en loi de finances pour 2016, permettra d'aligner le seuil français sur le seuil applicable dans la plupart des autres pays de l'Union, et de réduire les distorsions de concurrence. La proposition d'étendre, dans un second temps, le principe de destination et le système de mini-guichet aux ventes à distance de biens matériels, correspond à la stratégie de la Commission européenne qui a annoncé parmi ses priorités l'extension du système électronique du mini-guichet aux ventes en ligne de biens matériels réalisées dans l'Union européenne et en provenance de pays tiers. Ce système du mini-guichet permet aux entreprises de s'immatriculer à la TVA dans un seul État membre de l'Union Européenne, même s'ils ont plusieurs clients, et d'acquitter la TVA en une seule fois. Le Gouvernement souscrit à cette démarche d'extension du mini-guichet. Le groupe de travail recommande aussi de supprimer les franchises de 22 € pour la TVA et de 150 € pour les droits de douane applicables aux « envois à valeur négligeable ». Le seuil de 22 €en matière de TVA n'est pas applicable en France aux ventes réalisées par correspondance, et donc sur internet. Le Gouvernement est favorable à la suppression de ces deux seuils dans l'Union européenne ; cette mesure relève également du droit européen et ne pourra intervenir que dans le cadre de négociations européennes. Enfin, le rapport propose d'instituer une cellule permanente de veille et de prospective chargée de réfléchir aux évolutions futures de la fiscalité du numérique. A cet égard, il convient de rappeler qu'au sein du ministère des finances, la task force TVA effectue déjà un travail de veille afin d'alimenter la réflexion et de proposer des solutions opérationnelles permettant de mettre en place des schémas de collecte de la TVA mieux adaptés aux enjeux de l'économie numérique et qui limitent les pratiques frauduleuses.

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Buisine

Type de question : Question écrite

Rubrique : Tva

Ministère interrogé : Finances et comptes publics

Ministère répondant : Finances et comptes publics

Dates :
Question publiée le 17 novembre 2015
Réponse publiée le 8 mars 2016

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