Question de : M. Claude Sturni
Bas-Rhin (9e circonscription) - Les Républicains

M. Claude Sturni attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur le développement des techniques permettant de modifier le génome humain. Les progrès rapides de la génétique ouvrent la voie à la création de « bébés sur mesure ». Grâce à une nouvelle technique d'ingénierie du génome, appelée « CRISPR/Cas9 », il est aujourd'hui possible d'insérer, retirer, corriger l'ADN d'une cellule. Il s'agit d'une manipulation génétique simple et peu coûteuse, réalisable sur tous types de cellules. En mars 2015, des scientifiques américains avaient appelé à un moratoire international, rejoint en cela le 5 octobre 2015 par le Comité international de bioéthique (CIB) de l'UNESCO qui avait été alerté par le risque de mettre en péril la dignité inhérente et donc égale de tous les êtres humains. Le rapport du CIB met certes en avant que cette technique offre la perspective de traiter ou même de guérir certaines maladies, telles que la drépanocytose, la mucoviscidose et certains cancers. Mais l'ingénierie de la lignée germinale peut également apporter des modifications à l'ADN, telles que la détermination de la couleur des yeux ou de la peau d'un bébé. Un tel procédé risquerait selon lui de faire renaître l'eugénisme. Le CIB a donc appelé à une interdiction temporaire de « l'ingénierie » génétique de la lignée germinale humaine, appelant à un débat public plus large sur les modifications génétiques de l'ADN humain. Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser l'état d'avancement de ces techniques en France et les dispositions qu'elle entend prendre pour répondre à ces enjeux éthiques.

Réponse publiée le 14 juin 2016

Ces dernières années, la recherche en génétique a accompli des progrès considérables, qui ont ouvert de nouvelles opportunités mais également donné naissance à de nouveaux questionnements éthiques. Une nouvelle technique d'ingénierie du génome appelée « CRISPR-Cas9 » offre la possibilité d'insérer, de retirer et corriger l'ADN avec une relative simplicité, une efficacité jusqu'ici sans égal et un coût moindre. Cet outil, encore expérimental, devrait permettre d'améliorer les connaissances en génétique de façon remarquable. Si les procédures s'améliorent et que leur innocuité pour les patients est démontrée, la thérapie génique somatique (qui concerne les cellules somatiques, c'est-à-dire toutes les cellules à l'exception des cellules germinales) pourrait prendre son essor avec, à la clef, l'espoir légitime de traiter certaines maladies monogéniques ainsi que certaines formes de cancer. Cependant, la possible application de ces nouvelles technologies à la modification de la lignée germinale, à des fins thérapeutiques ou à des fins d'amélioration des particularités d'un individu, soulève de sérieuses questions éthiques. En effet, modifier le génome d'embryons humains, c'est aussi modifier celui de ses futurs gamètes et donc de toute sa descendance potentielle à la différence des thérapies géniques classiques qui ne concernent qu'une partie seulement des cellules défaillantes d'un individu. Le Gouvernement est particulièrement attentif à ces risques. Le comité international de bioéthique, rattaché à l'UNESCO, a appelé à un moratoire sur cette technologie appliquée aux cellules germinales et à un débat public plus large sur les modifications génétiques de l'ADN humain. En effet, certains pays n'imposent pas d'interdictions légales à de telles expériences sur la lignée germinale. Tel n'est pas le cas de la France. La France, par les lois de bioéthique successives dont elle s'est dotée et la ratification de la convention d'Oviedo en 2011, a interdit toute modification du patrimoine héréditaire de l'espèce humaine (Articles 16-4 du code civil, L. 2151-2 du code de la santé publique et 13 de la convention d'Oviedo). En particulier, l'article 13 de la convention d'Oviedo dispose que : « Une intervention ayant pour objet de modifier le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques et seulement si elle n'a pas pour but d'introduire une modification dans le génome de la descendance. ». Enfin, indépendamment du corpus juridique bioéthique en vigueur en France qui interdit ces pratiques, le Président du comité consultatif national d'éthique (CCNE) va être saisi pour qu'une réflexion éthique en contexte français soit formalisée sur cette question, sans préjudice de la réflexion en cours dans certaines instances européennes voire internationales.

Données clés

Auteur : M. Claude Sturni

Type de question : Question écrite

Rubrique : Bioéthique

Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Ministère répondant : Affaires sociales et santé

Dates :
Question publiée le 1er décembre 2015
Réponse publiée le 14 juin 2016

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