Question de : M. Patrice Carvalho
Oise (6e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Patrice Carvalho attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la grave crise agricole que traverse la France. La détresse de nombreux éleveurs de la filière porcine, bovine et laitière est profonde. La situation des exploitations agricoles est très préoccupante. Ils produisent à perte, les prix payés aux producteurs étant souvent inférieurs aux prix de revient malgré les gains de productivité constants réalisés par les agriculteurs. Le Gouvernement met en place un énième plan de soutien à l'élevage français détaillé récemment par le Premier ministre à l'Assemblée nationale. Il tend à soulager les trésoreries des exploitations mais les effets seront de courte durée et ne résoudront pas le problème de fond, à savoir la fixation des prix et la juste rémunération du travail paysan. Deux obstacles majeurs sont à affronter : l'Europe, dont la mission initiale était de permettre aux agriculteurs de vendre leurs produits en priorité dans l'espace communautaire sur la base de la coopération, est aujourd'hui un marché ultra-concurrentiel fondé sur le moins-disant social et les prix bas, ayant fait fi de la préférence communautaire ; la grande distribution et l'industrie agro-alimentaire, qui fixent leurs prix d'achat aux producteurs pour accroître sans cesse davantage leurs marges. Il ne sera possible de sortir de cette logique dévastatrice que par le rétablissement de garantie des prix et d'encadrement des marges, ce que permettait, jusqu'en 1986, le coefficient multiplicateur. Un tel dispositif conduit à fixer des prix plancher et à maîtriser les marges dans chaque filière. Il convient, en second lieu, de soutenir le principe de l'étiquetage obligatoire du pays d'origine de la viande utilisée dans les produits transformés, afin de renforcer la traçabilité et de valoriser les viandes nées, élevées, abattues et transformées dans chaque pays de l'UE. C'est une attente des éleveurs et des consommateurs, le moyen de mettre un terme aux scandales alimentaires qui se sont accumulés. Or, en dépit d'une résolution adoptée par le Parlement européen en février 2015, la Commission européenne n'a toujours pas prix d'initiative législative à ce sujet. Enfin, il est nécessaire de mettre un terme à l'embargo russe. En effet, l'importation de porc européen est interdite par la Russie depuis février 2014. Toute la filière s'en trouve fragilisée avec des pertes de près de 45 millions euros. Le député souhaite savoir ce que compte entreprendre M. le ministre sur ces différents points.

Réponse publiée le 23 août 2016

Au-delà des aides d'urgence décidées par le Gouvernement, la première question posée dans le cadre de la crise que traversent actuellement les filières d'élevage est celle des prix, qui ont atteint des niveaux ne permettant, pas toujours, une rémunération décente des producteurs. Le Gouvernement, lors des négociations commerciales pour 2016, a solennellement appelé les entreprises de transformation et de la grande distribution à davantage de responsabilité et à un esprit de solidarité au regard de la situation des éleveurs. Le Gouvernement a par ailleurs décidé d'accentuer la pression de contrôles pour cette campagne de négociations commerciales. Au-delà des négociations commerciales de cette année, tous les acteurs des filières doivent aussi prendre leur part de responsabilité et le Gouvernement sera toujours là pour les y aider. En effet, l'un des grands enjeux auxquels doivent faire face les filières d'élevage est celui d'une meilleure capacité d'organisation, notamment par le renforcement des organisations de producteurs, le développement de systèmes de contractualisation améliorés, une protection accrue face à la volatilité des marchés et une meilleure organisation collective face à la concurrence mondiale. Le Gouvernement a renforcé les organisations de producteurs dans la loi d'avenir pour l'agriculture, a permis de mieux prendre en compte les coûts des matières premières dans les contrats dans la loi relative à la consommation, a renforcé les sanctions pour pratiques commerciales illégales dans la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques et a mis en avant, plus récemment, des formes de contractualisation innovantes qui permettent à l'ensemble des acteurs de sécuriser leurs débouchés et approvisionnements, à des prix plus stables qui permettent d'envisager l'avenir de manière plus sereine. Il convient maintenant aux opérateurs économiques de saisir ces opportunités et d'instaurer des relations de confiance pour avancer ensemble dans un environnement très concurrentiel. Pour aboutir à des relations commerciales plus transparentes avec les producteurs, le Gouvernement a formulé des propositions très concrètes dans le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique qui vient d'être voté en première lecture à l'Assemblée nationale. Le texte issu de cette première lecture comporte des dispositions permettant des avancées importantes pour les agriculteurs. Elles visent à assurer une meilleure répartition de la valeur ajoutée au sein de la filière alimentaire grâce à des relations commerciales plus transparentes et à une contractualisation rénovée entre, d'une part, les producteurs agricoles et les entreprises agroalimentaires et, d'autre part, les entreprises agroalimentaires et les distributeurs. Ainsi, pour les filières soumises à contractualisation écrite obligatoire, le texte prévoit la mise en place d'un accord-cadre entre les acheteurs (transformateurs) et les organisations de producteurs (OP) ou associations de producteurs (AOP) afin de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs. Il est également prévu de prendre en compte de manière obligatoire les prix de vente des produits transformés pour la fixation des prix payés aux agriculteurs, afin d'assurer une juste répartition de la valeur. Par ailleurs, l'article 30 du projet de loi porté par le ministre de l'agriculture et qui a été soutenu par les députés interdit la cession à titre onéreux des contrats laitiers entre producteurs, pour une durée de 7 ans, afin de ne pas nuire à la compétitivité de la filière, à l'installation des jeunes agriculteurs et à l'investissement. Dans le même temps, les dispositions adoptées par les députés sur la base des propositions du Gouvernement prévoient de rendre obligatoire l'indication, dans les contrats commerciaux entre industriels et distributeurs, du prix prévisionnel moyen payé au producteur pour les filières soumises à contractualisation obligatoire. Un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale prévoit également la possibilité pour les entreprises agroalimentaires de négocier des contrats pluriannuels pour une période maximale de trois ans, afin de disposer d'une meilleure visibilité sur leurs prix et leurs volumes. Ces contrats intégreront une clause obligatoire de révision des prix qui pourra s'appuyer sur des indices publics de coûts de production. L'amélioration de la situation des producteurs passera également nécessairement par l'amélioration de la qualité des produits et des cahiers des charges de production permettant la signature de contrats générateurs de valeur, autour de la mise en avant de l'origine France. Dans ce cadre, les autorités françaises ont notifié à la Commission européenne le 11 mars 2016 au titre de l'article 45 du règlement no 1169/2011 (INCO) concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires un projet de décret obligeant, à titre expérimental en France, l'étiquetage de l'origine des viandes et du lait utilisés comme ingrédients dans les produits transformés (l'étiquetage pour les viandes fraîches est déjà obligatoire depuis le 1er avril 2015), en réponse à une forte demande des consommateurs. La Commission a déclaré par oral qu'elle était prête sur le principe à permettre d'avancer sur ce sujet. Elle examine actuellement la notification des autorités françaises. Au-delà de ces actions nationales, le Gouvernement mène depuis plusieurs mois, avec le soutien du Président de la République, une véritable bataille au niveau européen pour obtenir de la Commission européenne qu'elle reconnaisse la gravité de la crise qui touche les agriculteurs européens et qu'elle prenne les mesures de régulation des marchés qui s'imposent. Ces négociations ont débouché sur la mobilisation de crédits européens d'urgence à hauteur de 500 millions d'euros, dont 420 millions d'euros répartis entre les États membres. La France était le deuxième pays bénéficiaire de cette enveloppe avec près de 63 millions d'euros. Malgré ces crédits d'urgence et les mesures de stockage privé obtenues, les marchés restent dans une situation de tension, en particulier pour le lait. Le ministre, chargé de l'agriculture, a donc demandé au Commissaire européen à l'agriculture, en lien avec d'autres États membres, d'étudier de nouvelles mesures qui permettent de réguler davantage les marchés et apportent une réponse durable au déséquilibre de l'offre et de la demande, au nom des producteurs français. Ces demandes ont débouché sur les mesures qui ont été décidées lors du conseil des ministres de l'agriculture du 14 mars 2016, permettant notamment aux acteurs de planifier collectivement et de manière temporaire la production de lait par dérogation au droit de la concurrence, mettant en place des mesures complémentaires d'aide au stockage privé des produits laitiers et du porc et doublant les volumes de lait écrémé en poudre et de beurre pouvant être mis à l'intervention publique à prix fixe. La mise en place d'un observatoire européen des marchés des viandes porcine et bovine renforcé a été décidée, à l'instar de l'observatoire du lait. Toutefois, malgré ces mesures, le marché du lait reste profondément déséquilibré. C'est pourquoi le ministre chargé de l'agriculture porte, avec ses collègues allemands et polonais, une position commune pour solliciter la mise en place d'une incitation financière européenne pour encourager la réduction volontaire de la production laitière lors des prochains Conseils des ministres de l'agriculture de l'Union européenne prévus aux mois de juin et juillet. Le Gouvernement est également mobilisé pour une levée de l'embargo russe, frappant notamment la filière porcine. Dans ce contexte difficile, le Gouvernement apporte son appui au développement de la présence de produits français à l'étranger, notamment par la constitution d'une structure commune de conquête pour les exportations : la société par actions simplifiée « viande France export », qui regroupe à ce jour 33 entreprises. Le Gouvernement a également, dans le cadre du plan de soutien de l'élevage, abondé les crédits de promotion pour les professionnels, sur les marchés à l'exportation et nationaux, à hauteur de 10 millions d'euros. Enfin, la mobilisation des services de l'État en France et à l'étranger est totale, aux côtés des professionnels, pour les accompagner dans les pays identifiés comme prioritaires pour lever les barrières à l'exportation chaque fois que cela est possible.

Données clés

Auteur : M. Patrice Carvalho

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Dates :
Question publiée le 1er mars 2016
Réponse publiée le 23 août 2016

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