Question de : Mme Michèle Delaunay
Gironde (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Michèle Delaunay attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur les contournements réguliers, dans l'industrie du cinéma, de la loi Evin (1991) et de la Convention cadre de lutte anti-tabac (CCLAT) ratifiée par la France en 2004. L'article 3511-3 du code de la santé publique est ainsi rédigé : « La propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac, des produits du tabac (...) sont interdites ». De plus, l'article 13 de la Convention cadre de lutte anti-tabac (CCLAT) ratifiée par la France en 2004 est ainsi rédigée « Chaque partie, dans le respect de sa constitution ou de ses principes constitutionnels, instaure une interdiction globale de toute publicité en faveur du tabac et de toute promotion et de tout parrainage du tabac ». Malgré ces interdictions, une scène de tabagisme apparaît dans près de 80 % des films selon une étude de la Ligue contre le cancer et l'Institut IPSOS du 30 mai 2012 (sur un panel de 180 films entre 2005 et 2012), et participe à la normalisation, la banalisation et la promotion de la cigarette dans la société, notamment auprès des jeunes et des femmes, premières cibles des stratégies marketing. Ces situations sont présentes en moyenne 2,4 minutes sur une durée moyenne par film de 99 minutes (soit 2,5 % de la durée totale du film). Or le tabac tue aujourd'hui 73 000 personnes par an (200/jour). Le tabac est à l'origine de 44 000 cancers par an (poumons, trachées et larynx essentiellement). C'est la première cause de décès évitable en France. Par ailleurs, l'Organisation mondiale de la santé (OMS), dans un rapport du mois de février 2016, appelle les gouvernements à appliquer une classification aux films dans lesquels on consomme du tabac. Le but est d'empêcher les enfants et les adolescents de commencer à fumer des cigarettes ou à consommer d'autres formes de tabac. Plusieurs possibilités sont envisageables : l'interdiction de film aux mineurs comme le préconise l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ou la suppression de toute aide publique pour les films qui ne respecteraient pas à la lettre les termes de la loi Évin. En connaissance de l'engagement de la ministre pour l'industrie du cinéma et la qualité de ses productions, elle lui demande quelles sont ses intentions et quelles mesures elle compte prendre.

Réponse publiée le 21 juin 2016

La ministre de la culture et de la communication rappelle qu'une circulaire interprétative du ministre du travail, de l'emploi et de la santé (n° DGS/MC2/2012/136 du 28 mars 2012 relative à la représentation d'œuvres artistiques et culturelles et d'images de fumeurs) est venue nuancer l'applicabilité des mesures relatives à la publicité en faveur du tabac, notamment dans le cadre de la représentation d'œuvres cinématographiques et ce, afin d'assurer un juste équilibre entre, d'une part, les objectifs de santé publique et, d'autre part, le respect de la création artistique. Cette circulaire précise ainsi qu'« il ne ressort ni de l'esprit de la loi dite « Evin » à l'origine de la législation précitée, ni de l'application qui a pu en être faite dans la jurisprudence, ni des engagements internationaux de la France, qu'est interdite la représentation de personnages, historiques ou non, consommant un produit du tabac, surtout quand cela correspond à un trait de sa personnalité, dès lors que le but ou l'effet de cette communication n'est pas de nature publicitaire. La représentation d'éléments liés au tabac, ou de fumeurs, dans des œuvres artistiques et/ou des images historiques ou d'actualité n'est interdite qu'en cas de propagande, parrainage, publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac, c'est-à-dire dans le cadre d'une action utilisant des mots et images en vue de donner une représentation positive du tabac ou une image valorisante du fait de fumer. ». Un récent rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) souhaite l'interdiction de films aux mineurs, ou la suppression de toute aide publique, pour les films qui ne respecteraient pas à la lettre les termes de la loi Evin. La création cinématographique bénéfice de garanties reconnues à ces deux libertés publiques, proclamées par les textes constitutionnels, que sont la liberté d'expression et la liberté de commerce et d'industrie. Relativement à l'interdiction aux mineurs, il revient à la Commission de classification d'émettre un avis sur chacune des œuvres qui lui sont soumises et de proposer au ministre chargé de la culture les interdictions qui, le cas échéant, lui paraissent s'imposer (interdiction aux mineurs de 12 ans, de 16 ans ou de 18 ans, assortie éventuellement d'un classement dans la catégorie des œuvres pornographiques ou d'incitation à la violence). Apprécier une classification est une mission fort délicate puisqu'elle doit concilier le respect de la liberté d'expression avec les restrictions que commande la protection de l'enfance et de l'adolescence. Présidée par un membre du Conseil d'État, elle comprend notamment des représentants des ministères de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et des affaires sociales, des experts (médecins, psychologues, éducateurs, magistrats) et des représentants des associations familiales particulièrement qualifiés dans le domaine de la protection des enfants et des adolescents, et vigilants sur la défense des intérêts du jeune public. Les critères d'interdiction s'attachent aujourd'hui à l'objectif, unique mais essentiel, de la protection de la sensibilité des mineurs, en dehors de toute considération de santé publique. Le récent rapport de l'OMS est justement cité dans celui de Monsieur Jean-François Mary, président de la commission de classification des œuvres cinématographiques, intitulé « La classification des œuvres cinématographiques relative aux mineurs de seize à dix huit ans » visant à proposer une réforme de la réglementation sur les conditions d'interdiction des œuvres de cinéma aux moins de 18 ans, en ces termes : « […] on constate que dans la période actuelle, l'on prête à la fiction cinématographique plus de pouvoir sur les comportements individuels qu'elle n'en a sans doute et l'on entend proscrire dans les films toute incitation des mineurs à la drogue, à l'alcool, au tabac etc. Comme le dit un philosophe contemporain, la censure commence peut-être quand on prête à l'art une tendance à produire un effet autre que celui de l'art. Un récent rapport de l'Organisation Mondiale de la Santé « Smoke Free Movies From Evidence To Action » de janvier 2016 semble être tombé dans ce travers. »

Données clés

Auteur : Mme Michèle Delaunay

Type de question : Question écrite

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Culture et communication

Ministère répondant : Culture et communication

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 31 mai 2016

Dates :
Question publiée le 15 mars 2016
Réponse publiée le 21 juin 2016

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