énergie nucléaire
Question de :
M. Denis Baupin
Paris (10e circonscription) - Écologiste
Question posée en séance, et publiée le 16 octobre 2013
PROLONGATION DE LA DURÉE DE VIE DES CENTRALES NUCLÉAIRES
M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour le groupe écologiste.
M. Denis Baupin. Monsieur le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, le débat sur la transition énergétique fut un grand moment démocratique et nous attendons impatiemment la loi qui traduira ses conclusions.
Mais, chaque jour, la presse bruit de rumeurs court-circuitant la représentation nationale, notamment sur la demande d'EDF de prolonger la durée de vie de ses réacteurs à cinquante ans.
M. Alain Gest. Enfin une bonne nouvelle !
M. Denis Baupin. Nous voulons le dire ici, sereinement mais fermement : nous considérerions cette option comme une provocation politique mais aussi comme une aberration économique et énergétique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Une telle prolongation vaudrait renoncement à l'engagement du Président de la République, fondateur de notre majorité, de réduire d'un tiers le parc nucléaire d'ici 2025. Et qu'on ne nous dise pas qu'il n'est question ici que de durée d'amortissement ! À qui fera-t-on croire qu'on amortit sur cinquante ans des installations dont la durée de vie est de quarante ? Et cela, alors que l'autorité de sûreté nucléaire vient de rappeler avec fermeté qu'une prolongation au-delà de quarante ans pose des problèmes de sûreté majeurs, et que si elle devait se faire, ce serait à des coûts prohibitifs.
La fébrilité actuelle d'EDF a au moins un mérite : elle confirme enfin que le nucléaire n'est en rien une poule aux œufs d'or. C'est plutôt une poule aux œufs de plomb. Il n’y a pas de rente nucléaire, il y a au contraire un gouffre nucléaire…
M. Sylvain Berrios. Comment pouvez-vous rester dans ce Gouvernement ?
M. Denis Baupin. …et, pour le masquer, on voudrait créer une bulle spéculative atomique ? EDF est cotée en bourse et fait partie du panier du CAC 40. Comment l'autorité des marchés financiers pourrait-elle cautionner une telle opération ?
Monsieur le ministre, la politique énergétique de la France est une question bien trop sérieuse pour être dictée par le cours de bourse d'EDF. Pouvez-vous donc nous confirmer que cette rumeur de prolongation est sans fondement, et que c'est bien la représentation nationale qui décidera de la politique énergétique de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Charles de La Verpillière. Ça va être du grand écart !
M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le député, votre question me permet de préciser les choses et de les inscrire dans le contexte de la transition énergétique.
Le Président de la République et le Premier ministre ont fixé une méthode et des objectifs : la méthode, c'est que l'État soit, plus qu'aujourd'hui, le garant de la stratégie énergétique de la France, et donc de la diversification de notre mix énergétique.
Les objectifs sont clairs : ramener la part du nucléaire de 75 % à 50 % à l'horizon de 2025 ; réduire notre consommation finale d'énergie de 50 % à l'horizon de 2050 ; réduire de 30 % notre consommation d'énergie fossile ; parvenir à 23 % d'énergie d'origine renouvelable en 2020.
Monsieur le député, les décisions à venir – et dont j'ai seul la charge – seront donc compatibles avec cette méthode et avec ces objectifs. S'agissant du nucléaire, elles seront prises sous réserve des avis de l'autorité de sûreté nucléaire, qui ne s'est pas encore prononcée sur l'aspect « sûreté » d'une éventuelle prolongation, pas plus que le Gouvernement d'ailleurs.
La transition énergétique repose aussi sur le développement des énergies renouvelables, et je vous confirme qu'une partie des ressources dégagées par le nucléaire financera ce développement.
Cette stratégie, qui sera partie prenante de la loi de transition énergétique – c'est donc dans la loi que vous le verrez –, permettra de concilier des impératifs de sécurité, de protection de l'environnement et de lutte contre le changement climatique.
Monsieur le député, dans ce contexte, et avec cette ambition, vous comprendrez que, quel que soit le respect que j'ai pour eux, ce ne sont pas les commissaires aux comptes d'EDF qui déterminent et détermineront la politique énergétique de la France. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et écologiste.)
Auteur : M. Denis Baupin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie
Ministère répondant : Écologie, développement durable et énergie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 octobre 2013