réglementation
Question de :
M. Jean-Pierre Fougerat
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste, républicain et citoyen
Question posée en séance, et publiée le 24 octobre 2013
DIRECTIVE DÉTACHEMENT
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fougerat, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Jean-Pierre Fougerat. Monsieur le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, nous sommes massivement attachés, sur ces bancs, à l'idée européenne, à sa genèse qui reposait sur le refus de la guerre, à son avenir aussi, car c'est bien cela qui nous importe. Cet avenir, nous le voulons social, nous le voulons politique.
Oui, toutes et tous, nous savons bien que cet avenir doit avoir une forte dimension sociale. C'est la condition absolument nécessaire pour rendre de nouveau attractives l'Europe et ses institutions.
Mon collègue Jean-Luc Bleunven évoquait à l'instant les critères sociaux qui pourraient être ajoutés aux critères économiques de convergence au sein de l'Union économique et monétaire. Pour ma part, j'insisterai sur le statut des travailleurs en évoquant les conséquences de la directive détachement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Adoptée pour encourager la mobilité des travailleurs, objectif certes louable auquel nous souscrivons, cette directive génère des dérives préoccupantes.
M. Jacques Myard. Il a raison !
M. Jean-Pierre Fougerat. Instrument détourné par certains pour faire du dumping social et même carrément pour frauder, cette directive crée des distorsions de concurrence inacceptables…
M. Jacques Myard. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fougerat. …dans certains secteurs comme le bâtiment, l'agroalimentaire ou encore les transports.
M. Jacques Myard. Et la restauration !
M. Jean-Pierre Fougerat. Plusieurs réponses peuvent y être apportées : la création d'une agence du travail mobile en Europe, suggérée par notre commission des affaires sociales, la mise en place d'une carte électronique sécurisée, ou encore la création d'une liste noire des entreprises fraudeuses.
Monsieur le ministre, si cette question n'est pas à l'agenda du Conseil européen de cette semaine, elle sera au cœur du prochain Conseil des ministres du travail qui se tiendra en décembre. Pouvez-vous nous dire quelle est la position du Gouvernement de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. Lucien Degauchy. Et du chômage !
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, l'Europe sociale est de retour, mais pas depuis très longtemps : depuis un an, où la France et l'Allemagne ont mis à l'agenda de l'Europe cette question sociale. C'était le cœur de l'Europe que nous voulions et elle doit redevenir le cœur de l'Europe de l'avenir.
La première manière de mettre l'Europe sociale sur le devant de la scène consiste à lutter contre toutes les formes de dumping social. L'utilisation abusive de la directive détachement est aujourd'hui scandaleuse. Elle met en cause y compris le sens social de l'Europe que nous voulons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La France est déterminée, et je l'ai fait valoir au dernier Conseil des ministres du travail, à ce que l'Europe se dote enfin, ce que vous n'avez pas fait (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), des outils qui permettront de lutter contre ces fraudes. Il nous faut une capacité administrative de lutter contre les fraudes. Il nous faut la responsabilité des entreprises. Il y a des donneurs d'ordre en France qui savent pertinemment qu'ailleurs en Europe il y aura une utilisation abusive de cette directive détachement et qui sont en quelque sorte libres de leur responsabilité. Cela doit cesser. C'est la responsabilité conjointe des donneurs d'ordre et de l'ensemble des sous-traitants qui doit pouvoir être mise en cause. C'est ce que nous demandons au niveau européen.
Mme Claude Greff. C'est un échec !
M. Michel Sapin, ministre. Je me suis opposé, avec l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie, à l'adoption d'un compromis qui aurait été un mauvais compromis. Nous nous battrons, lors du prochain Conseil des ministres du travail, pour enfin avoir les moyens de lutter contre cela.
Mais j'aimerais terminer par un mot : je connais des entreprises, en France, qui sont les premières à demander la fin des abus mais qui sont aussi les premières à utiliser abusivement des travailleurs détachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Alors, que chacun prenne ses responsabilités, y compris les entreprises françaises. (Mêmes mouvements.)
Auteur : M. Jean-Pierre Fougerat
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 octobre 2013