Question au Gouvernement n° 1475 :
maintien

14e Législature

Question de : M. Alain Tourret
Calvados (6e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste

Question posée en séance, et publiée le 8 janvier 2014


AFFAIRE DIEUDONNÉ

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. En ce début d'année que je souhaite annonciatrice d'une fraternité renouvelée, il me faut vous poser une question, monsieur le Premier ministre, sur un humoriste dévoyé qui, par son message où l'odieux le dispute à l'insupportable, menace les fondements de la République. Je veux bien sûr parler de Dieudonné.

Au pays de Beaumarchais, où l'insolence est une vertu, au pays de Coluche et de Bedos, où l'ironie reste un art, nous savons faire la différence entre la critique, même la plus féroce, et l'agression, à l'évidence d'inspiration néonazie. Avant-hier, c'étaient Drumond, Maurras, Drieu et Céline, ces semeurs de haine. Hier, c'était celui dont nous avons tous le nom en tête, qui parlait de la Shoah comme d'un détail de l'histoire, qui s'attaquait à l'un des nôtres, Michel Durafour, dans la plus parfaite tradition de Goebbels là-bas et d'Henriot ici.

Monsieur le Premier ministre, cet éructeur haineux est dangereux pour la République. Ne rien faire, au nom du principe absolu de la liberté d'expression, c'est renoncer, c'est accepter. Il n'est pas question de changer notre législation. Ce serait faire trop d'honneur à cet individu. Il faut appliquer les lois de la République avec rigueur, comme le rappelle la circulaire remarquée du 6 janvier dernier de M. le ministre de l'intérieur.

L'apologie des crimes contre l'humanité est intrinsèquement une atteinte à l'ordre public et doit permettre l'interdiction de ces rassemblements de haine, mais il faut aller plus loin et faire partout œuvre de pédagogie, notamment à l'école, dans les lieux de culture, les milieux associatifs, pour renforcer la laïcité et, surtout, la fraternité. Le Gouvernement est-il prêt à s'engager dans cette voie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste, et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, la parole antisémite, l'appel à la violence, à la haine de l'autre, la négation de l'Histoire, n'ont pas leur place dans notre République et l'indifférence, vous avez raison, serait la pire des réponses, sous prétexte qu'il ne faut pas participer à une manœuvre du Gouvernement, qu'il faut respecter la liberté d'expression ou que l'on ferait à ce sinistre personnage une certaine publicité alors, et c'est bien là le problème, qu'il rencontre incontestablement une audience sur internet et dans ses spectacles, comme le montrent les réservations prévues pour les différentes salles où il doit se produire dans les jours qui viennent.

Les spectacles de ce personnage n'appartiennent plus à la dimension artistique et créative. C'est une évidence, et la ministre de la culture l'a dit avec force encore ce matin. En dépit de nombreuses condamnations pénales, il réitère à chaque fois des propos insupportables, dont il mesure pleinement la portée, et ceux qui y assistent le savent parfaitement. Ce sont des meetings politiques, qui véhiculent une parole de haine, la haine de l'autre, l'antisémitisme, la haine du juif. C'est inacceptable, nous ne pouvons pas l'accepter et c'est la raison pour laquelle il fallait agir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

La circulaire souhaitée par le Président de la République et le Premier ministre rappelle que l'on peut invoquer l'ordre public pour justifier l'interdiction de tel spectacle et souligne que ce type de spectacles constitue lui-même un trouble à l'ordre du public.

Alors, oui, nous agirons avec la garde des sceaux sur tous les terrains, judiciaire, juridique, administratif et politique. Je salue l'engagement de tous les maires, quelle que soit leur couleur politique, à commencer par M. Alain Juppé, qui a donné le « la ». La République est forte quand elle se rassemble autour de nos valeurs et de la fraternité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Données clés

Auteur : M. Alain Tourret

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 janvier 2014

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