Question au Gouvernement n° 1492 :
fichiers informatisés

14e Législature

Question de : M. Sergio Coronado
Français établis hors de France (2e circonscription) - Écologiste

Question posée en séance, et publiée le 9 janvier 2014


MULTIPLICATION DES PRÉLÈVEMENTS D'ADN

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux. Le 17 décembre, le tribunal correctionnel de Roanne a relaxé cinq syndicalistes, poursuivis pour avoir refusé un prélèvement d'ADN. Le tribunal a estimé que ce prélèvement n'avait pas lieu d'être. Le procureur de Lyon vient d'interjeter appel de cette décision de relaxe.

Ces militants avaient été condamnés, mais dispensés de peine, pour avoir inscrit des tags sur un mur, en marge d'une manifestation contre la réforme des retraites en 2010. Ils avaient ensuite refusé le prélèvement d'ADN en mai 2013.

Les prélèvements d'ADN sont devenus une pratique courante à l'encontre de militants, sans que leur justification paraisse fondée ou légitime. (Protestations sur quelques bancs du groupe UMP.)

Depuis sa création en 1998, le fichier national automatisé des empreintes génétiques, plus connu sous le nom de FNAEG, n'a cessé de prendre de l'ampleur. Au 1erseptembre 2012, environ deux millions d'empreintes y figuraient. Cette extension du fichage génétique et l'évolution des pratiques soulèvent, à juste titre, des interrogations et des oppositions.

La question se pose de la destruction des empreintes des personnes pour lesquelles la justice a prononcé un non-lieu, une relaxe ou un acquittement, et qui ne sont ni condamnées ni mises en cause dans une autre affaire.

Par ailleurs, différentes études scientifiques démontrent que les segments prélevés peuvent désormais révéler, grâce aux progrès scientifiques, des informations sur les personnes allant au-delà des besoins d'une enquête.

L'extension du fichier, au départ réservé aux personnes condamnées pour des infractions sexuelles, a créé une situation inédite : militants politiques et syndicaux y sont aujourd'hui fichés. Enfin, refuser de se soumettre au prélèvement peut être puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

M. Bernard Accoyer. Il est heureux que ce fichier existe, pour la sécurité des Français !

M. Sergio Coronado. Ce fichage fait régulièrement l'objet de controverses. Madame la ministre, les syndicalistes, les militants associatifs ou les faucheurs d'OGM, pas plus, d'ailleurs, que les militants opposés à la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, n'ont leur place dans ce fichier.

N'est-il pas temps d'agir et de réformer ce fichier afin d'éviter que l'action politique, associative ou syndicale ne soit mise sur le même plan que les délits et les crimes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et GDR.)

M. Bernard Accoyer. Et les prises d'otages dans les entreprises ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, vous comprendrez aisément que je ne peux m'exprimer sur la procédure en cours.

En 1998, Élisabeth Guigou, alors ministre de la justice, a souhaité la création d'un fichier automatisé d'empreintes génétiques afin de lutter contre les délinquants sexuels. Ce fichier s'est avéré un instrument opérationnel très efficace pour les enquêtes de la police judiciaire. Il a été élargi aux crimes contre les personnes en 2001.

En 2003, une nouvelle incrimination autorisant le prélèvement d'empreintes a été introduite, celle de dégradation.

La préoccupation que vous venez d'exprimer est largement partagée. Des dispositions ont été prévues dans la proposition de loi sur l'amnistie sociale, que l'Assemblée a examinée.

Par ailleurs, il existe deux jurisprudences, l'une, d'avril 2013, de la Cour européenne des droits de l'homme, l'autre, du Conseil constitutionnel, qui, saisi d'une question préalable de constitutionnalité, a émis une réserve d'interprétation. Les deux instances ont mis en cause les conditions de conservation de ces données – de vingt-cinq à quarante ans – et de suppression des informations, dont la garantie leur semble aussi bien théorique qu'illusoire.

Nous travaillons avec les parlementaires pour ajuster la loi et avec le ministère de l'intérieur pour prendre en considération ces éléments et modifier aussi bien le fichier des empreintes digitales que celui des empreintes génétiques.

Je ne pense pas que qui que ce soit ici ait l'idée de confondre les militants politiques et syndicaux avec des criminels sexuels…

M. Bernard Accoyer. N'importe quoi !

M. Guy Geoffroy. Scandaleux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La justice est armée pour répondre aux pratiques non conformes à la loi de militants politiques ou syndicaux. Il n'y a pas lieu de créer un amalgame. Nous ferons en sorte de concilier la protection des libertés individuelles et l'efficacité des enquêtes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

M. Christian Estrosi. C'est une politique pour les voyous !

Données clés

Auteur : M. Sergio Coronado

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Droits de l'homme et libertés publiques

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 janvier 2014

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