magistrats
Question de :
M. Georges Fenech
Rhône (11e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 6 février 2014
INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE
M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Georges Fenech. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.
Un des engagements du candidat François Hollande résonne encore à nos oreilles : « Moi président de la République, je ferai fonctionner la justice de manière indépendante ». Vous-même, depuis votre arrivée place Vendôme, madame la ministre, vous n'avez cessé de clamer qu'enfin la justice deviendrait indépendante et serait protégée de toutes instructions individuelles et de toute politique de spoils system. Or nous apprenons aujourd'hui que, contrairement à l'usage, le procureur général de Paris, M. François Falletti, a été convoqué sur-le-champ par votre directrice de cabinet et son adjointe pour lui signifier avec insistance de quitter ses fonctions…
M. Jacques Myard. Scandaleux !
M. Georges Fenech. …et de rejoindre la Cour de cassation, aux fins d'être remplacé par un magistrat de votre sensibilité politique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est du jamais vu dans l'histoire de l'institution judiciaire. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Écoutez la question !
M. Georges Fenech. Refusant de se soumettre à cet oukase ministériel, le procureur général de Paris a fait part, dans un courrier daté d'hier, de sa stupéfaction et avisé le Conseil supérieur de la magistrature afin de solliciter sa protection.
J'ajoute, madame la ministre, qu'il se dit que le procureur de Paris, M. François Molins, sans doute coupable à vos yeux d'avoir fait diligence dans l'affaire Cahuzac, se serait vu lui-même proposer une promotion afin de libérer son poste stratégique, peut-être au profit d'un magistrat toujours de votre sensibilité.
M. Matthias Fekl. Ça, c'était avec vous !
M. Georges Fenech. À cela s'ajoutent quelques autres nominations récentes et partisanes. Je ne voudrais citer que celles de M. Nadal, à la Haute autorité de la transparence, mais il est vrai fervent partisan de Martine Aubry, de Mme Maestracci, proche du Syndicat de la magistrature et bombardée au Conseil constitutionnel…
M. Michel Vergnier. C'est fini ?
M. Georges Fenech. …ou encore de Mme Éliane Houlette au poste de procureur national financier. J'en passe et des meilleures.
Ainsi, la boucle de la chasse aux sorcières est bouclée… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Merci, monsieur Fenech. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, nous avons observé ces derniers jours que c'était un exercice prisé dans vos rangs que de mettre les personnes en cause. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je ne suis pas certaine que votre sollicitude soit de nature à servir ni le procureur général de la cour d'appel de Paris, ni les procureurs généraux qui, eux, savent quelle estime je leur porte.
Je vous rappelle que lors des débats sur la loi interdisant au gouvernement de donner des instructions individuelles dans les affaires pénales, loi que vous avez refusé de voter…
M. Christian Jacob. Ce n'est pas la question !
M. le président. Monsieur le président Jacob, écoutez la réponse !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …vous avez prétendu que j'allais faire des procureurs généraux des barons et des chefs de fief.
De même, vous avez refusé de voter la réforme constitutionnelle sur l'indépendance de la magistrature. (« Répondez à la question ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous m'avez accusée, là aussi, de démanteler la justice (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) en donnant trop de pouvoirs aux procureurs généraux, et vous avez ajouté que le problème avec les magistrats, c'est qu'ils sont trop politisés et trop syndiqués.
Concernant le procureur général de la cour d'appel de Paris, je note qu'il a été invité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) à cet entretien, qui est tout à fait classique, avec la direction de mon cabinet par un appel du jeudi 23 janvier. Si vous en voulez la preuve, on demandera une fadette ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Il a été reçu le lundi suivant, c'est-à-dire quatre jours plus tard en incluant le week-end, et il a attendu plus de huit jours, le mardi suivant 4 février, pour m'adresser un courrier faisant part de son interprétation du contenu de l'entretien,…
M. Bernard Deflesselles. Et alors ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …courrier qui me parvint après que j'en eus déjà pris connaissance dans la presse en ligne et dans la presse écrite. (« Taubira, démission ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Alors s'il y a une question sur les méthodes, ce n'est certainement pas sur les miennes ! Mais il est vrai que vous êtes exaspérés, au bout de vingt mois de respect de la magistrature, du personnel judiciaire, des personnes et des règles ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Auteur : M. Georges Fenech
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 février 2014