politique du logement
Question de :
M. Christophe Cavard
Gard (6e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Question posée en séance, et publiée le 19 juin 2014
LOI ALUR
M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour le groupe écologiste.
M. Christophe Cavard. Monsieur le Premier ministre, le récent flottement sur le devenir de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, communément appelée loi ALUR, a suscité de larges inquiétudes dans notre famille politique. Depuis, des déclarations nous ont rassurés. Je salue ainsi la réponse faite par Mme la ministre du logement et de l'égalité des territoires, Sylvia Pinel, hier dans cet hémicycle.
Je souhaite à mon tour répondre à celles et ceux qui voudraient remettre en question ce qui constitue à ce jour une des plus grandes avancées de ce quinquennat en matière de justice sociale… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
Plusieurs députés du groupe UMP . Allô !
M. Michel Herbillon. Cette loi est un véritable échec !
M. Christophe Cavard. Ce sont souvent les mêmes qui profitent de la dérégulation et de la crise du logement.
J'ai entendu hier une de mes collègues de l'opposition faire une confusion sur les liens entre la loi ALUR et l'activité des entreprises du bâtiment. Nous ne sommes pas là pour faire de la pédagogie, mais enfin, ce n'est tout de même pas la loi ALUR qui empêche la construction de logements !
M. Gilles Carrez et M. Christian Jacob . Mais si ! C'est une réalité !
M. Christophe Cavard. Nous connaissons bien les leviers de la construction de logements : l'investissement public, notamment des collectivités territoriales, et l'investissement des ménages.
Un député du groupe UMP . Mais il n'y a plus d'argent !
M. Christophe Cavard. Pour que les ménages investissent, il faut leur donner du pouvoir d'achat ; c'est précisément ce que propose la loi ALUR en créant des outils pour lutter contre la crise du logement. (« C'est faux ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Alors que les loyers augmentent plus vite que les salaires, l'encadrement des loyers est une mesure forte de lutte pour le pouvoir d'achat. (Exclamations persistantes sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
M. Michel Herbillon. Depuis l'adoption de cette loi, on ne construit plus de logements !
M. le président. Ça suffit, un peu de calme, mes chers collègues !
M. Christophe Cavard. On peut citer également les mesures du projet de loi sur la transition énergétique qui concernent l'isolation des bâtiments.
Nos concitoyens ont du mal à se loger. La lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil doit être une priorité. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous balayer une fois pour toutes nos inquiétudes…
M. Michel Herbillon. J'espère que non !
M. Christophe Cavard. …et nous assurer que nous pouvons compter sur le Gouvernement pour sécuriser cette loi et publier au plus vite les décrets d'application afin que ses dispositions entrent en vigueur rapidement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. Michel Herbillon. Personne ne veut de cette loi !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové a été votée par le Parlement cet hiver et publiée le 24 mars dernier, il y a trois mois.
Une loi n'appartient pas à un ministre, ni à une famille politique ; après qu'elle a été adoptée par le Parlement, elle appartient à la Nation, et le rôle du Gouvernement – vous avez raison de le dire – est de l'appliquer. Cette loi requiert deux cents mesures d'application recouvrant un domaine très étendu ; il est ainsi nécessaire de rédiger une centaine de décrets d'application.
Concernant le logement, certaines mesures apparaissent comme prioritaires compte tenu, d'une part, de leur impact sur les ménages – en particulier sur leur pouvoir d'achat –, d'autre part, de la très forte attente de l'ensemble des acteurs du secteur du logement, notamment les investisseurs, les bailleurs et les professionnels, qui sont soucieux de savoir quel sera l'environnement juridique et économique de leur activité. Pour cela, nous devons faire passer un message de confiance ;…
M. Christian Jacob. Ils en ont besoin !
M. Manuel Valls, Premier ministre . …nous le ferons la semaine prochaine avec Sylvia Pinel.
Aujourd'hui, on ne construit pas assez de logements.
M. Michel Herbillon. À cause de la loi ALUR !
M. Manuel Valls, Premier ministre . Cela dure depuis un certain temps. Il y a un ralentissement de la construction : c'est pourquoi nous devons faire passer ce message de confiance à l'intention de tous ceux qui veulent investir.
Il en va de même pour l'encadrement des loyers dans les zones où le marché est très tendu, très contraint. Pour répondre aux exigences votées par le Parlement, cet encadrement ne peut intervenir que si les observatoires des loyers ont été validés par un comité scientifique indépendant. Cette exigence doit être remplie avant la fin de l'année 2014, notamment dans l'agglomération parisienne. La mise en place de l'encadrement des loyers dans les autres agglomérations se fera ultérieurement, au fur et à mesure de la constitution de ces observatoires. Dans tous les cas, monsieur le député, l'objectif sera de mettre fin aux pratiques abusives sans pour autant – j'insiste sur ce point – décourager les bailleurs de continuer à louer leur logement, ni décourager les investisseurs de placer leur argent dans l'immobilier.
M. Michel Herbillon. C'est raté : ils sont découragés !
M. Manuel Valls, Premier ministre . N'oublions jamais qu'il n'y a pas de meilleure protection pour les locataires qu'un marché locatif abondant.
Pour ce qui est de la garantie locative des loyers, je ne méconnais pas les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale. Le principe de cette garantie est généreux et indiscutable, mais son financement n'a pas été assuré par la loi. Je rappelle simplement qu'on estime son coût annuel en régime de croisière – soit après 2017 – à 400 à 500 millions d'euros. Le Gouvernement n'agirait pas de manière responsable s'il ne prenait pas le temps de la réflexion et de la concertation…
M. Marc Le Fur. Y compris avec l'ancienne ministre ?
M. Manuel Valls, Premier ministre . …avant de mettre en œuvre un tel dispositif.
Plusieurs députés du groupe UMP . Quel aveu ! On vous avait prévenus ! Il fallait nous écouter !
M. Manuel Valls, Premier ministre . Des discussions sont en cours entre Mme la ministre du logement et les partenaires sociaux qui gèrent la participation des entreprises à l'effort de construction de logements.
M. Guy Geoffroy. Il fallait le faire avant !
M. Manuel Valls, Premier ministre . Vous comprendrez alors que je ne me prononce pas tant que ces négociations sont en cours.
En conclusion, je vous confirme que la loi ALUR sera appliquée avec réalisme et pragmatisme.
M. Michel Herbillon. Il faut réécrire cette loi !
M. Manuel Valls, Premier ministre . Comme je vous le disais il y a un instant, ma préoccupation est de redonner de la visibilité et de la confiance pour relancer le secteur de la construction, afin de créer des emplois, de construire des logements, de rénover des bâtiments.
Mme Claude Greff. Bla bla bla…
M. Manuel Valls, Premier ministre . C'est aussi le sens des cinquante mesures de simplification que j'ai évoquées dans mon discours de politique générale. Encore une fois, je ne doute pas que les propositions faites aujourd'hui même par Ségolène Royal y contribueront. Notre pays a besoin d'un vaste mouvement pour encourager la construction.
Voilà, monsieur le député : je ne doute pas un seul instant qu'en étant pleinement dans la majorité, en soutenant le Gouvernement, toutes vos inquiétudes seront levées. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
M. Michel Herbillon. Bel exercice, monsieur le Premier ministre !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le député !
Auteur : M. Christophe Cavard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Logement
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 juin 2014