Question au Gouvernement n° 2017 :
politiques communautaires

14e Législature

Question de : M. Didier Quentin
Charente-Maritime (5e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 26 juin 2014


ESPACE SCHENGEN

M. le président. La parole est à M. Didier Quentin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Didier Quentin. Monsieur le Premier ministre, force est de constater que l'espace Schengen ne marche pas bien et manque de pilotage politique, ce qui se traduit par des frontières poreuses. Le ministre des affaires étrangères M. Laurent Fabius a lui-même indiqué que la France n'était pas favorable à une entrée de la Roumanie et de la Bulgarie au sein de l'espace Schengen tant que ces deux pays ne contrôleront pas mieux leurs frontières. En effet, l'on peut craindre une entrée de migrants venus d'Ukraine et de Turquie et transitant par la Roumanie et la Bulgarie, sans oublier le risque djihadiste.

Or, à l'occasion d'une réunion des chefs d'État et de gouvernements socio-démocrates tenue à l'Élysée le 21 juin dernier, l'on a appris que la France plaide désormais en faveur de la création d'un corps de garde-frontières européens aux frontières extérieures de l'espace Schengen. Tout cela va demander du temps et semble relever d'une certaine improvisation et n'avoir pas été concerté avec notre principal partenaire, l'Allemagne.

Si l’Union européenne veut retrouver de la crédibilité dans ce domaine, il est urgent qu'elle traite la question de l'immigration avec détermination. Sans de réels progrès, il faudra que la France envisage sérieusement de suspendre sa participation à l'espace Schengen.

M. Christian Jacob et M. Marc Le Fur . Très bien !

M. Didier Quentin. C'est pourquoi, monsieur le Premier ministre, je vous demande les initiatives concrètes et rapides que vous entendez prendre, en liaison avec notre principal partenaire européen, pour refonder l'espace Schengen, c'est-à-dire pour mettre en œuvre une véritable politique de contrôle et de maîtrise des flux migratoires à l'échelle de l’Union européenne ainsi que sur notre territoire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Quentin, ce sont des sujets sérieux, importants. J'ai eu à les traiter pendant deux ans dans le cadre des Conseils justice et affaires intérieures, puis avec l'ensemble de nos partenaires.

Vous avez évoqué plusieurs sujets : la question de Schengen, c'est-à-dire des frontières extérieures de l’Union européenne, la question de l'entrée dans l'espace Schengen de deux pays, la Roumanie et la Bulgarie, qui connaissent des situations différentes, et les problématiques d'immigration liées aux drames qui ont lieu en Méditerranée. Ces sujets doivent être traités sérieusement, avec méthode, en nous inspirant par exemple, c'est l'idée que nous avons défendue, de ce qui a été engagé par les Espagnols, avec le soutien de l’Union européenne, avec le Sénégal, la Mauritanie et le Maroc, malgré la pression incontestable qui existe sur les enclaves de Ceuta et Melilla.

C'est avec les Italiens – le président du Conseil Matteo Renzi a été cité tout à l'heure – qu'il faut construire, dans un contexte très différent dû à la situation de la Libye, une politique d'immigration qui passe par des opérations spécifiques, telles que l'opération Mare Nostrum, ainsi que par des coopérations avec les pays les plus concernés.

Ces sujets sont depuis longtemps sur la table du Conseil européen et font l'objet de propositions. Il s'en dégage au moins deux lignes claires : d'abord le renforcement de l'ensemble du dispositif en matière d'immigration, car il est évident que nous ne pouvons plus continuer à travailler comme avant – c'est une question de moyens, et ensuite la présence de garde-côtes européens, parce que, au fond, c'est ce qui marche quand cela existe, et c'est tout le problème de la situation au large de la Tunisie et de la Libye.

Je termine en soulignant vos contradictions : vous nous demandez de nous rapprocher et de travailler avec nos partenaires allemands, ce que nous faisons d'ailleurs, sur cette question comme sur toutes les autres, et en même temps de menacer de sortir de Schengen ou de suspendre notre participation, reprenant là une antienne que nous avions déjà entendue pendant la campagne électorale.

Si nous voulons construire l’Union européenne et qu'elle sorte des difficultés qu'elle connaît aujourd'hui, si nous voulons répondre sur ce sujet comme sur bien d'autres à l'attente des peuples, il faut être sérieux, il ne faut pas marcher avec des slogans. Et vous annoncez que nous souhaiterions suspendre notre participation à Schengen… Cette menace a déjà été brandie par le passé, et je me rappelle avoir constaté, à l'occasion de ma première réunion au Conseil JAI, combien cela avait été apprécié par l'ensemble de nos partenaires, notamment allemands ! Sur ce sujet-là, soyons sérieux. On ne construit pas une politique d'immigration et d'organisation des flux migratoires en Europe en menaçant de suspendre notre participation à Schengen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous ne pouvez pas nous demander de travailler sérieusement avec nos partenaires allemands et de commencer la discussion en menaçant de sortir de Schengen. S'agissant de l'Europe comme des autres sujets, n'oubliez pas que vous avez gouverné et qu'il faut se montrer sérieux ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Données clés

Auteur : M. Didier Quentin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Union européenne

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 juin 2014

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