réglementation
Question de :
Mme Véronique Massonneau
Vienne (4e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Question posée en séance, et publiée le 8 octobre 2014
POLITIQUE FAMILIALE
M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.
Mme Véronique Massonneau. Monsieur le Premier ministre, il y a quelques jours, dans un entretien à la presse, vous indiquiez que la France refuserait « la transcription automatique » des actes de filiation d'enfants nés par GPA à l'étranger ; un entretien dans lequel vous suspendiez toute décision d'ouverture de la PMA aux couples de femmes à un avis du Comité consultatif d'éthique ; un entretien dans lequel vous n'évoquiez plus la loi sur la fin de vie que comme une éventualité.
Monsieur le Premier ministre, je pourrais vous demander aujourd'hui qui il faut croire : le Manuel Valls qui se prononçait pour une GPA encadrée en 2011 ou le Premier ministre d'aujourd'hui ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. S'il vous plaît, écoutez la question !
Mme Véronique Massonneau. Le candidat à la présidentielle qui s'engageait sur la PMA pour toutes ou le président d'aujourd'hui ? Le député cosignataire d'une loi sur la fin de vie en 2010, le candidat qui l'inscrivait comme la 2le de ses propositions, ou les deux têtes de l'exécutif d'aujourd'hui ?
Je pourrais m'offusquer de voir le Gouvernement se livrer à de petits calculs – au demeurant politiquement incompréhensibles – à quelques jours d'une manifestation, en oubliant les réalités humaines qu'il y a derrière ces questions.
Mais il y a plus important : ces réalités humaines, justement. Je veux faire entendre ici la voix de ces enfants qui n'ont pas choisi comment ils sont venus au monde et auxquels vous niez un droit que la Cour européenne des droits de l'homme vous demande de leur reconnaître ; la voix de ces couples de femmes qui ont un projet parental et sont contraints de se rendre en Belgique ou en Espagne pour le concrétiser, au risque de voir leur statut de parents remis en cause devant un tribunal ; la voix de ces personnes malades qui redoutent les conditions de leur fin de vie et voudraient avoir la certitude de voir leurs volontés respectées et leur ultime liberté garantie.
Oui, c'est à elles, c'est à eux que je vous demande de répondre, monsieur le Premier ministre, car s'il y a des gens à apaiser, ce sont ces familles, ce sont ces femmes, ces hommes et ces malades, qui n'en peuvent plus d'attendre et d'espérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, la gestation pour autrui est un sujet grave parce qu'il constitue un défi pour notre société : celui de la marchandisation des êtres humains. Ce défi est rendu plus aigu encore par les progrès de la science et par la mondialisation des marchés.
Posons-nous une question et essayons d'y répondre le plus clairement possible : quelle société voulons-nous ? Je le dis ici, comme chef du Gouvernement : nous refusons qu'une femme puisse être rémunérée pour abandonner son enfant nouveau-né à ceux qui l'ont payée. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et du groupe UMP.)
Contre ces phénomènes, l’État et nos institutions doivent jouer pleinement leur rôle. C'est l’État qui garantit le respect des grands principes fondateurs de notre vie en société. Le premier des principes, c'est que les personnes, les êtres humains, ne sont pas des choses et sont donc hors commerce. C'est le fondement même de notre droit civil – d'où la position que j'ai rappelée.
Le second principe, c'est que l'humain n'est pas un terrain d'expérimentation.
M. Noël Mamère. Ce n'est pas la question !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Or, bien évidemment, nous savons qu'un marché agressif et lucratif expérimente l'alliance du droit et de la science et prospère aussi sur la misère économique. Alors, oui, pour le Gouvernement et le Président de la République, ce débat est tranché, et ce depuis le début du quinquennat. La France est opposée à la GPA parce qu'elle est opposée, au nom de ses valeurs, au nom du progrès et de l'humanisme, à toute forme de commercialisation des êtres humains et d'expérimentation dans ce domaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, UMP et UDI.)
M. Claude Goasguen. Et le code pénal ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. En disant cela, madame la députée, je n'ignore pas la souffrance de ceux qui voudraient tant transmettre et ne nie pas le désir inassouvi d'enfants. Cette souffrance, chacun d'entre nous peut l'entendre.
Madame la députée, vous me reprochez d'avoir changé d'avis. Oui, face à un marché agressif, à l'asservissement des plus faibles, à la crise morale et à la crise d'autorité qui frappent notre société, l’État doit adopter une position à la fois claire, ferme et bienveillante.
M. Noël Mamère. Ce n'est pas la question !
M. Manuel Valls, Premier ministre . J'assume ce changement car, dans le débat, on peut changer d'avis et défendre ce qui est la position actuelle du Gouvernement.
Je ne l'oublie pas, il existe des enfants nés par GPA à l'étranger qui vivent en France, ramenés par des personnes qui sont là-bas leurs parents mais ne le sont juridiquement pas ici. Ces enfants ne sont pas responsables de la situation dans laquelle ils sont placés par le choix de ce mode de procréation illicite.
La famille a aussi besoin de stabilité. Ne la fragilisons pas en la transformant en objet de débats partisans et de slogans.
M. Daniel Vaillant. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre . Je le dis à tous ceux qui voudraient revenir sur les lois votées : nous ne pouvons pas faire et défaire les filiations. Nous ne pouvons pas entretenir d'amalgame entre la PMA – sujet sur lequel, comme je l'ai dit dans mon interview au journal La Croix, nous attendons l'avis du Comité consultatif national d'éthique – , qui est réglementée, et la GPA, qui est interdite.
Avec le Président de la République, nous avons donc souhaité que la France, sans rien renier de ses principes, recherche un cadre qui garantisse à ces enfants des conditions d'existence conformes à ce qu'exige la Cour européenne des droits de l'homme. Nous allons donc poursuivre, avec le temps nécessaire, la réflexion engagée sur ce sujet juridiquement très complexe et humainement très sensible.
Plusieurs députés du groupe UMP . Et la PMA ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. De tels sujets, de même que celui de la fin de vie, méritent autre chose que des caricatures et des slogans. Je regrette que vous ayez mélangé tous les problèmes, madame la députée, car c'est précisément cela qui entretient la confusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)
Sur ces sujets, je pense que nous pouvons avancer ensemble, toutes tendances confondues. Si un rapport a été confié à MM. Claeys et Leonetti pour avancer sur cette question, c'est parce qu'il est temps que, sur ce sujet comme sur bien d'autres, nous soyons tous responsables et fassions preuve de maturité. Nous gouvernons, je suis chef du Gouvernement, j'assume ces responsabilités, mais je pense aussi à une société qui a besoin de clarté, d'éthique et d'avancer ensemble avec moins de fracture et d'opposition absurde. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UDI.)
Auteur : Mme Véronique Massonneau
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Bioéthique
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 octobre 2014