Moyen-Orient
Question de :
M. Franck Gilard
Eure (5e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 15 octobre 2014
SITUATION DANS LA VILLE SYRIENNE DE KOBANÉ
M. le président. La parole est à M. Franck Gilard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Franck Gilard. Monsieur le Premier ministre, au mois d'août 1944, la ville de Varsovie s'était soulevée contre l'occupant nazi, sous les yeux impassibles de l'Armée rouge, dont l'élan a été sciemment stoppé par Joseph Staline afin de donner le temps aux Allemands d'écraser la résistance nationale polonaise. La répression fit près de 200 000 morts et blessés.
Aujourd'hui, la ville kurde de Kobané, située en Syrie, est assiégée depuis quelques semaines. Progressivement, elle est investie par les forces fanatisées de Daech, et l'on peut préjuger que les massacres vont s'amplifier avec la chute vraisemblable de cette cité malgré les 2000 frappes de l'aviation alliée, principalement américaine.
Tout cela se déroule sous l'œil impavide de l'armée turque qui, l'arme au pied, empêche l'acheminement des renforts kurdes et attend sans états d'âme l'issue de cette tragédie fatale. Sans doute fallait-il que les Kurdes périssent, et tout a été fait pour qu'il en soit ainsi.
Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous nous donner des précisions sur les motivations qui justifient l'immobilisme passablement monstrueux de l'armée turque, et sur ses rapports antérieurs avec les djihadistes de Daech ? Pensez-vous que nous puissions continuer à négocier une adhésion de la Turquie à l'Union européenne (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI et sur quelques bancs du groupe écologiste) face à un comportement aussi incompatible avec les valeurs qui justifient notre intervention au Kurdistan syrien ?
Enfin, chacun a pu noter qu'outre l'obstruction de l'armée turque, les raisons de la chute de Kobané – très vraisemblable – sont également dues au manque d'armement des Peshmergas kurdes. Monsieur le Premier ministre, où en sont les livraisons d'armes tant promises à ceux qui se battent contre la barbarie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Nicolas Dupont-Aignan. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député Gilard, le martyre de Kobané, puisque ce que vous avez dit est malheureusement exact, se déroule sous les yeux de la communauté internationale, sous les nôtres, et même si la France n'est pas à l'origine de cela, c'est une évidence, aucun Français ne peut détourner les yeux.
Comme vous l'avez souligné, il y a urgence ; et face à cette urgence, la position de la France est que tous ceux qui sont en position d'agir sur le terrain doivent le faire immédiatement. La coalition d'abord, par des frappes pour entraver Daech. Elles ont commencé, elles doivent être accrues, et la France n'est pas hostile à l'instauration de ce que l'on appelle une zone de sécurité. Les Turcs ensuite, et vous avez eu des mots forts qui auront eu un écho dans toute cette Assemblée, en laissant passer des défenseurs kurdes. Et nous-mêmes, en soutenant les forces de l'opposition syrienne ; car on ne peut d'un côté dire « Vive l'Europe ! » et, de l'autre, ne pas avoir l'attitude qui convient - j'ai eu l'occasion de le dire à mon collègue des affaires étrangères, que j'ai reçu la semaine dernière. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Mais pour épouvantable que soit ce drame, il ne doit pas nous faire oublier non plus la responsabilité de M. Bachar el-Assad dans tout cela, qui ne lève pas le petit doigt pour sauver Kobané et qui continue de s'acharner contre Alep, contre Idlib, contre Hama et d'autres villes de Syrie en bombardant et en affamant les populations. Il n'est pas question de dédouaner l'un en accusant l'autre ; car nous avons deux adversaires, et l'attitude de la France sur le plan international sera de refuser de laisser Kobané continuer à être une ville martyre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Auteur : M. Franck Gilard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Affaires étrangères
Ministère répondant : Affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 octobre 2014