fonctionnement
Question de :
M. Henri Guaino
Yvelines (3e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 3 décembre 2014
INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE
M. le président. La parole est à M. Henri Guaino, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Henri Guaino. Madame le garde des sceaux, le 27 novembre dernier, la dix-septième chambre du tribunal correctionnel de Paris a rendu un jugement qui honore la justice. Ce jugement remet chacun à sa place dans la République, en reconnaissant aux parlementaires le droit à la critique des décisions de justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – M. Gérard Charasse et M. Alain Tourret applaudissent également.) C'était juste. C'était courageux. « Un chef-d'œuvre d'équilibre » a même commenté un grand journal du soir.
Mais voilà que le parquet fait appel. Pourquoi ? Je ne vous ferai pas le procès d'y être pour quelque chose. De toute façon, vous me répondriez comme d'habitude : « indépendance de la justice ». (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Mais l'appel du parquet est-il une illustration d'indépendance ou de corporatisme, d'indépendance ou de pressions syndicales, d'indépendance ou de « climat malsain et revanchard » – pour reprendre les mots employés en 2000 par le procureur de Strasbourg à propos des débats parlementaires sur la réforme de la justice ? Oui, il y a des magistrats qui honorent la justice et d'autres qui la déshonorent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !
M. Henri Guaino. Je veux vous lire un petit extrait d'une lettre ouverte que vous a adressée récemment un ancien bâtonnier d'Amiens, qui avait transmis involontairement au juge un certificat d'embauche fourni par la famille d'un de ses clients. Écoutez bien, car beaucoup de gens pourraient s'y reconnaître : « À neuf heures du matin, le juge d'instruction s'est présenté à mon cabinet avec des collègues, des policiers, une greffière, enfin beaucoup de monde. Le juge voulait consulter le dossier de M. X et mon agenda de 2012. J'ai compris un peu plus tard, la surprise passée, que c'était un juge qui aimait les agendas. La justice est imprévisible. Ce 5 novembre, elle est devenue insupportable et odieuse… » (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
M. Sébastien Denaja. Vous nagez !
M. Philippe Baumel. C'est minable !
M. Henri Guaino. « Un quart d'heure après l'arrivée du juge et de son escouade, la presse, alertée, diffusait la nouvelle… » (Mêmes mouvements.)
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !
M. Henri Guaino. « Un vieux compagnon de robe m'appelle pour me réconforter. Gentiment, il me questionne : terrorisme, djihadisme, proxénétisme ? Je lui réponds : une promesse d'embauche. Il éclate de rire. L'affront passé, j'ai envie de pleurer. Et si c'était simplement indigne ? »
Madame la garde des sceaux, n'avez-vous donc rien à dire sur les dérives de certains juges,…
M. le président. Merci, monsieur Guaino.
M. Henri Guaino. …alors que vous venez de critiquer si vertement… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Claude Perez. C'était pathétique !
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, permettez-moi de vous dire que le procédé est assez déconcertant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) S'agissant d'une affaire qui vous concerne personnellement, il y eût quelque élégance à faire poser la question, éventuellement, par l'un de vos collègues. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RRDP. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne vous réponds pas simplement « indépendance de la justice » parce que, chez nous, ce n'est pas un slogan. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je vous rappelle que le 25 juillet 2013 a été promulguée une loi qui prohibe toute instruction individuelle dans les procédures.
M. Alain Moyne-Bressand. Et les coups de téléphone ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement respecte absolument l'engagement qu'il avait pris de ne jamais intervenir dans les procédures : il a présenté au Parlement ce texte de loi que votre groupe a refusé de voter.
Je ne vous parlerai pas de l'indépendance de la justice comme un slogan (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) puisque nous avons aussi présenté au Parlement un projet de réforme constitutionnelle visant à garantir l'indépendance du parquet,…
M. Claude Goasguen. Vous n'y connaissez rien ! C'est dramatique !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …que votre groupe a également refusé de voter.
Depuis de nombreuses années, monsieur le député, vous vous proclamez républicain à foison, et nous en convenons très volontiers. (Exclamations sur divers bancs.)
M. Jean Glavany. Tu parles !
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Votre conception de la République et du républicanisme…
M. Jean Glavany. Ce n'est pas la mienne !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux . …est d'ailleurs très liée à la Ve République. Je me demande si, de cette Ve République, vous avez retenu davantage les manies d'intrusion…
M. Claude Goasguen. Ah non !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux . …que le respect de la séparation des pouvoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe RRDP. – Protestations sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)
M. Dominique Le Mèner. C'était nul !
Auteur : M. Henri Guaino
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 décembre 2014