droits de l'homme et libertés publiques
Question de :
Mme Valérie Pécresse
Yvelines (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 10 décembre 2014
LOI ANTI-BURQA
M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Mme Valérie Pécresse. Monsieur le Premier ministre, en 2010, le Parlement a voté une loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public. Cette loi anti-burqa n'est pas n'importe quelle loi : c'est une loi qui protège la dignité de la femme, une loi qui refuse les fondamentalismes, une loi qui garantit l'ordre public.
Or elle est aujourd'hui sciemment contournée par certains, dans le but revendiqué de défier nos institutions. Une personne, M. Rachid Nekkaz, se targue en effet d'avoir payé pour 180 000 euros d'amendes, ôtant ainsi aux sanctions prévues par la loi tout caractère dissuasif. Cet individu a annoncé qu'il se rendra demain à la trésorerie de Versailles pour payer sa huit cent soixante-dix-huitième amende anti-burqa, à la place de la femme qui a été verbalisée !
Monsieur le Premier ministre, vous qui avez voté la loi de 2010, pouvez-vous accepter de telles provocations ? Pouvez-vous accepter que des personnes mettent ainsi tout en œuvre, impunément, pour vider la loi de la République de son contenu ? Pour nous, la réponse est clairement « non ».
C'est pourquoi, avec une vingtaine de collègues, j'ai proposé un texte qui permet de mettre fin à ces actes.
M. Henri Emmanuelli. C'est lamentable ! Avec quoi jouez-vous ?
M. Éric Straumann. Et que faites-vous de l'unité nationale, monsieur Emmanuelli ?
Mme Valérie Pécresse. Nous proposons d'abord de rendre obligatoire un stage de citoyenneté pour toutes les femmes verbalisées ; ensuite, de créer un délit d'entrave à la loi, puni de trois ans d'emprisonnement et de 100 000 euros amende. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Soutiendrez-vous, en tant que chef du Gouvernement, notre proposition pour permettre l'application effective de la loi et des principes républicains ? (Mêmes mouvements.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, j'ai en effet voté cette loi, mais je rappelle que le vote avait été extrêmement large car chacun avait refusé l'idée même de ce voile intégral qui nie l'identité des femmes. À travers nos débats sur le sujet, y compris les questions posées dans cet hémicycle, je constate la très grande fragilité dans laquelle se trouve notre société. C'est une responsabilité collective. Nous l'avons déjà vu à l'occasion d'une autre question tout à l'heure.
Il y a des combats fondamentaux que nous devons mener. Je les ai rappelés, et ils sont partagés sur tous les bancs : combats contre l'antisémitisme, le racisme, la xénophobie.
Et puis, il y a un bien précieux qui doit nous rassembler. C'est la laïcité, et je peux le dire avec encore plus de force en ce 9 décembre. Elle n'a pas besoin d'avoir un adjectif accolé parce qu'elle est au cœur des valeurs de la République en permettant ce vivre ensemble.
Mme Pascale Crozon. Très bien !
Mme Claude Greff. Mais que faites-vous pour cela ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. La laïcité est un bien précieux et en même temps fragile. Je vous le dis très directement et le plus franchement possible, madame la députée : faisons attention à tous ces débats qui peuvent être instrumentalisés. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je me refuse à tomber dans ce piège ; c'est tellement facile. Faisons très attention,…
M. Éric Straumann. Comme avec les régions !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …eu égard à ce que j'ai décrit tout à l'heure et aussi à nos compatriotes musulmans, notamment dans une année électorale, à ne pas utiliser ces sujets pour diviser (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), pour vous permettre d'essayer de me placer au pied du mur dans cet hémicycle – l'habileté est tellement évidente ! – pour que je vous dise : « oui ». Cela voudrait dire que nous courons derrière vous ou que, sinon, nous serions en faveur du voile. Ce débat caricatural, ce piège que vous essayez de me tendre, ce n'est pas bon pour la démocratie, ce n'est pas bon pour la laïcité, ce n'est pas bon pour la concorde nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plutôt que d'essayer de diviser sur un tel sujet, madame Pécresse, je vous appelle au rassemblement autour de nos valeurs. il en va de l'unité même de ce que nous sommes. (Huées sur les bancs du groupe UMP.) Plutôt que de siffler, mesdames, messieurs les députés de l'opposition, je vous appelle tous à nous rassembler le 9 décembre autour de nos valeur, pour protéger la laïcité qu'il faut défendre à chaque fois et sur tous les sujets. (Mêmes mouvements.)
Il n'y a pas une laïcité pour les juifs, une laïcité pour les chrétiens, une laïcité pour les musulmans ; il y a une laïcité pour tous les Français ! Ne divisez pas ! Nous, nous rassemblons ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupe SRC, RRDP, Écologiste et GDR. - Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)
Auteur : Mme Valérie Pécresse
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Femmes
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 décembre 2014