Question au Gouvernement n° 2414 :
autoroutes

14e Législature

Question de : M. Jean-Paul Chanteguet
Indre (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Question posée en séance, et publiée le 11 décembre 2014


CONCESSIONS AUTOROUTIÈRES

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le Premier ministre, la privatisation des autoroutes, décidée en 2006 par le gouvernement de Dominique de Villepin, a conduit à l'époque une immense majorité des dirigeants politiques, quelles que soient leurs appartenances partisanes, à se montrer extrêmement critiques vis-à-vis d'un choix qui portait, selon eux, atteinte à l'intérêt général.

En effet, l'État, en déléguant à des sociétés privées l'exploitation d'autoroutes, déjà largement financées par les impôts des citoyens et les péages des automobilistes, se privait ainsi pour de nombreuses années d'importantes ressources pérennes. Au fil des ans, cette gestion a continué à susciter des interrogations suffisamment graves pour que la Cour des comptes puis l'Autorité de la Concurrence soient saisies d'une demande de rapport par la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Ces deux études, publiées l'une le 24 juillet 2013 et l'autre le 18 septembre 2014, ont fait prendre conscience à tous, sur la base d'éléments factuels, précis et incontestables, de l'évolution excessive du montant des péages et du retour financier exceptionnel pour les sociétés concessionnaires d'autoroutes. Par ailleurs, la puissance publique, confrontée à une dette de 2000 milliards d'euros, ne peut plus aujourd'hui financer ses infrastructures de transport, qu'il s'agisse de les maintenir en bon état ou d'en créer de nouvelles, plus adaptées à notre obligation de lutte contre le réchauffement climatique.

Ne pensez-vous pas, monsieur le Premier ministre, que le moment est venu pour l'État de se donner les moyens de gérer autrement le réseau autoroutier, sur de nouvelles bases plus conformes aux priorités de la Nation, c'est-à-dire au bénéfice de l'intérêt général, qui ne peut être confondu avec l'intérêt des actionnaires des actuelles sociétés concessionnaires ? L'État peut-il, dans ce domaine, recouvrer sa pleine souveraineté sur le service public autoroutier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Chanteguet, nous connaissons votre implication sur ce sujet, notamment en tant que rapporteur de l'actuelle mission d'information parlementaire présidée par votre collègue de l'UDI, Bertrand Pancher, relative à la place des autoroutes dans les infrastructures de transport.

Le constat est partagé sur de nombreux bancs : la privatisation des autoroutes en 2006 par le gouvernement de Dominique de Villepin était une erreur…

M. Rémi Pauvros. On peut le dire !

M. Manuel Valls, Premier ministre . …qui a coûté cher au pays en privant l'État de recettes et d'investissements qui, aujourd'hui, manquent. Vous êtes nombreux à faire cette analyse.

M. Dominique Dord. Et l'aéroport de Toulouse ?

M. Manuel Valls, Premier ministre . L'Autorité de la concurrence et la Cour des comptes ont appelé à un rééquilibrage des relations entre les sociétés concessionnaires et l'État. Le Parlement s'est également saisi de ce dossier important et vous avez adopté, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, un amendement pour supprimer un avantage fiscal des sociétés d'autoroutes, ce qui rapportera 60 millions d'euros à l'État chaque année.

Le Gouvernement est déterminé à agir pour remédier à cette situation.

M. Marc Dolez. Nationalisez ces sociétés !

M. Manuel Valls, Premier ministre . Nous voulons tout d'abord améliorer la régulation des péages afin de mettre un terme aux surprofits des sociétés d'autoroutes – cela vaut notamment pour la hausse des tarifs prévue pour 2015 – et imposer une participation des sociétés d'autoroutes au financement des infrastructures de transport. Vous le savez, des négociations avec les sociétés d'autoroutes ont été engagées sous l'égide de Ségolène Royal, Alain Vidalies et Emmanuel Macron. Je souhaite qu'elles aboutissent avant la fin de l'année.

Toutes les propositions pour améliorer la situation seront mises sur la table. Croyez-moi, nous nous appuierons sur votre rapport, dont nous connaîtrons les conclusions la semaine prochaine, et nous y associerons le Parlement.

Vous avez raison, l'intérêt général de la nation doit être pris en compte. En attendant votre rapport et le résultat des discussions et en espérant que chacun soit à la hauteur de ses responsabilités, aucune solution ne doit être exclue.

M. Marc Dolez. Y compris la nationalisation !

M. Manuel Valls, Premier ministre . L'État est prêt à faire valoir l'intérêt de la nation, celui des Français. Aucune solution n'est écartée. Une remise à plat totale s'impose car il en va précisément de l'intérêt de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Paul Chanteguet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Voirie

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 décembre 2014

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