Question au Gouvernement n° 2442 :
Conseil de l'Europe

14e Législature

Question de : M. Pierre Lellouche
Paris (1re circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 18 décembre 2014


CONDAMNATIONS DE LA FRANCE PAR LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Lellouche. Monsieur le Premier ministre, en l'espace de sept mois, la Cour européenne des droits de l'homme vient d'infliger trois camouflets à la France, sur des points centraux de son droit et de ses institutions.

En juin, la famille : la Cour impose à la France de reconnaître la filiation des enfants nés de mères porteuses à l'étranger dans l'état civil français.

Mme Annie Genevard. C'est une honte !

M. Pierre Lellouche. En juin, la même Cour a exigé de nos armées, monsieur Le Drian, la création de syndicats de soldats.

Et ce 4 décembre, cerise sur le gâteau, dans deux arrêts absolument ubuesques, Ali Samatar contre France et Hassan contre France, la Cour européenne impose à la France de payer 52 000 euros de dommages et intérêts pour le « préjudice moral » subi par des pirates somaliens qui avaient agressé des bateaux français dans le golfe d'Aden et que les commandos français avaient eu le tort d'intercepter. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Myard. On marche sur la tête !

M. Pierre Lellouche. Cette jurisprudence est d'autant plus insupportable que, dans chaque cas, le Gouvernement français n'a pas fait appel et que la Cour est totalement asphyxiée : 800 millions d'Européens peuvent la saisir directement, si bien qu'il y a 60 000 requêtes supplémentaires chaque année et 150 000 affaires pendantes.

La question qui se pose – pas seulement au Parlement français d'ailleurs, je pense au Parlement britannique et au Parlement suisse, par exemple – est la suivante : que pensez-vous, monsieur le Premier ministre, au moment où apparaît le divorce entre les peuples et les institutions européennes, de cette jurisprudence émanant d'un gouvernement des juges autoproclamé, que personne ne contrôle ? Tel est le sujet sur lequel nous aimerions vous entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député Pierre Lellouche, vous avez été en charge des affaires européennes et vous connaissez parfaitement le fonctionnement des institutions européennes. Vous savez que la Cour européenne des Droits de l'homme fonde ses jugements sur la base de la Convention européenne des droits de l'homme, que les pays membres ont signée et ratifiée. Et la France s'honore de l'avoir fait, d'avoir compté parmi les pays remarquables qui ont signé et ratifié cette convention.

M. Jacques Myard. Et alors ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les jugements de cette Cour sont fondés sur les articles de la Convention européenne des droits de l'homme. Souvent, cette convention contribue à préciser les libertés et les devoirs qui protègent nos concitoyens.

Vous savez, monsieur le député, que les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, dans laquelle siège un magistrat français de très grande qualité, les magistrats étant désignés par les pays membres, que ces décisions sont respectueuses des droits de ces pays.

M. Jacques Myard. Ce n'est pas vrai !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux . Par exemple, sur la famille, la Cour européenne a pris la peine de distinguer la situation des parents de celle des enfants, ce qui ne remet nullement en question la souveraineté de la France, qui est libre d'autoriser ou d'interdire la gestation pour autrui et conserve la totale liberté de maintenir dans son droit l'interdiction absolue de la GPA.

M. Philippe Goujon. Donc, tout va bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux . Le divorce que vous évoquez est lié souvent à une méconnaissance du fonctionnement des institutions européennes.

Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Jean-Claude Mignon . C'est vrai.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux . Nous y contribuons lorsque nous laissons croire qu'il y a de l'opacité. Je ne pense pas qu'il soit sain, ni pour la démocratie française, ni pour l'Union européenne, que nous puissions contribuer à faire croire qu'il y a de l'opacité.

Mme Bérengère Poletti. On ne peut rien dire, alors ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux . L'Europe, c'est un rassemblement de pays : les pays contribuent à l'Europe et tous les ministres vont régulièrement aux conseils des ministres européens. C'est nous qui contribuons à élaborer les lois européennes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

M. Pierre Lellouche. Vous n'avez pas répondu.

Données clés

Auteur : M. Pierre Lellouche

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Organisations internationales

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 décembre 2014

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