Question au Gouvernement n° 2464 :
procédure pénale

14e Législature

Question de : M. Georges Fenech
Rhône (11e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 15 janvier 2015


LIBÉRATIONS SOUS CONTRAINTE ET RÉDUCTIONS DE PEINE

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Georges Fenech. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Le Premier ministre a déclaré devant nous hier que la France était en guerre contre l'islamisme radical. Nous le soutenons dans sa volonté de protéger nos valeurs et nos compatriotes, et nous ferons nos propres propositions en ce sens.

Mais dans ce contexte d'union nationale, je m'étonne, madame la ministre, sans esprit polémique, croyez-le bien (Murmures sur les bancs du groupe SRC), des dernières instructions que votre ministère a adressées aux procureurs et qui, à l'évidence, vont à l'encontre de ces objectifs.

Dans une circulaire du 26 décembre dernier, vous demandez que tous les détenus purgeant une peine allant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement puissent bénéficier aux deux tiers de leur peine d'une libération sous contrainte, mais sans conditions, puisqu'ils n'auront même pas l'obligation de produire un projet de réinsertion professionnelle. Selon vos propres estimations, ce sont quelque 20 000 détenus qui vont prochainement recouvrer la liberté, et donc faire courir un nouveau risque à nos concitoyens.

Encore plus déroutant, dans une circulaire datée du 9 janvier, c'est-à-dire deux jours après les attentats, vous demandez que le régime des réductions de peine des primodélinquants soit étendu aux récidivistes, lesquels recouvreront donc la liberté au plus vite et, parmi eux, disons-le, il faut le craindre, quelques candidats au djihadisme.

Alors dites-nous, madame la ministre, comment, selon vous, les policiers et les gendarmes pourront se consacrer à la lutte contre le terrorisme s'ils doivent courir après des milliers de délinquants prématurément remis en liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Dans ce moment tragique que traverse la société française, monsieur le député, compte tenu de la réponse grandiose qu'ont apportée les citoyens, aussi bien dans l'Hexagone que dans les outre-mer, et eu égard à l'estime qui nous est venue du monde entier, je crois qu'il nous est intimé de nous hisser. C'est d'ailleurs la consigne du Président de la République, et nous avons constaté que, sur tous les bancs, il y en a qui accomplissent cet effort.

Je vais me l'imposer moi-même et, par conséquent, je ne relèverai ni le ton polémique de votre question (Protestations sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR), indépendamment de votre déclaration préliminaire, ni les inexactitudes malveillantes que vous y avez introduites.

M. Patrice Verchère. Avez-vous signé ou non la circulaire ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez participé au débat sur la réforme pénale et vous savez que les circulaires que vous évoquez sont tout simplement du travail d'action publique, qui explique le contenu de la loi, contenu que vous connaissez parfaitement pour avoir participé à ces discussions.

Les éléments que vous évoquez ont d'ailleurs été introduits à la commission des lois, portés par le rapporteur, débattus démocratiquement dans cet hémicycle et expliqués.

Mme Claude Greff. Que fait-on maintenant ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous rappelle d'ailleurs que l'une des circulaires que vous contestez prévoit au contraire que le contenu de la réforme pénale ne s'applique pas aux situations antérieures aux dispositions contenues dans le texte.

Je regrette que vous n'ayez pas signalé la circulaire qui demande aux parquets de faire preuve de la plus grande fermeté dans la lutte contre le racisme et l'antisémitisme (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR), dans la continuité de la circulaire de juin 2012, avec une action continue sur deux ans, un renforcement de notre arsenal législatif,…

M. Yves Censi. C'est un aveu !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …une vigilance continue.

Sincèrement, monsieur le député, plutôt que d'avoir des sorties sèches comme nous en avons connu, sans suivi des détenus qui, comme vous le dites, rencontrent effectivement de grands terroristes dans les établissements pénitentiaires, nous voulons au contraire l'efficacité dans la protection des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, sur de nombreux bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Données clés

Auteur : M. Georges Fenech

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Droit pénal

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 janvier 2015

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