lutte contre le racisme
Question de :
M. Paul Giacobbi
Haute-Corse (2e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste
Question posée en séance, et publiée le 18 février 2015
LUTTE CONTRE L'ANTISÉMITISME
M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Paul Giacobbi. Monsieur le Premier ministre, le 11 janvier, nous avons manifesté en masse mais si nous étions tous « Charlie », bien peu, trop peu, se sont voulus « casher » à cette occasion. Dimanche, des centaines de tombes d'un cimetière juif ont été profanées dans le Bas-Rhin et hier, un ancien ministre s'est exprimé en usant d'un vocabulaire que l'on n'entend plus guère sur nos ondes depuis la Libération – depuis Pétain.
Monsieur le Premier ministre, qu'arrive-t-il à la France ? Dans ce pays qui a proclamé, dès 1791, la pleine égalité des droits pour les juifs de France, dans ce pays qui s'est déchiré parce qu'un innocent, Alfred Dreyfus, était accusé, par une machination ignoble, d'une trahison dont il était totalement innocent au seul motif qu'il était juif, avant que ne soient rétablis ses droits et son honneur en 1906 ?
Nous en sommes encore, par ces non-dits, ces profanations, ces allusions perfidement teintées d'antisémitisme, à une ambiguïté contraire aux fondements et à l'histoire de notre République.
Mon père, pourtant lui-même pourchassé comme résistant, condamné à mort par contumace, m'a dit un jour avoir eu « honte d'exister », ce sont ses mots, je m'en souviens, après avoir croisé, dans la France de l'Occupation, le regard d'un vieux monsieur portant l'étoile jaune. Aujourd'hui comme hier, l'antisémitisme nous fait honte.
Monsieur le Premier ministre, ce qui se passe aujourd'hui, ce qui se dit aujourd'hui dans notre pays, ce ne sont pas les dérapages scandaleux d'un vieillard indigne, les oublis gênants d'une majorité silencieuse ou les comportements morbides d'adolescents en mal de sensations nocturnes, ce sont, ne nous y trompons pas, les signes de vie de la bête immonde de l'antisémitisme que nous devons combattre. Monsieur le Premier ministre, comment allez-vous mener ce combat ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, vous avez raison de vous indigner et de mettre autant de force dans votre question car, quand nous étions ce matin avec le Président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale devant ce monument saccagé, qui portait l'inscription « À la mémoire des déportés », nous avons ressenti tout ce qu'il y avait d'abject et de violent dans cet acte qui renvoyait à ce qu'est la nature profonde de l'antisémitisme par-delà les frontières, quels que soient les moments de l'Histoire, dans cet acte marqué par une forme profonde d'ignorance et de bêtise que l'on voit se déployer dans un irrespect assumé sur Internet avec des phrases, des mots qui atteignent et blessent, et que l'absence de régulation permet.
Nous sommes déterminés, comme l'a dit le Président de la République ce matin, à combattre cette forme de bêtise, et d'abord en protégeant nos compatriotes de confession juive. Nous le faisons en mobilisant toutes nos forces de l'ordre et nos militaires, devant l'ensemble des institutions, pour que la sécurité des juifs de France, qui sont menacés, soit assurée. Nous le faisons en érigeant la lutte contre l'antisémitisme en grande cause nationale. C'est dans cet esprit que le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité donner de nouveaux moyens à la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, afin de développer des formations et une sensibilisation dans les écoles, les quartiers et les administrations, de qualifier l'antisémitisme et de faire en sorte que, grâce à l'enseignement de l'Histoire, de tels propos ne soient plus tenus.
Enfin, nous sommes déterminés à ce que le droit triomphe. Aussi ai-je demandé au préfet de faire preuve de la plus grande fermeté et de recourir à l'article 40 du code de la procédure pénale pour dénoncer tous les actes antisémites et faire en sorte que le droit s'applique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Auteur : M. Paul Giacobbi
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Droits de l'homme et libertés publiques
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 février 2015