Question au Gouvernement n° 2626 :
culture

14e Législature

Question de : Mme Annie Genevard
Doubs (5e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 4 mars 2015


JOURS FÉRIÉS OUTRE-MER

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Mme Annie Genevard. Monsieur le Premier ministre, à la faveur d'un cavalier législatif, un amendement au projet de loi « Macron » a été adopté, permettant de substituer aux fêtes d'origine chrétienne d'autres jours fériés en outre-mer au motif de spécificités culturelles, religieuses et historiques.

M. Sylvain Berrios. C'est scandaleux !

Mme Annie Genevard. Cette décision choque un très grand nombre de nos concitoyens. Elle est en contradiction avec ce que demandent régulièrement nos collègues d'outre-mer. En effet, on ne peut pas tout à la fois demander une équité de traitement avec la métropole et, au nom de la singularité, réclamer un traitement différencié. La République est une et indivisible ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

Demain, qu'est-ce qui empêchera tel ou tel territoire de métropole, au nom de la prévalence d'une religion ou d'une histoire qui lui serait propre, de vouloir à son tour fixer ses propres jours fériés ?

En bouleversant un temps collectif façonné par les siècles et la tradition, les Français, qu'ils croient au ciel ou qu'ils n'y croient pas – comme disait Aragon –, vivent comme une dépossession ces atteintes à ce qui compose leur calendrier, leurs fêtes, leurs rites, leur histoire, leur culture. De même, la contestation des marchés de Noël, de la crèche ou encore des noms donnés aux vacances scolaires est très mal vécue et, loin de les apaiser, exacerbe les tensions.

Notre pays sort des événements du 7 janvier extrêmement fragilisé. Tout gage donné au communautarisme, dans un contexte où notre pays, la France, a tant besoin d'unité nationale, ravage un peu plus ce qui fait notre identité commune.

M. Serge Letchimy. Cela n'a rien à voir !

Mme Annie Genevard. Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour empêcher des initiatives, de plus en plus nombreuses, qui divisent les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. Nicolas Dupont-Aignan. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, au cours de l'examen du projet de loi pour la croissance et l'activité,…

M. Guy Geoffroy. Le projet de loi « 49-3 » !

M. Manuel Valls, Premier ministre . …un amendement a été déposé par Mme Ericka Bareigts (« Et adopté ! » sur les bancs du groupe UMP.) Cet amendement visait à prendre en considération, ne l'oublions pas, ce qui est la réalité du département et de la région de La Réunion. En effet, quand on examine les choses de près – car, comme vous, je m'y suis rendu à plusieurs reprises –, on constate qu'il existe là-bas un modèle, différent de celui de la métropole mais profondément français, qui a toujours laissé la place à la plus grande tolérance envers les cultes qui sont représentés dans l'île, et notamment, parlons clair, envers l'islam. Peut-être pourrions-nous, comme l'ont suggéré divers travaux – je pense notamment à la mission présidée par Jean-Louis Debré –, nous en inspirer, ne serait-ce que dans la manière d'aborder ces questions.

M. Sylvain Berrios. Ah ça, je ne crois pas !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Gouvernement avait émis sur cet amendement un avis de sagesse, de manière à laisser le débat ouvert et les parlementaires libres de s'exprimer par le vote. Comme je pense que vous êtes soucieux des prérogatives du Parlement,…

M. Jacques Myard. Oh que oui !

M. Manuel Valls, Premier ministre . …j'imagine qu'au Sénat comme à l'Assemblée, nous aurons l'occasion de revenir sur ces sujets dans le cadre d'un débat apaisé.

Comme Najat Vallaud-Belkacem, Bernard Cazeneuve et moi-même l'avons souligné ce matin à Strasbourg, la diversité est une richesse pour notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), elle doit être une force, et elle est de toute façon une réalité. Dans le même temps, les valeurs communes qui nous rassemblent doivent être encore plus fortes.

M. Laurent Furst. Assez de ce discours !

M. Manuel Valls, Premier ministre . À l'occasion de ce type de débat, à condition de ne pas créer de confusion ni montrer quiconque du doigt, à condition aussi d'oublier les mots qui blessent, bref en travaillant de manière apaisée, je pense que nous pourrions trouver ensemble la bonne solution, en nous inspirant davantage de ce qui se fait dans les départements et territoires d’outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Données clés

Auteur : Mme Annie Genevard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mars 2015

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