lois
Question de :
M. Jean Leonetti
Alpes-Maritimes (7e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 8 novembre 2012
DÉBATS DE SOCIÉTÉ
M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.M. Jean Leonetti. Je voudrais, monsieur le Premier ministre, poser ma question calmement et j'espère que j'aurai une réponse de votre part qui sera de même type. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)
Je vous demande d'ouvrir le débat public sur les sujets de société sur lesquels vous vous êtes engagé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Sur la fin de vie, vous envisagez de dépénaliser l'euthanasie. Sur la citoyenneté, vous envisagez le droit de vote des étrangers. Enfin, sur la famille, vous envisagez d'ouvrir le mariage aux couples homosexuels.
Ces sujets, vous le savez, sont graves, complexes. Ils engagent l'intime de chacun d'entre nous et aussi une société dans sa globalité, ainsi que nos valeurs et notre avenir commun. Il me semble donc qu'ils n'appartiennent ni aux experts, ni aux politiques, mais au peuple français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.).
Mme Catherine Vautrin. Eh oui !
M. Jean Leonetti. Ces sujets, vous le savez aussi, monsieur le Premier ministre, sont essentiels mais ils ne sont pas urgents. Je vous demande de vous donner le temps de la démocratie, de vous donner le temps du dialogue, de vous donner le temps de la concertation pour éviter à la fois les amalgames et les caricatures. C'est ce que nous avions fait pour les lois bioéthiques. Nous avions associé l'opposition - Alain Claeys peut en témoigner - à l'ouverture d'un débat démocratique. Et, de manière apaisée, nous avons fait des choix, mais précédés par la pédagogie et le dialogue.
M. Jean-Marie Le Guen. Quels choix ? Il n'y en n'a pas eu !
M. Jean Leonetti. Monsieur le Premier ministre, ces sujets méritent plus qu'une décision à la va-vite.
M. Claude Goasguen. Très juste !
M. Jean Leonetti. Ils méritent une concertation élargie et un débat public organisé. Organisez-le. La loi le permet aujourd'hui, nous l'avons votée ensemble et à votre demande. Ce qui était possible hier, pourquoi ne le serait-il pas aujourd'hui ? Monsieur le Premier ministre, auriez-vous peur du peuple français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI. - Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur Leonetti, vous avez souhaité un échange dans le calme et la sérénité sur des questions difficiles, qui peuvent diviser. Mais vous ne terminez pas votre question comme vous l'avez commencée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Michel Herbillon. Répondez à la question !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je n'ai pas peur du peuple français. Je respecte le peuple français, et d'autant mieux qu'il s'est prononcé le 6 mai dernier (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP) et qu'il a élu un Président de la République qui, dans sa manière de faire campagne, a eu un respect profond du peuple français, puisqu'il a proposé aux citoyennes et aux citoyens, dans la clarté, soixante engagements.
Plusieurs députés du groupe UMP. Et vos engagements sur la TVA ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La majorité parlementaire a été élue, un mois après, pour donner au Président les moyens de les mettre en oeuvre, et c'est montrer du respect au peuple français que de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Au-delà de ce simple rappel démocratique, j'ai noté que vous évoquez plusieurs projets de loi, qui peuvent diviser, faire débat, et de tels débats sont respectables.
M. Bernard Deflesselles. Alors faisons-les !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous avez parfaitement raison sur ce point, monsieur Leonetti, de souhaiter le dialogue le plus approfondi possible, et c'est la vocation du Parlement, il est là pour cela. Le Gouvernement souhaite, et je crois que tous les parlementaires le souhaitent également, prendre le temps nécessaire pour que vous et vos collègues alliez jusqu'au bout du débat sur les textes présentés par le Gouvernement,...
M. Christian Jacob et Mme Catherine Vautrin. Il faut une commission spéciale !
M. Guy Geoffroy. C'est la règle !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. ...et pour qu'ensuite, souverainement, l'Assemblée nationale se prononce.
S'agissant des trois projets de loi que vous avez évoqués, l'un, le mariage de couples d'un même sexe, a fait l'objet ce matin d'une décision du Conseil des ministres. Le Gouvernement souhaite que le travail d'audition se fasse autant que nécessaire. Je sais que les rapporteurs et les responsables qui vont porter ce projet dans la majorité le souhaitent également, et le feront.
M. Guy Geoffroy. Faites une commission spéciale !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous avez aussi évoqué la fin de vie. Vous êtes bien placé pour en parler, monsieur Leonetti, puisque vous avez présenté un projet de réforme à ce sujet. Je sais le travail que vous avez fait, un travail d'écoute et de dialogue dont je vous remercie, et auquel nous avons participé. Nous nous sommes même parfois retrouvés avec vous dans un même vote. Le Président de la République, sur ce sujet difficile mais qui est une préoccupation légitime des Français et qui a fait, lui aussi, l'objet d'un engagement, a désigné le professeur Sicard pour engager toutes les réflexions nécessaires avant que le Gouvernement se saisisse d'un projet de loi et le propose au Parlement. C'est bien là le respect du dialogue, le respect du débat.
S'agissant du droit de vote des étrangers aux élections locales, on sait qu'il faut une réforme de la Constitution, laquelle requiert une majorité que la gauche n'a pas à elle seule. J'ai donc préconisé, là aussi, le dialogue pour rechercher des convergences afin que nous puissions aboutir également sur ce sujet. Tel est l'état d'esprit du Gouvernement : on ne change pas en profondeur la société sans chercher à rassembler. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
M. Michel Herbillon. Vous ne rassemblez pas, vous divisez !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le député, vous l'avez prouvé vous-même puisque, lorsque vous avez fait vos premières propositions concernant le droit de terminer sa vie dans la dignité, vous n'étiez pas sur la même position, mais vous avez dialogué. Au début, vous n'étiez pas d'accord avec tout le monde, et vous avez fait progresser le débat. Mais moi, je suis ici, en tant que chef du Gouvernement, garant des engagements pris devant les Français. Ma responsabilité, je dirai même mon devoir, est d'être garant du respect du vote des Français, dans le respect des droits et de la diversité des opinions, mais d'abord dans le respect du vote des citoyens de la République française. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Auteur : M. Jean Leonetti
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Parlement
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 novembre 2012